De l’état de la France (politique, société, économie), observons ces indices graves, relevés dans des documents officiels:
1. «La France: 3 ème puissance mondiale en nombre de millionnaires, mais 7 ème puissance économique mondiale.»
2. «La France affiche un ratio d’endettement de 112,2%, soit 3 230 milliards.»
3. «Le déficit public de la France est de 5,5% du PIB en 2023.
Selon une note du Trésor français publiée en juillet, ce déficit devrait dépasser les 6% en 2025. Des chiffres largement au-dessus des 3% fixés par le Pacte de stabilité et de croissance.»
4. Au 1 er février, le taux du Livret A va baisser! Or, ce sont 58 millions de Français qui disposent d’un Livret A! 58 000 000!
5. «En France, 99% des hôpitaux et EHPAD publics indiquent ne pas parvenir à répondre à leurs besoins accrus en personnel. Sur 234 028 médecins actifs inscrits à l’Ordre des médecins en 2023, 16 346 sont diplômés hors Union européenne.» (Un détail, incongru: «Quelque 15 000 médecins formés en Algérie seraienten activité en France!»).
6. «En 2022, en France métropolitaine, 9,1 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté monétaire. Le taux de pauvreté est ainsi de 14,4%.»
Avec l’acte de décès de la «Françafrique», ajoutez la colère des agriculteurs et les dangers imminents du Mercosur. En somme, de quoi se demander: comment, avec «ça», détourner les regards des citoyens de France, en plein chaos social? Eh bien… Il y a l’Algérie, encore et toujours l’Algérie!
Oui, sus à l’Algérie!
Haro sur cette génération spontanée de délinquants qui écument les réseaux sociaux et qui rappellent les pirates barbaresques de 1830 (l’année du débarquement de la France coloniale en Algérie, sous prétexte de combattre les «pirates barbaresques»)! Et surtout, surtout, haro sur cette Algérie qui jette en prison un écrivain coupable de déclarations à l’emporte-pièce, contredites par des historiens, certes, mais un écrivain que la droite et l’extrême-droite, liguées comme jamais, découvrent comme par enchantement! L’écrivain ne méritait pas une telle sanction, mais, pour Alger, l’air du temps s’y prêtait, et, côtéfrançais, ce fut une aubaine pour détourner l’opinion de la situation politico-socio-économique…
Mais l’heure est plus critique que jamais! Ce que révèle un document du Sénat: «Depuis le 26 juillet 2024, la France est en procédure de déficit excessif. Une décision prise par l’Union européenne dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance, et qui implique une surveillance renforcée de son budget.»
Alors, que faire? Question historique, qui fut posée par un certain Lénine. Quel rapport? Aucun, rassurez-vous. Quoique…
Pour Lénine, se posait une autre question: «Comment faire une révolution socialiste dans un pays où il y a 80% de paysans et 5% d’ouvriers?» En France, la colère des agriculteurs, qui fait suite à celle des Gilets jaunes, relativise les soucis du théoricien de la dictature du prolétariat: des masses de «paysans», dimanche 5 janvier, marchant sur Paris, ce n’est pas anodin.
La question que se pose la France est plus simple: comment détourner les préoccupations des Français de la situation chaotique dans laquelle se trouvent le gouvernement et les partis politiques dans leur ensemble? Une solution, et elle est classique: chercher un bouc-émissaire. Ce qui n’allait pas être difficile, vu que ce bouc-émissaire idéal, les médias l’avaient déjà sous la main, et depuis au moins une décennie: l’immigré, pardi! Et, plus exactement, l’islamisme, pour ne pas dire l’islam.
Dès lors, on a vite fait de mobiliser l’armada qualifiée pour le job. Des hommes et des femmes du cru, autant que possible: journalistes, écrivains, humoristes, puis on est passé aux lanceurs d’alerte et même aux influenceurs. Mission: faire du buzz, susciter des conflits, des guérillas virtuelles, capter l’attention des Français. Bref, imprimer dans les esprits l’idée d’une patrie en danger! Et le buzz ne se fit pas attendre: avec cinq «influenceurs» qui appellent sur TikTok à la violence contre des citoyens français! Pourtant, d’autres influenceurs ont menacé des Algériens de France qui soutiennent le «régime des Généraux»: de ceux-là, on n’entend pas parler. Toujours le deux poids deux mesures, pardi!
Libérez Sansal avant le 19 mars!
Pour s’en prendre à l’Algérie, l’actualité avait déjà fourni des pistes: avec l’arrestation de l’écrivain algérien, Boualem Sansal, fraîchement promu «citoyen de France». Les médias, chaînes d’info en continu, magazines et presse numérique étaient déjà à l’œuvre. Médias de droite, pour l’essentiel, et même d’extrême-droite! Qui ne se privèrent pas de faire défiler sur leurs plateaux, devant leurs micros, les défenseurs de l’écrivain, y compris des élu-e-s qui, de l’écrivain, n’avaient jamais lu le moindre ouvrage. Certains et certaines n’avaient même jamais ouvert un livre d’auteur maghrébin. Mais ils et elles étaient là pour la bonne cause, évidemment: défendre la liberté d’opinion et fustiger le pouvoir algérien. Lequel l’aura bien cherché, susceptible et parano comme on le connaît, dès qu’il s’agit de sa souveraineté. Et voilà que, les coïncidences «volant en escadrilles», surgissent sur les écrans les visages d’influenceurs accusés de lancer des appels à la violence, voire au meurtre contre des citoyens français. Coïncidences pour coïncidences: Alger a des raisons, géopolitiquement objectives, d’en vouloir à Paris, depuis la reconnaissance par le président français, de la «marocanité» du Sahara occidental. Et voilà que le président français en rajoute: «L’Algérie entre dans une histoire qui la déshonore en retenant en détention Sansal!»
Parler de «déshonneur» à un pouvoir jaloux de sa souveraineté, quelle audace! Alors, oui, «que faire»? Un ami, facétieux, a imaginé un scénario digne des Pieds-Nickelés, qu’il m’a déballé au téléphone… En faisant parler «Paris»:
– Allô? Alger? Help! Vous ne pouvez pas nous trouver de quoi détourner encore l’attention des Français? Par exemple: libérer Sansal, avant le 14 janvier, jour de la présentation du projet de Loi de finances! Vous éviterez ainsi une censure fatale au gouvernement! Ou, le 19 mars (évocation du fameux cessez-le-feu marquant la fin de la «guerre d’Algérie»)? Quel symbole,n’est-ce pas? Ou, une semaine plus tard: le 26 mars. Oui, exactement: la Nuit du destin! Ah! Quel magnifique symbole de l’amitié légendaire franco-algérienne! Comme l’ami en question ne recevait pas de «réponse», il insista (toujours à mes oreilles):
– Allô? Alger? Allô!… La justice doit passer, dites-vous? Mais Sansal, on s’en fout! C’est que vous risquez de faire censurer Bayrou…! Or, je vous avertis, en cas de censure, nous serons obligés de reprendre la chasse aux pirates barbaresques des réseaux sociaux! Comme en l’an 1830…
Salah Guemriche, essayiste et romancier algérien, est l’auteur de quatorze ouvrages, parmi lesquels Algérie 2019, la Reconquête (Orients-éditions, 2019); Israël et son prochain, d’après la Bible (L’Aube, 2018) et Le Christ s’est arrêté à Tizi-Ouzou, enquête sur les conversions en terre d’islam (Denoël, 2011).
Source: https://www.arabnews.fr/