La ridicule affaire dite «du vol à la BCEAO et dans les banques commerciales ivoiriennes»

1

par Justin Katinan Kone

Introduction

Depuis le 19 janvier 2018, le verdict rendu par le Tribunal de Première instance d’Abidjan, agissant en matière correctionnelle, dans l’affaire communément appelée «braquage de la BCEAO», continue de polluer la vie politique en Côte d’Ivoire. L’on sait que la chambre correctionnelle dudit tribunal était entrée en voie de condamnation des prévenus pour les faits de vol à main armée qui aurait été opéré à la BCEAO et dans diverses banques commerciales ivoiriennes durant la crise postélectorale et de détournement de deniers publics.

Ainsi, le Premier ministre Marie Aké Ngbo et le ministre Désiré Dallo ont été jugés contradictoirement et condamnés à 20 ans de prison ferme sans mandat de dépôt.

1. Le président Laurent Gbagbo et le ministre Justin Katinan Kone, jugés par défaut parce que le premier était encore dans la prison de la CPI à la Haye et le second était en exil au Ghana. Un mandat d’arrêt international avait été émis contre celui-ci. Les deux prévenus avaient été condamnés également à 20 ans de prison ferme. Dans leur délibéré délirant, les juges de la chambre correctionnelle ont mis à la charge des condamnés des dommages et intérêts de 329 milliards de FCFA (500 millions d’Euros) représentant le préjudice qu’auraient subi les victimes des faits imputés aux condamnés. Dans le narratif des juges de la chambre correctionnelle, le ministre Justin Katinan Kone était reconnu coupable en tant qu’auteur principal et les trois autres, y compris le président Laurent Gbagbo, comme complices. Par la suite, le 6 octobre 2018, le chef de l’État a pris l’ordonnance n°2018-669 du 6 Aout 2018 portant amnistie. Cette amnistie a paradoxalement effacé les faits considérés comme des infractions à l’égard de tous, y compris de l’auteur principal, sauf à l’égard du président Laurent Gbagbo pourtant condamné comme complice. Cette sélectivité de l’ordonnance d’amnistie à son égard, ajoutée aux conditions ubuesques de son procès, expliquent mieux l’unique objectif poursuivi par ledit procès.

Même si personne, y compris leurs pourfendeurs les plus endoctrinés, ne croit à la moindre culpabilité des quatre condamnés, il importe cependant, pour les besoins de l’histoire de revenir sur la crise post-électorale dans sa déclinaison économique et financière.

J’ai eu l’avantage de connaître mieux cet aspect de la crise post-électorale pour deux raisons essentielles.

La première tient du fait que, en tant que ministre en charge du budget, j’ai été appelé, dans le cadre de mes fonctions, à jouer un rôle de premier plan dans la gestion de cette crise dans sa dimension économique et financière.

La seconde raison procède des poursuites judiciaires engagées contre moi par le gouvernement ivoirien alors que j’étais en exil. Arrêté le 24 août 2012 à l’aéroport d’Accra, j’ai dû me défendre dans un procès en extradition diligenté par la justice ghanéenne pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire. Ce procès, qui a duré plus d’un an, s’est dénoué à ma faveur le 30 août 2013. Le juge qui connaissait de cette affaire avait rejeté la demande d’extradition. Dans son délibéré, le juge avait trouvé les accusations portées contre moi non fondées et avait conclu qu’il ne trouvait pas d’autres explications à cette demande d’extradition que des motifs politiques. Ce procès, qui a porté sur les mêmes faits que ceux pour lesquels nous serons condamnés à Abidjan, m’a donné l’avantage de connaître toutes les pièces versées à charge contre moi. C’est l’exploitation de ces pièces et de certains documents que j’ai à ma possession, du fait de mon ancienne fonction ministérielle, qui me permet de répondre à la problématique que soulève notre condamnation, qui continue de survivre à l’amnistie prise le 6 octobre 2018 uniquement au dépens du président Laurent Gbagbo. Cette problématique est désormais posée dans les termes suivants :

• Le président Laurent Gbagbo a-t-il commis les infractions, à titre d’auteur ou de complice, de vols à main armée à la BCEAO ou dans les banques commerciales ?

• Le président Laurent Gbagbo s’est-il rendu coupable, à quelque titre que ce soit, de détournement de deniers public au détriment du Trésor public ?

La période concernée par ces questionnements part du 4 décembre 2010 au 11 avril 2011.

Pour répondre à ces questions, dans un souci didactique, nous proposons une démarche chronologique autour du dualisme action/réaction. En d’autres termes, quelles sont les actions posées par les adversaires du président Laurent Gbagbo pendant la crise post-électorale et quelles ont été les réactions de ce dernier ? Tout en analysant ce dualisme action/réaction, il importe nécessairement de mettre chacune des composantes de ce dualisme en rapport avec la loi ivoirienne comprise au sens générique. Aussi proposons-nous d’organiser notre démarche autour des axes suivants :

• La chronologie d’une tentative illégale d’asphyxie de l’État ivoirien (I)

• Les mesures correctives légalement prises par le président Laurent Gbagbo pour déjouer le piège de l’asphyxie économique et financière posé par la coalition de ses adversaires (II).

I. Chronologie d’une tentative illégale d’asphyxie orchestrée contre l’État ivoirien

Les mesures de rétorsion engagées par la coalition anti-Laurent Gbagbo entre le 4 décembre 2010 et le 11 avril 2011 ont été implémentées en deux phases :

• Une première phase qu’on pourrait qualifier de préliminaire (A) ;

• Une seconde phase qui pourrait être qualifiée d’active (B)

A. La phase préliminaire

Le 28 novembre 2010 a eu lieu le deuxième tour de l’élection présidentielle qui a opposé les candidats Laurent Gbagbo, président de la République sortant et Ouattara Alassane. Le 2 décembre 2010, ces élections connaissent leur dénouement par la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle 2010 par le Conseil constitutionnel déclarant le président Laurent Gbagbo vainqueur. Le 4 décembre 2010 celui-ci prête serment devant le Conseil constitutionnel. Ayant été envoyé de nouveau à ses charges, le président Laurent Gbagbo procède à la nomination du Premier ministre Gilbert Marie Aké Ngbo par décret n°2010-309 du 5 décembre 2010. Le nouveau Premier ministre forme son gouvernement entériné par le décret 2010-3012 du 6 décembre 2010. Le 7 décembre 2010 se tient le premier Conseil des ministres sous la présidence effective de son Excellence le président Laurent Gbagbo.

Entre temps, le candidat Ouattara Alassane, qui avait refusé de reconnaître les résultats définitifs de l’élection présidentielle proclamés par le Conseil Constitutionnel, prête également serment par lettre écrite envoyée au Conseil constitutionnel le 4 décembre 2010. Évidemment, celui-ci rejette ce deuxième serment. C’est finalement le 6 mai 2011 qu’il prêtera serment après le renversement manu militari du président Laurent Gbagbo. Pour arriver à cette fin le candidat Ouattara, et la coalition nationale et internationale portée par la France, utilisèrent tous les instruments de rétorsion dont les plus inédits étaient les tentatives d’étouffement économique et financier de l’État ivoirien. Dans la phase préliminaire, diverses initiatives ont été prises pour démarcher les cadres civils et militaires afin de les détourner du président Laurent Gbagbo. Ces démarches étaient menées par certaines chancelleries, notamment française et américaine.

Au niveau financier et bancaire, la BCEAO devint un enjeu stratégique majeur pour le contrôle de l’État. Aussi plusieurs démarches furent-elles diligentées en direction du gouverneur de la BCEAO, Dakoury Tabley Philipe-Henri, pour le convaincre de collaborer avec le gouvernement du golf que le candidat Ouattara avait formé pour s’opposer au gouvernement formé par le président Laurent Gbagbo à qui la Constitution donnait une base légale et légitime, du fait du serment à lui donné par le Conseil constitutionnel. Ainsi tour à tour :

  • Monsieur Ouattara Alassane appela 2 fois le gouverneur de la BCEAO.
  • Puis monsieur Albert Mabri Toikeuse, agissant en qualité de ministre de plan du gouvernement du Golf, est allé à Dakar rencontrer le gouverneur de la BCEAO.
  • Monsieur Adama Koné, agissant comme DG du Trésor du gouvernement du Golf, entreprit aussi pareille démarche en direction du gouverneur de la BCEAO.

Concomitamment, toute l’administration française se mobilisa pour couper les sources de financement de l’économie ivoirienne.

D’abord l’ambassadeur de France au Sénégal, monsieur Nicolas Normand, entreprit de démarcher le gouverneur Dakoury, en y mettant toutes les formes de menace et d’intimidation, sans succès. Le gouverneur de la Banque de France, monsieur Christian Noyer monta au créneau et connu la même infortune que l’ambassadeur. Le 19 décembre 2010, madame Christine Lagarde, ministre de l’Économie de France, adressa le courrier référencé 004552 directement au gouverneur de la BCEAO pour lui dicter la conduite à tenir, c’est-à-dire ne permettre les mouvements des comptes de l’État à la BCEAO qu’aux seuls préposés nommés par celui que le gouvernement français considérait comme le président de la République, monsieur Ouattara Alassane.

Le gouverneur de la BCEAO, à qui aucune disposition, ni légale, ni statutaire, ne donne compétence pour s’opposer à la légalité constitutionnelle d’un État souverain, de surcroît l’État le plus important en termes de puissance économique de l’institution qu’il dirigeait, est resté constant dans sa position en résistant à toutes ces tentatives assorties de menaces. Ayant constaté l’échec de la phase préliminaire, la coalition anti-GBAGBO entama la phase active des mesures de rétorsion.

B. La phase active des mesures de rétorsion

Cette phase s’est déroulée dans un ordre chronologique bien établi suivant des étapes dont la sévérité allait crescendo.

Tout commença le jeudi 23 décembre 2010, lorsqu’une réunion extraordinaire des ministres de l’UMOA fut convoquée à Bissau. Comme il fallait s’y attendre, cette réunion demanda au gouverneur de la BCEAO de ne reconnaitre que les personnes nommées par monsieur Ouattara comme ayant seules la qualité à travailler avec la BCEAO, C’est-à-dire à mouvementer les comptes du Trésor public qui sont ouverts à la banque centrale. Cette réunion avait été urgemment convoquée pour empêcher le gouvernement ivoirien de procéder au paiement des salaires de la fin du mois de décembre dont les états avaient été déjà déposés au Trésor pour paiement dès le 21 décembre 2010.

Ce même jeudi 23 décembre 2010, avant même que les conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l’Union ne furent connues, les deux banques françaises : la SGBCI et la BICICI refusèrent d’ouvrir leurs portes pour servir les fonctionnaires dont les salaires avaient été virés la veille, c’est-à-dire, le 22 Décembre 2010. Elles n’ouvriront leurs portes que tard dans l’après-midi pour certaines agences et d’autres le vendredi 24 décembre sur insistance du gouvernement ivoirien. Le lundi 27 décembre 2010, la Direction de la BCEAO transmit un courrier au gouvernement ivoirien pour l’informer des conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l’Union. Ayant relevé la détermination des autorités légales ivoiriennes de ne point céder devant les décisions du Conseil des ministres de l’UMOA, le samedi 22 janvier 2011, un sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement, cette fois-ci de l’UEMOA, fut convoqué à Bamako. Ce sommet procéda au limogeage, sous le couvert d’une démission, du gouverneur Dakoury jugé trop conciliant avec le gouvernement ivoirien. L’intérim du gouvernorat de la BCEAO fut confié à monsieur Jean-Baptiste Marie-Pascal Compaoré, alors vice-gouverneur de la BCEAO pour le compte du Burkina Faso. Le dimanche 23 janvier 2011, le gouverneur par intérim de la BCEAO envoya un fax à la direction ivoirienne de la représentation nationale de la BCEAO pour lui faire injonction de fermer toutes ses agences sur toute l’étendue du territoire national. Pour donner effet à son injonction, le 26 janvier 2011, il fit interrompre, depuis Dakar, le système informatique de gestion de la compensation interbancaire. Ce fut le prétexte qu’attendaient les banques françaises opérant en Côte d’Ivoire pour jouer leur partition dans la mise à mort de l’économie ivoirienne.

Le lundi 14 février 2011, la BCICI ferma sans préavis toutes ses agences sur l’étendue du territoire national. Pour encourager les autres banques françaises à en faire autant, le même 14 février 2011, une dépêche de l’AFP annonça que le gouvernement français se félicitait de la fermeture des banques françaises en Côte d’Ivoire.

Trois jours plus tard, le temps de mieux s’organiser à cette fin, le 17 février 2011, la SGBCI donna suite à l’appel du gouvernement français et procéda à son tour à la fermeture.

Elle sera suivie le lendemain par la BIAO et de la SIB.

Pour comprendre la logique politique de la fermeture de ces banques dans le contexte de la crise post-électorale, il faut rappeler que ces 4 banques logeaient à l’époque les comptes de plus de 70% des fonctionnaires et des agents du secteur privé. L’objectif de tout ce schéma diabolique visait à créer la révolte des populations contre le gouvernement et à faire chuter le régime GBAGBO, toute chose qui soutiendrait les allégations de la victoire de monsieur Ouattara. En effet, l’image d’une foule chassant le président Laurent Gbagbo aurait été incontestablement la preuve qu’il avait perdu les élections.

En réaction à ces mesures totalement illégales, il fallait donner des réponses urgentes tout en respectant la loi en toute circonstance.

II. Des mesures de rétorsion illégales corrigées par des réponses légales

Le dualisme entre l’action et la réaction dans le cadre de la crise post-électorale pose en lui-même le problème de la légalité des mesures de rétorsion et celle des mesures correctives prises en réaction à celles-là.

A. De l’illégalité des mesures de rétorsion prises par la BCEAO et les banques

Cette illégalité procède à la fois des textes qui régissent la BCEAO et l’activité bancaire en Côte d’Ivoire et la pratique observée dans l’histoire de l’UMOA depuis l’indépendance des pays membres.

Aucune disposition, dans les textes qui régissent la BCEAO et l’UMOA, ne donne pouvoir au Conseil des ministres de trancher un conflit électoral interne à un pays membre. C’est une compétence exclusive des institutions internes des pays membres. Or le Conseil constitutionnel avait tranché le contentieux électoral en Côte d’Ivoire en faveur du président Laurent Gbagbo. Les ministres nommés dans leurs différents pays sur la base des compétences constitutionnellement reconnues à leurs mandants (les chefs d’État et de gouvernement) ne pouvaient se réunir et prendre des décisions qui s’opposent aux décisions du Conseil constitutionnel d’un État membre. C’est ce que le gouvernement ivoirien a répondu à la BCEAO quand son gouverneur a signifié à l’État ivoirien les conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres de l’Union tenue à Bissau.

Cette compétence n’est même pas reconnue à la Conférence des chefs d’État et de gouvernement, l’instance la plus élevée de l’Union qui, selon l’article 7 al.2 du traité de l’UMOA «définit les grandes orientations de la politique de l’UMOA. Elle décide de l’adhésion des nouveaux membres, de l’exclusion d’un membre de l’UMOA et prend acte du retrait d’un membre». Cette instance n’a aucun pouvoir pour s’opposer à la Constitution d’un État membre.

Les décisions prises par la réunion des ministres de la BCEAO du 23 décembre 2010 et endossées par la conférence des chefs d’État et de gouvernement du 22 janvier 2011 manquaient indiscutablement de base légale.

Quant à la décision de fermeture des agences de la BCEAO en Côte d’Ivoire prise par le gouverneur par intérim de la BCEAO, elle n’avait non seulement aucune base légale mais, pire, elle violait les statuts de la BCEAO. En effet, l’article 9 des Statuts de la BCEAO, en ses alinéas 2 et 3, fait obligation à la BCEAO de «veiller à la stabilité du système bancaire et financier de l’UMOA» et de «promouvoir le fonctionnement et assurer la supervision et la sécurité des systèmes de paiement de l’UMOA». Or en interrompant le système électronique de compensation interbancaire et en ordonnant la fermeture des agences de la BCEAO en Côte d’Ivoire, la plus importante économie de l’UMOA, c’est bien tout le système bancaire de l’Union qui était ainsi perturbé.

En effet, au 11 janvier 2011, près de 2/3 des bons du Trésor détenus par les banques de l’Union étaient émis par l’État de Côte d’Ivoire, soit 603 milliards FCFA sur un total 1045,2 milliards. Le montant des impayés atteindrait 408, 7 milliards en fin du premier trimestre 2011 et 604,3 milliards en fin décembre 2011 à cause des décisions illégales prises par le Conseil des ministres.

Cette perturbation du système bancaire est relevée dans le rapport annuel de la BCEAO pour la gestion 2011.

La décision de fermeture des banques locales était également infondée en droit.

En effet, l’activité bancaire est régie par la loi 90-590 du 25 juillet 1990 portant réglementation de l’activité bancaire en Côte d’Ivoire ; loi votée quand l’actuel chef de l’État était Premier ministre. L’économie de cette loi énonce clairement que l’activité bancaire s’exercice sous la tutelle administrative du ministre en charge des finances. Les articles 29 et 30 de cette loi révèlent mieux cette tutelle.

Ainsi, l’article 29 de cette loi prescrit que :

«sont subordonnées à l’autorisation du ministre des finances, les opérations suivantes réalisées par les banques et les établissements financiers ayant leur siège en Côte d’Ivoire :

Tout transfert du siège à l’étranger

Toute dissolution anticipée».

Quant à l’article 30, il précise que :

«sont également subordonnées à l’autorisation préalable du ministre des finances, toute mise en gérance ou cessation de leurs activités (banques) en Côte d’Ivoire».

Ces deux articles à eux seuls suffisent pour affirmer que la fermeture des banques était absolument illégale puisque ces banques avaient fermé sans même un préavis, ni du ministre des finances, ni même des clients dont elles sont dépositaires de l’argent.

C’est à cause de cette illégalité que le tribunal de première instance d’Abidjan, saisi en matière civile par deux unions syndicales de fonctionnaires, avait condamné la BICICI et la SGBCI à verser 10 milliards de FCFA chacune en dommages et intérêts auxdites unions syndicales pour avoir refusé d’ouvrir leurs guichets pour payer les salaires aux fonctionnaires alors que lesdits salaires avaient été effectivement virés sur leurs comptes. Par la suite, le président du tribunal de première instance d’Abidjan avait pris l’ordonnance n°1100/2011 du 18 février 2011 par laquelle il autorisa les deux unions syndicales à opérer une saisie conservatoire sur les biens meubles corporels et incorporels de la BICICI et de la SGBCI pour sûreté pour le paiement de la somme en principal de 20 milliards de FCFA.

Ces mesures de rétorsion n’étaient pas seulement illégales au regard des textes, mais elles étaient inédites et se distinguaient de la pratique antérieurement observée dans la sous-région.

Du point de vue de la pratique dans la sous-région, jamais l’UMOA et la BCEAO ne s’étaient ingérées dans des affaires politiques internes à un État, même dans les pires cas de rupture de l’ordre constitutionnel. Dans la zone UMOA, mise à part l’exception sénégalaise, tous les pays ont connu au moins un coup d’État. Dans aucun des cas, la BCEAO et l’UMOA n’y avaient joué le moindre rôle d’arbitre ou n’avaient soumis les populations de ces pays à autant de mesures violentes et illégales. La particularité de la situation ivoirienne est que le principal belligérant opposé au président Laurent Gbagbo, c’est-à-dire la France, était en même temps le vrai propriétaire de la BCEAO et le patron de la zone monétaire. Il suffit de se référer au courrier de madame Christine Lagarde ci-dessus évoqué pour s’en convaincre. La France a voulu utiliser tous les moyens, y compris illégaux, pour asphyxier les populations ivoiriennes selon la technique du boa constricteur. La bataille était devenue idéologique entre l’ordre ancien et le nouvel ordre que le président Laurent Gbagbo incarne dans les rapports entre la France et ses anciennes colonies. Il fallait trouver les ressources mentales et l’intelligence nécessaires pour mener cette autre bataille d’égal à égal avec l’adversaire français qui jouait maintenant à découvert la première fois depuis 2002 contre le président Laurent Gbagbo. Il ne fallait surtout donner aucun prétexte pour se faire prendre à défaut au niveau de la légalité de la réponse à donner aux actes illégaux posés par l’adversaire. C’est pourquoi, à toutes ces tentatives illégales d’étouffement du pays, le président Laurent Gbagbo a su répondre en s’appuyant sur la loi dans son acceptation la plus large.

B. La légalité des mesures de sauvetage de l’économie nationale prises par le président Laurent Gbagbo

Pour répondre à toutes les manœuvres visant à asphyxier le pays, le président Laurent Gbagbo a pris deux mesures phares qui sont la réquisition du personnel ivoirien et des bâtiments de la BCEAO sur le territoire national et la nationalisation de 4 banques. Toutes ces mesures ont été prises conformément aux lois ivoiriennes. Elles ont toutes une base légale irréfutable.

1. La légalité de la réquisition de la BCEAO

En réaction à la décision du gouverneur par intérim de la BCEAO de faire fermer, dès le 24 janvier 2011 les agences de la BCEAO en Côte d’Ivoire, le président de la République a pris le décret 2011-29 du 25 janvier 2011 portant réquisition de la direction nationale ainsi que des agences nationales de la banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et du personnel national. Ce décret trouve son fondement dans la loi 63-04 du 17 janvier 1963 relative à l’utilisation des personnes en vue d’assurer la promotion économique et sociale de la nation ainsi que son décret d’application n°63-48 du 9 février 1963. Les deux premiers articles de ce décret sont clairs quant à l’objectif et à la traçabilité des opérations de la BCEAO sous la réquisition.

Primo, ce décret prescrivait que les services ordinaires de la banque centrale et les opérations de la direction générale du Trésor furent assurés dans les conditions prévues par les lois et les règlements intérieurs. Donc tout devrait fonctionner selon les règles établies avant la réquisition. Tout a effectivement fonctionné ainsi. Personne ne peut contester la légalité du décret pris en la circonstance. D’ailleurs, personne n’a jamais attaqué la légalité du décret de la réquisition. Dans une autre analyse, nous expliquerons pourquoi ce décret est inattaquable. C’est conscient de sa force que dans la croisade judiciaire menée contre le président Laurent Gbagbo, aucune instance d’instruction ou de jugement n’a remis en cause la légalité de la réquisition.

Secundo, «à la prise de possession des locaux, un état descriptif et, s’il y a lieu, un inventaire est établi, en présence du directeur national de la BCEAO ou de ses représentants ou, à défaut, d’un représentant de la municipalité. Ces documents sont signés contradictoirement par les représentants de l’autorité requérante et les personnes susvisées et l’un des exemplaires de ces documents sera remis à la BCEAO ou à celui agissant pour son compte et l’autre exemplaire à l’autorité requérante».

Toutes ces mesures ont été observées par l’État de Côte d’Ivoire.

En effet, l’agence centrale a été ouverte le 26 janvier 2011 en présence de madame Assane née Ziriga Kouhon Jeanne, alors conseillère de monsieur Denis N’Gbe, directeur national de la BCEAO et représentant celui-ci, et monsieur Diali Zie, assurant l’intérim du directeur national.

L’autorité requérante était représentée par le ministre Justin Katinan Kone. Il était accompagné des personnes suivantes :

  • Sami BI IRIE, commissaire divisionnaire major, directeur général adjoint de la police chargé de la sécurité publique, représentant le ministre de l’Intérieur ;
  • Djehannin Bi Tra Benoit, préfet de police d’Abidjan représentant le procureur de la République ;
  • Grah, colonel major, conseiller technique au ministère de la Défense, représentant le ministre de la Défense ;
  • Des lieutenants de police, Honité Palé, Djédjé Clément, Gonékalo Rosalie, Bohibo Koko Maxime tous du commissariat de police 1er arrondissement du Plateau, autorité policière territorialement compétente ;
  • Oulaï Crépin, Séka, Nda Richmond et Kéita Yacouba, tous huissiers de justice

C’est devant toutes ces personnes, qui sont autant de témoins, que les locaux de la banque centrale ont été ouverts sans la moindre effraction sur instructions de la représentante du directeur national de la BCEAO comme le précise le rapport dressé par le commissaire divisionnaire major Sami Bi Irie qui termine son rapport par la phrase suivante «Nos investigations qui ont débuté le 26/01/11 à 15h ont pris fin le 02/02/11 à 14h30, sans incident». Avant de pénétrer dans l’enceinte de l’agence centrale, le préfet de police, représentant le procureur de la République a appelé celui-ci pour l’en informer.

Un fait remarquable, plus de 97% du personnel local avait répondu à la réquisition. Les 3% restants étaient en congé. Certains avaient même écourté leurs vacances pour reprendre le service afin de répondre à la réquisition. L’enthousiasme du personnel qui avait accompagné la réquisition était la preuve suffisante que le président Laurent Gbagbo était l’autorité à laquelle les Ivoiriens se reconnaissaient. Cet enthousiasme se constata également dans la mise en œuvre de la nationalisation des banques dont l’ouverture a été également marquée du sceau de la légalité.

2. La légalité de la nationalisation des banques

En réaction à la fermeture illégale des banques, le président de la République a pris 4 décrets de nationalisation desdites banques. Ce sont les :

  • Décret 2011-54 du 17 février 2011 portant transfert de la propriété de la BCICI dans le patrimoine de l’État de Côte d’Ivoire ;
  • Décret 2011-55 du 17 février 2011 portant transfert de la propriété de la SGBCI dans le patrimoine de l’État de Côte d’Ivoire ;
  • Décret 2011-56 du 17 février portant transfert de la propriété de la SIB dans le patrimoine de l’État de Côte d’Ivoire ;
  • Décret 2011-57 du 17 février 2011 portant transfert de la propriété de la BIAO dans le patrimoine de l’État de Côte d’Ivoire.

Les deux premiers décrets ont été effectivement implémentés parce qu’ils concernaient les premières banques qui avaient fermé leurs portes d’une part, et d’autre part, parce que ces banques étaient des banques françaises qui avaient décidé de mener le combat de leur pays contre les intérêts d’un pays dans lequel elles exerçaient depuis des dizaines d’années et où elles ont fait fortune.

Dans la mise en œuvre de la nationalisation des deux banques, le ministre de l’Économie et des Finances a introduit une requête le 18 février 2011, au nom de l’État de Côte d’Ivoire, auprès du président du tribunal de première instance d’Abidjan aux fins d’ouverture des portes de la BICICI et de la SGBCI. Le même jour, le président du tribunal de première instance a pris l’ordonnance n°114/2011 dans laquelle il ordonna «l’ouverture des portes de tous les bureaux des banques BICICI et SGBCI, ceci, avec l’assistance de la force publique en cas de besoin».

Comme on peut le constater, tout a été exécuté dans le respect des lois et avec l’autorisation de l’autorité judiciaire. L’on ne vole quand même pas avec l’autorisation du juge et en présence de la force publique et des huissiers de justice.

Il reste cependant, une question importante qui se rapporte à la matérialité même du vol compris comme soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. Y a-t-il eu des vols opérés pendant la crise post-électorale. Assurément oui, mais pas de la part des autorités légales de la Côte d’Ivoire ou de leurs préposés. Certains témoignages clés sur ce point bien précis suggèrent de rechercher les voleurs ailleurs.

C. La matérialité des vols

Il convient de retracer les cas de vol au niveau de la BCEAO et des banques commerciales.

1. Au niveau de la BCEAO

Les dépositions faites par les responsables de la BCEAO et des banques commerciales devant le procureur de la République et devant le juge d’instruction dans le cadre des enquêtes et de l’instruction de l’affaire dite de «vols à main armée de la BCEAO» sont formelles. Il n’y a jamais eu de vol à la BCEAO du moins, pas pendant la période de la réquisition. Trois témoignages font foi en l’espèce. Il s’agit du témoignage du directeur national de la BCEAO, de certains directeurs de banques commerciales au moment des faits et de la réponse du ministre de l’Économie et des Finances à une requête de la cour des comptes en 2015.

Monsieur Aman Ayayé Jean-Baptiste, le représentant de la BCEAO dépêché spécialement de Dakar pour reprendre du service en Côte d’Ivoire après le 11 avril 2011 et qui a pris fonction le 20 avril 2011, a été entendu par le procureur de la République, monsieur Koffi K. Simplice le 20 juin 2011. Nous reprenons l’intégralité de sa déposition dans les parties relatives au présumé vol.

– Procureur : «Parlez-nous du vol à main armée à la BCEAO relayé par la presse ?»

– Aman Ayayé JB : «comme je n’étais pas présent au moment des faits, je ne peux dire s’il y a eu vol à main armée à la BCEAO. La BCEAO fait un inventaire pour connaître les montant exact des sommes retirées pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire».

Deux informations majeures se dégagent de la réponse du directeur national par intérim de la BCEAO.

4 mois après les faits et deux mois après sa prise de fonction, le directeur national par intérim de la BCEAO ne pouvait affirmer qu’il y a eu une soustraction frauduleuse d’argent à la BCEAO. Il est évident que celle-ci, si elle a eu lieu, aurait dû forcément faire l’objet d’un rapport détaillé qui lui aurait été remis par les autorités de la BCEAO qui ont dirigé pendant la période de la réquisition, à moins que ces dernières ne se fussent rendues complices de ce vol. Or, comme le dit monsieur Aman Ayayé Jean-Baptiste dans sa déposition devant le procureur de la république, les principaux dirigeants de la BCEAO pendant la période de la réquisition ont été rappelés au siège de la BCEAO à Dakar où ils ont continué d’exercer. Il s’en suit donc que la BCEAO ne les a pas poursuivis dans le prétendu vol qui y a eu lieu. Au contraire, ils ont été maintenus dans l’effectif de la BCEAO et ont continué de servir cette banque. S’il y avait eu vol, dès sa prise de fonction, le directeur intérimaire, monsieur Aman Ayayé Jean-Baptiste, aurait été informé immédiatement par son prédécesseur. Il n’avait pas besoin d’attendre la fin de l’inventaire pour connaitre non pas le montant du vol, mais selon ses propres dires : «le montant exact des sommes retirées pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire».

Deuxième information importante de la déposition du sieur Aman Ayayé Jean-Baptiste, la BCEAO a effectué un inventaire pour connaitre le montant total des sommes qui en ont été retirées pour le compte de l’État de Côte d’Ivoire. Non seulement monsieur Aman Ayayé dit clairement que l’argent utilisé pendant cette période appartenait à l’État et non à la BCEAO, mais mieux, il indique clairement qu’un inventaire des opérations menées pendant cette période a été fait. Cet inventaire est déterminant pour la manifestation de la vérité.

La déposition de monsieur Dogoni Souleymane, alors directeur général de la banque de l’Habitat de la Côte d’Ivoire (BHCI), est encore plus claire sur l’inexistence de vol commis à la BCEAO. Cette déposition a été enregistrée le 26 mai 2011 à 11h10 mn.

Le Procureur de la République : «durant la crise post-électorale, plusieurs infractions ont été commises au dépens de la BHCI, quelle est votre part de connaissance de ces faits ?».

Monsieur Dogoni : «Comme dans n’importe quel système bancaire, nous avons travaillé normalement jusqu’à ce que le lien soit coupé entre la BCEAO et le système bancaire ivoirien. Je voudrais indiquer qu’il y deux grandes catégories de banques. Les principales banques privées et les principales banques publiques appelées aussi banques nationales. Les banques majeures qui logent 70% des comptes des fonctionnaires et du secteur privé ayant fermé, les banques nationales comme la BHCI ont été réquisitionnées de fait pour remplacer les banques fermées et elles devraient payer les salaires des clients. Je voudrais indiquer que nous recevions les fonds dédiés au payement des salaires de l’agence nationale de la BCEAO».

Le gouvernement ivoirien ne dit pas autre chose dans sa réponse à une requête de la BCEAO sur certains comptes du Trésor public.

En effet, dix ans durant, le gouvernement ivoirien a été interpellé, en vain, par la cour des comptes pour régulariser son compte d’avances de trésorerie. Ce compte, qui est réputé d’attente, doit être absolument régularisé en fin d’exercice comme l’exige l’arrêté n°178/MEF/CAB-01/20 du 13 mars 2009 fixant les modalités de recours aux avances de trésorerie. Cette régularisation est nécessaire pour établir l’harmonie entre les engagements budgétaires et les comptes du Trésor public. Il y va de la sincérité de la comptabilité de l’État. Dans son rapport pour la gestion 2018, rendu public, la cour des comptes a relevé que, non seulement le compte 470 (avances de trésorerie) n’avait pas été apuré, mais en plus, il s’était accru. Il était ainsi passé de 102 464 763 097 FCFA à 107 183 088 813 FCFA. Le gouvernement, dans sa réponse, justifia la persistance de ce compte par le fait que le montant inscrit correspondait aux «salaires payés par avances sur la période de crise post-électorale (décembre 2010, janvier 2011, février 2011) non régularisés du fait de l’ordonnance n°2011-007 du 14 avril 2011, par laquelle l’État de Côte d’Ivoire n’a pas reconnu les opérations effectuées au cours de cette période».

Toutes ces dépositions attestent de ce que les fonds utilisés pour payer les salaires étaient les fonds du Trésor public logés à la BCEAO. Ce n’était donc pas des fonds de la BCEAO. La BCEAO a mouvementé les comptes du Trésor sur la base de la signature des différents comptables publics dont les spécimens avaient été déposés à la BCEAO pendant tout le temps qu’ils occupaient lesdits postes. Si la BCEAO avait mouvementé lesdits comptes sur la base de signatures non enregistrées à son niveau, elle se serait rendue coupable de complicité de vol. Or, ni le ministre en charge de l’économie, ni celui en charge des finances, ni le Premier ministre, a fortiori le président de la République n’avaient de signature sur un compte du Trésor à la BCEAO.

À ce propos, il convient de rappeler comment fonctionnent les postes comptables du Trésor. L’assignataire d’un poste comptable du Trésor en est pénalement et pécuniairement responsable jusqu’à ce qu’un nouvel assignataire soit nommé et que la passation de charges entre l’assignataire entrant et le sortant ait été dument faite. De ce qui précède, les comptables publics assignataires des différents comptes ne pouvaient se détacher de leurs obligations de leur chef sans s’exposer à de graves conséquences. Et nul ne peut leur reprocher d’avoir fait fonctionner leurs postes comptables sous le prétexte d’une crise politique.

Cependant, la réponse de l’État au reproche de la cour des comptes sur le compte d’attente invite à se poser une question fondamentale. Que sont devenus les 200 millions d’euros que la France, à travers l’AFD, avait octroyés à l’État de Côte d’Ivoire après le 11 Avril 2011, pour dit-on apurer les arriérés de salaires ? La réponse à cette question peut aider à comprendre l’ubuesque condamnation du président Laurent Gbagbo dans cette affaire abracadabrante dite de «casse de la BCEAO».

En effet, Tout juste après l’éviction manu militari du président Laurent Gbagbo du pouvoir, le gouvernement français a alloué un prêt de 200 millions d’euros (environ 263 milliards de FCFA) au gouvernement de monsieur Ouattara pour, dit-on, payer les salaires comme l’a annoncé une dépêche de l’AFP du 21/4/2011. On peut lire dans cette dépêche les propos de madame Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie qui dit :

«J’ai signé aujourd’hui la garantie de l’État français qui permet à l’Agence française de développement de (débloquer) un prêt dont la première tranche sera versée avant la fin du mois d’avril. Ces 200 millions d’euros permettront de faire face aux besoins urgents et notamment aux arriérés des salaires. Ce premier versement sera suivi un peu plus tard d’une deuxième tranche de 150 millions d’euros».

Or, il est constant que lesdits salaires avaient été déjà payés par le gouvernement précédent et aucun fonctionnaire et agent de l’État ne se souvient avoir été payé derechef pour les trois mois pour lesquels ils avaient déjà perçu leur salaire. Malheureusement pour les négateurs des évidences, la comptabilité, qu’elle soit publique ou privée, est une science exacte. L’exactitude de la comptabilité publique a restitué la vérité. Dans l’impossibilité de justifier l’usage qu’il a fait des 200 millions à lui alloués par l’État français pour payer des salaires qui avaient été déjà payés, le gouvernement ivoirien n’a pas trouvé d’autre parade que la prise de l’ordonnance ci-dessus rappelée. Mais sa propre décision politique a placé le gouvernement dans une impasse comptable sans issue. Dès lors, la vérité implacable que le gouvernement a été obligé d’admettre, à force de relances de la cour des comptes, a été de reconnaître au moins que les salaires des fonctionnaires et autres agents de l’État avaient été dûment payés y compris aux anciens membres de l’hôtel du Golf et les magistrats ivoiriens qui ont condamné le président Laurent Gbagbo à 20 ans.

Mais cette condamnation en même temps offre une porte de sortie comptable à l’usage encore non élucidé des 200 millions.

En effet, en condamnant le président à 20 ans de prison, le gouvernement ne voulait qu’une chose, l’éliminer politiquement. En le condamnant à payer 329 milliards de FCFA (500 millions d’euros) de dommages et intérêts à payer non pas à la BCEAO, mais à l’État de Côte d’Ivoire, le gouvernement se crée un débiteur fictif. Sur le plan comptable, le président Laurent Gbagbo devient le débiteur des 329 milliards. Toute chose qui permet, par le jeu comptable, d’apurer le compte 470 ci-dessus visé en transférant le montant inscrit au débit de ce compte sur le crédit d’un compte de gestion définitif «titré dommages et intérêts attendus» dont le débiteur serait «Laurent Gbagbo». La conséquence est que les 200 millions d’euros d’arriérés de salaires, qui n’existaient pas, deviendraient du coup les salaires normalement comptabilisés. Ainsi le compte 470 qui ne pouvait être apuré deviendrait alors un compte à solde nul.

Au niveau des banques centrales, les choses sont encore davantage claires et nettes. Il y a des vols, mais ceux-ci n’ont pas été commis par les préposés du président Laurent Gbagbo.

2. La matérialité des vols au niveau des banques centrales

Toutes les dépositions des dirigeants des banques indiquent que leurs agences, dans certains quartiers, avaient fait l’objet de pillage après le 31 mars 2011.

Sur ce point, la déposition de monsieur Hyacinthe Kouakou Okou, directeur général adjoint de la Caisse nationale des caisses d’épargne (CNCE), faite devant le procureur de la République, le 9/6/2011 à 12h51 mn, est sans équivoque.

– Procureur de la République : «dites-nous votre part de connaissance des faits de pillage de l’agence centrale de la CNCE du plateau».

– Monsieur Okou : «Notre banque a fonctionné normalement jusqu’au 31 mars 2011 exceptées nos agences d’Abobo et d’Anyama. La nuit du mardi 19 avril 2011 au 20 mercredi 20 avril 2011, les dirigeants de la CNCE ont été informés que l’agence centrale de notre banque était en train d’être pillée par des personnes en armes. La situation de crise empêchait quiconque d’aller sur les lieux. Le lendemain, un huissier a été commis pour aller constater les faits. Une fois sur les lieux, les dirigeants de la banque ont remarqué la présence de deux militaires de FRCI sur les lieux. Ces derniers ont refusé l’accès à la banque aux responsables et aux travailleurs de la banque pour défaut d’autorisation de la part de leur hiérarchie (des deux militaires). Toutes nos tentatives pour avoir cette autorisation ont échoué. Tout le personnel de la banque est resté dehors de 8h du matin à 17 h. Selon les dires de monsieur Ouattara Mory, l’un des gardiens de la banque, présent lors de l’attaque dont les propos ont été recueillis par l’huissier que nous avons commis, le véhicule qui transportait les braqueurs était une Mitsubishi 4X4 immatriculée 6391 EP 01. À l’intérieur du véhicule se trouvaient des hommes lourdement armés portant des tenues militaires. Selon les propos recueillis par l’huissier, les nuits du 20 et 21 avril à 19 h, des personnes portant des tenues militaires sont venues en renfort des deux autres militaires qui étaient postés devant la banque pour casser le caveau de la banque après avoir attaché les gardiens de la banque. Après le vol, ils ont kidnappé les gardiens et ont menacé de les tuer avant de les relâcher aux premières heures du 21 avril 2011. Je voudrais indiquer que selon l’huissier, le constat n’a pas pu être fait le 21 avril parce que les FRCI présents sur les lieux refusaient tout accès à la banque. Durant ce pillage à main armée notre banque a perdu 2.326.167 353».

– Le procureur : «Où avez eu les fonds pour payer les salaires des fonctionnaires du mois de février 2011 ?».

– M. Okou : «Les fonds utilisés pour le payement des salaires à la fin du mois de février provenaient du Trésor et le montant total était de 7.394.097.613. Cette opération s’est faite comme à l’accoutumée. Notre compte à la BCEAO a été crédité par le Trésor de l’État pour le payement des salaires».

– Procureur : «Tous les fonctionnaires ont-ils été payés ?»

– Okou : «oui. Tous les fonctionnaires dont les comptes sont logés à la CNCE ont été entièrement payés».

– Procureur : «Durant la crise, votre banque a-t-elle été obligée de faire des dons à des personnes».

– Okou : «non pas du tout».

Il convient de relever que le vol en question a eu lieu les 19 et 20 avril 2011, soit 8 jours au moins après le 11 avril 2011. Le président Laurent Gbagbo et son gouvernement ne géraient plus le pays puisque le premier avait été arrêté le 11 avril 2011.

Il convient également de relever que la déposition faite par le responsable de la banque devant le procureur est précise. Le pillage de cette banque a été opéré par les FRCI, c’est-à-dire, l’armée qui combattait contre l’armée régulière de l’État de Côte d’Ivoire. Le numéro de la plaque d’immatriculation du véhicule transportant les voleurs a été donnée.

De ce qui précède, il est établi que le président Laurent Gbagbo et son gouvernement ont agi dans la plus grande légalité pendant toute la période crise électorale. Cette légalité ne peut nullement est mise en cause par l’ordonnance prise a posteriori par le président Ouattara le 14 avril 2011 parce que celle-ci manque visiblement de base légale.

Le 14 avril 2011, soit 3 jours après l’arrestation du président Laurent Gbagbo, président de la République, le nouveau chef de l’État a pris l’ordonnance ci-dessus rappelée. Celle-ci porte «annulation d’actes réglementaires et individuels et déclarant nulles et non avenues toutes les décisions prises depuis le 4 décembre 2010 sous l’autorité de Laurent Gbagbo».

L’article 75 de la Constitution de 2000, sous l’égide de laquelle a été prise cette ordonnance, prescrit que le président de la République peut demander à l’Assemblée nationale l’autorisation d’intervenir dans un domaine qui relève de la compétence de la loi. Cette autorisation est donnée sous la forme d’une loi d’habilitation qui limite dans le temps et à la seule matière de la compétence législative dans laquelle le président de la République souhaite intervenir. Or, il est constant que le 14 avril 2011, l’Assemblée nationale ivoirienne n’avait pas été autorisée à siéger par le nouveau pouvoir, procédant ainsi à la dissolution de fait de celle-ci après le 11 avril 2011. N’existant pas, elle n’a donc pas pu valablement donner habilitation au président de la République pour prendre une telle ordonnance. Ce dernier ne pouvait non plus se prévaloir d’une autre loi d’habilitation donnée, le cas échéant, à son prédécesseur. La fin, pour quelque raison que ce soit, de l’une des institutions qui interagissent en la matière (présidence de la République et Parlement) éteint de facto toute loi d’habilitation antérieurement prise. Pour sa défense, le gouvernement prétend avoir pris cette ordonnance en se fondant sur l’article 48 de la Constitution qui autorise le président de la République à prendre, dans des circonstances exceptionnelles prévues par cet article, des mesures toutes aussi exceptionnelles. Cet argument est aussi inopérant pour les mêmes raisons que celles qui rendaient impossible la prise d’une ordonnance. En effet, l’article 48 de cette Constitution pose lui-même les modalités de sa mise en œuvre. Ces modalités sont les suivantes :

  • Le président de la République consulte obligatoirement le président de l’Assemblée nationale et celui du Conseil constitutionnel ;
  • Le président de la République informe la nation par message
  • L’Assemblée nationale se réunit de plein droit ;

Or, pour les raisons déjà avancées, le président Ouattara ne pouvait consulter ni le président de l’Assemblée nationale, ni celui du Conseil constitutionnel qui se trouvait à cette date en exil au Ghana. L’Assemblée nationale ne s’est pas réunie puisqu’elle avait été dissoute de fait.

De même, le 14 avril 2011, n’ayant pas encore prêté serment, le président Ouattara n’avait pas le statut de président de la République. Il n’avait donc pas la qualité pour mettre en œuvre l’article 48.

Donc, de quelque angle juridique que l’on considère la question, l’ordonnance susmentionnée est illégale.

Conclusion

Au total, le président Laurent Gbagbo a agi avec responsabilité pour éviter que l’économie du pays ne s’effondre sous les actions de sabotage de la France, de l’UMOA, de la BCEAO. En tant que président de la République au moment des faits, il a pris les mesures qu’il fallait pour sauver le pays. Il n’a jamais agi en dehors de la légalité. C’est d’ailleurs ce que confirme le jugement de la CPI qui dit que le président Laurent Gbagbo aurait failli à ses obligations de chef de l’État s’il n’avait pas agi comme il avait fait.

Aucun vol n’a été commis, ni à la BCEAO, ni dans aucune autre banque commerciale par le président Laurent Gbagbo. C’est donc à juste raison que, ni la BCEAO, ni les banques privées ne se sont constituées partie civile au pseudo procès pour vol. Ce pseudo procès a été conduit dans les conditions que l’on sait par des juges qui ont perçu leurs salaires des mois de décembre 2010, janvier, février et mars 2011 à partir d’opérations qu’ils qualifient de vol sans se condamner eux-mêmes de receleurs.

Au demeurant, le rapport annuel de la BCEAO pour l’année 2011, approuvé par le Conseil des ministres de l’UMOA, ne mentionne nullement de vol à la BCEAO.

Source: https://reseauinternational.net/

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

  1. J’AIME LES RESTITUTIONS DES EVENEMENTS HISTORIQUES. COMME ON LE DIT CHEZ EUX LES IVOIRIENS, ON ATTEND DE VOIR QUI “EST GARCON” POUR VENIR PORTER LA CONTRADICTION A Mr. KONE. SI AU BOUT D’UN MOIS PERSONNE NE CONTRE-CHARGE, LE VERDICT POPULAIRE SE DONNERAIT UN COUPABLE DES FAITS DE VOLS A LA BCEAO.

REPONDRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Leave the field below empty!