Kamala Harris livre un cinglant réquisitoire contre Donald Trump, l’apprenti « autocrate »

0

La vice-présidente américaine a officiellement accepté la nomination du Parti démocrate à Chicago, jeudi soir, dans une ambiance survoltée. Un sprint de 75 jours commence.

C’est une quasi-renaissance. Après presque quatre ans passés dans l’ombre de la vice-présidence, Kamala Harris a eu l’occasion de se présenter à nouveau à l’Amérique, jeudi soir. En clôture de la Convention démocrate de Chicago, elle a officiellement accepté la nomination de son parti à la présidentielle du 5 novembre. Et passé une grande partie de son discours d’une quarantaine de minutes à faire le procès de Donald Trump qui rêve, selon elle, de devenir « un autocrate ». Elle s’est présentée comme une candidate « pour le peuple », et a promis de défendre la « classe moyenne », dont elle est elle-même issue, ainsi que de « restaurer la liberté reproductive » des Américaines.

Alors que la foule scande « Kamala, Kamala », puis « USA, USA » pendant plusieurs minutes, la vice-présidente lève le doigt : « Merci, merci, mais on a des affaires qui nous attendent. » Elle commence par raconter son histoire de fille d’immigrés, d’un père jamaïcain et d’une mère indienne, « qui avait 19 ans quand elle a traversé le monde seule, avec le rêve inébranlable de devenir la scientifique qui éradiquerait le cancer du sein ». « Elle me manque tous les jours, particulièrement en ce moment, mais je sais qu’elle me regarde en souriant, ce soir », continue Harris, alors que sa mère est décédée d’un cancer du côlon en 2009. Et si c’est sa mère qui l’a principalement élevée dans un quartier populaire d’Oakland, en Californie, c’est son père qui lui disait : « Cours, Kamala, cours, n’aie pas peur et ne laisse rien t’arrêter. »

C’est au lycée, en venant en aide à une amie abusée sexuellement par son beau-père, que sa vocation de devenir avocate est née. Celle qui est devenue la procureure en chef de San Francisco commençait toujours au tribunal par ces cinq mots : « Kamala Harris, for the peuple » [« pour le peuple »]. Et c’est « au nom de tous les Américains, quelle que soit leur race ou quel que soit leur genre, au nom de ma mère, dans la plus grande nation qui soit sur terre, que j’accepte votre nomination ».

Harris cite tous les combats qu’elle a gagnés en tant que procureure. Contre les banques, qui profitaient des saisies immobilières après la crise des subprimes, obtenant « 20 milliards de dollars » pour « les familles de la classe moyenne ». Contre les cartels et la traite d’êtres humains. Contre des universités, « qui exploitaient des étudiants et d’anciens militaires ».

« Imaginez Donald Trump sans garde-fou »
Harris s’attaque ensuite à Donald Trump, qu’elle cite une vingtaine de fois. Un candidat « reconnu coupable de fraude par un jury et jugé responsable d’agression sexuelle ». Un candidat « fier » d’avoir nommé des juges à la Cour suprême qui ont renversé l’arrêt Roe v. Wade, mettant fin à la protection fédérale de l’avortement. Elle parle en vrac de témoignages de femmes qu’elle a rencontrées qui ont « fait une fausse couche sur un parking, développé une septicémie ou qui ne peuvent pas avoir d’enfant parce que les médecins ont peur d’aller en prison pour avoir soigné leur patiente ».

L’ancienne procureure générale de Californie revient sur le 6 janvier 2021 : « Donald Trump a tenté de mettre à la poubelle votre vote. Et quand il a échoué, il a envoyé une foule armée au Capitole qui a attaqué nos forces de l’ordre. » Elle cite son projet, selon elle, de « gracier de violents extrémistes, de mettre en prison ses opposants politiques ou des journalistes, et tous ceux qu’il considère comme un ennemi ».

Harris délivre le coup de grâce de son réquisitoire : « [S’il est réélu], imaginez le pouvoir qu’il aura, alors que la Cour suprême a conclu qu’il bénéficiait d’une immunité contre des poursuites fédérales [pour des actes présidentiels officiels, NDLR]. Imaginez Donald Trump sans garde-fou. Il n’utiliserait pas les immenses pouvoirs de la présidence des États-Unis pour améliorer votre vie ou renforcer notre sécurité. Mais pour servir le seul client qu’il n’ait jamais eu : lui-même. »

Elle n’a pas terminé. Harris revient sur les menaces de Trump « d’abandonner l’Otan » ou « d’encourager Poutine à envahir nos alliés » [si les pays de l’alliance ne paient pas suffisamment, NDLR]. Elle l’accuse de « flirter avec les dictateurs et les tyrans, car il veut lui-même devenir un autocrate ».

La vice-présidente, elle, rappelle qu’elle a « rencontré le président Zelensky pour l’avertir des projets d’invasion de la Russie cinq jours avant » qu’elle n’advienne et qu’elle a « contribué à mobiliser une réponse globale de cinquante pays » pour aider Kiev « à se défendre contre l’agression de Poutine ».

Sur la situation au Proche-Orient, elle et Joe Biden « travaillent d’arrache-pied pour obtenir un accord de cessez-le-feu et de libération des otages ». Et si elle « soutiendra toujours Israël et son droit à se défendre face aux terroristes du Hamas », la vice-présidente américaine dénonce la situation à Gaza « où tant de vies innocentes ont été perdues ». Seules une fin à cette guerre et la libération des otages permettront, selon elle, « au peuple palestinien de réaliser son droit à la dignité, à la sécurité, à la liberté et à l’autodétermination ».

Un programme flou
Et son programme ? On n’en connaîtra que les grandes aspirations. Kamala Harris promet de créer « une économie des opportunités, pour que tout le monde ait une chance de connaître le succès ». Elle défendra « le travail, les ouvriers et les petites entreprises », se battra pour « abaisser le coût des biens de première nécessité, du logement et de l’alimentation ».

La semaine dernière, elle avait dévoilé les contours de son programme économique : interdiction fédérale des prix abusifs, hausse du taux d’imposition des sociétés et crédit d’impôt annuel de 6 000 dollars pour un nouveau-né et de 3 600 dollars jusqu’à 6 ans. Des mesures que ne renierait pas François Hollande, et qui creuseraient les déficits de 1 700 milliards de dollars sur dix ans, estime le Comité pour un budget fédéral responsable, un organisme indépendant qui comprend à la fois des démocrates et des républicains.

Mais ce soir, les détails ne comptent pas. Kamala Harris fait de cette élection un référendum entre elle et Donald Trump. « C’est clairement une candidate qui a fait des progrès et le parti est unifié. C’est à peu près tout. Je suis surpris qu’elle n’ait pas davantage parlé de l’anxiété quotidienne des électeurs face aux prix. Le thème de la convention était peut-être la joie, mais personne n’est joyeux en quittant le supermarché, et c’est son plus gros handicap », juge pour Le Point Doug Heye, ancien porte-parole du Comité national républicain.

« C’était un effort solide. Elle a passé beaucoup de temps à se présenter avec des éléments biographiques car elle reste moins connue (que Trump) », analyse Aaron Kall, directeur des débats à l’université du Michigan. Selon lui, Kamala Harris « a dévoilé une vision positive du futur pour diriger les États-Unis pendant ces temps troublés. Elle a capitalisé sur son passé de procureure pour faire le procès de Donald Trump. Son discours est allé crescendo pour finir sur l’affinité de Trump avec les dictateurs et le privilège de vivre en Amérique. Cette soirée devrait lui donner de l’élan en vue de leur débat crucial du 10 septembre ». Mais cette fois, Trump pourra rendre les coups.

Source: https://www.lepoint.fr/

Commentaires via Facebook :

REPONDRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Leave the field below empty!