Carnet de voyage : Centre : le nouveau foyer de l’insécurité

0

Depuis deux ans, le Centre du Mali est devenu l’épicentre de la crise sécuritaire. Les villes de Bandiagara, Bankass et Koro (Centre du pays) subissent régulièrement des attaques terroristes poussant ainsi des milliers de personnes à se réfugier dans les grandes villes comme Douentza ou Sévaré. Outre les attaques, les kidnappings sont monnaies courantes sur les axes menant dans ces villes.

Depuis la double attaque terroriste du 22 avril 2023 qui a visé principalement le camp de la gendarmerie et une partie de l’aéroport contrôlé par l’armée malienne à Sévaré, la ville est constamment en alerte maximale.

A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. Désormais, dès 18 h, plusieurs grandes artères de la ville de Sévaré jouxtant les différents camps militaires et l’Aéroport international Ambodédjo sont réduites d’accès voire interdites aux usagers.

La nuit, en regardant le ciel de Sévaré, on peut observer des appareils (drones) volant souvent à très basse altitude pour assurer la surveillance aérienne et éventuellement opérer des frappes chirurgicales sur tout engin roulant qualifié de “suspect”.

Les habitants de la ville de Sévaré font nettement savoir que les drones qui sillonnent le ciel, ont permis de déjouer plusieurs attaques terroristes de grande envergure. En plus de la surveillance aérienne, l’armée malienne fait constamment des patrouilles nocturnes jusqu’à l’aube.

La journée aussi, elle procède à des fouilles de véhicules sur certains check-points névralgiques. Récemment, à l’occasion des fêtes de fin d’année, l’armée a pu arrêter plusieurs suspects, considérés comme des informateurs, poseurs d’engins explosifs de groupes terroristes.

Selon plusieurs sources concordantes, ces arrestations ont permis à nos FAMa de déjouer une série d’attaques à Fatoma (une commune rurale, chef-lieu d’arrondissement de Sévaré) et à Saye, une ville moyenne dans le cercle de Macina, région de Ségou contre les positions de l’armée.

Cependant, si Sévaré, situé sur un important carrefour, au croisement de la route nationale 6 Gao-Bamako et de la route Mopti-Bandiagara connaissent une accalmie, les villes comme Bandiagara, Bankass et Koro sont la cible permanente de grosses attaques des groupes jihadistes.

Ces villes, situées en plein centre du Mali, sont devenues des foyers de l’insécurité grandissante. Pas une semaine ne passe sans qu’elles ne soient attaquées par des jihadistes qui mettent souvent le feu dans les villages attaqués avant de disparaître dans la nature. Les kidnappings sont monnaie courante le long des routes.

Ces kidnappings massifs ont entraîné des manifestations et le blocage par des habitants de plusieurs tronçons de la RN 15.

Malgré les efforts déployés par la hiérarchie militaire pour estomper ces attaques, la situation sécuritaire demeure toujours préoccupante dans ces différentes villes créant un sentiment de frustration au sein de la population. Pour les populations qui quittent ces villes et villages, le pouvoir central ne fait pas grand-chose pour les protéger de ces groupes djihadistes.

Ecoles fermées

En janvier 2024, le cluster éducation regroupant les ONG intervenant dans le secteur a révélé une situation très alarmante au Mali. Il note que plus de 1657 écoles ont dû fermer leurs portes en raison de l’insécurité ou de la grave crise humanitaire que connaît la région du Centre du Mali. Une situation qui impacte directement près de 497 100 élèves et concerne 9942 enseignants, mettant en péril l’accès à l’éducation pour des milliers d’enfants maliens vivant dans cette partie du Mali.

C’est la région de Douentza nouvellement créée qui connaît le plus grand nombre d’écoles fermées avec un total de 30. Elle est suivie de près par la région de Bandiagara avec 271 écoles fermées.

Cette situation préoccupante continue de susciter de vives réactions chez les acteurs de l’éducation (directeur d’Académie, Centre d’animation pédagogique, enseignants et parents d’élèves) qui assistent impuissants à cette situation. Selon eux, cette situation expose les enfants à toutes sortes de danger parmi lesquels l’enrôlement dans les groupes djihadistes pour être des enfants soldats.

“Dans toutes les attaques qui se font à travers le pays, la majorité sont des enfants enrôlés de force par ces groupes jihadistes ou islamistes. Les ONG font de leur mieux pour essayer de rouvrir certaines écoles fermées pour éviter que tous les enfants de la région ne tombent dans l’escarcelle des groupes terroristes. Il faut aussi que l’Etat s’implique davantage et à tous les niveaux pour assurer l’éducation de ces enfants. Le but des groupes jihadistes, c’est de fermer les écoles et par la suite recruter ces enfants sans espoir et avenir pour en faire des enfants soldats pour perpétrer des attaques dans le pays”, observe un responsable de l’Académie d’enseignement de Mopti.

Il ressort de nos investigations qu’outre l’insécurité qui empêche l’accès à ces écoles, certains établissements scolaires servent toujours de quartier général à des groupes armés alors que d’autres sont utilisés comme abris provisoires par des personnes déplacées internes fuyant les violences et les inondations récentes qu’ont connu la région.

Sévaré dans le noir et a soif

Contrairement à Bamako, la ville  de Sévaré bat le record de délestages. La direction de l’Energie du Mali de Sévaré ne fournit d’électricité aux habitants que 5 heures de temps (zéro heure-6 h du matin ou 20 h-zéro heure) par jour et par secteur, juste le temps de recharger les téléphones et autres appareils électroniques. Cette situation inédite a complètement mis à l’arrêt les activités socio-économiques de la ville.

Débutée en octobre 2023, la pire crise de l’électricité que vivent les Maliens bat son plein avec des coupures inédites. Les mesures prises par le précédent  gouvernement de Transition n’ont pas donné des résultats escomptés et EDM-SA continue de fournir du noir à sa clientèle.

A Sévaré, une ville située à quelque 700 km de Bamako, dès notre arrivée, la première remarque, c’est la fourniture d’électricité. Pour la population lambda, cette situation est plus qu’une double peine. C’est un supplice de ne pas avoir l’électricité et de ne pas disposer d’informations crédibles, fiables et actualisées sur les perspectives de retour à la normale à court et moyen termes.

Cela a poussé beaucoup de familles à installer des panneaux solaires pour se procurer de l’électricité en attendant un retour à la normale dont personne ne connaît la teneur.

La journée, en sillonnant la ville, c’est la consternation. Les grands consommateurs d’électricité (tailleur, soudeur…) ne savent plus sur quel pied danser. Si certains passent la journée devant leurs ateliers de couture et de métallurgie, d’autres se sont reconvertis dans d’autres métiers pour subvenir à leurs besoins quotidiens. Le manque d’électricité a totalement mis en arrêt les activités socio-économiques de la ville, couplé au départ précipité de la Minusma.

Tout comme le reste des Maliens, les Sévarois ont suivi avec attention la série de propositions de solution faite par l’équipe d’Abdoulaye Djibril Diallo, DG d’EDM-SA, pour sortir de cette crise énergétique notamment l’amélioration de la gouvernance et de la communication interne et le paiement de ses factures en souffrance au niveau de l’administration publique et des sociétés d’État ainsi que les opportunités offertes par l’énergie sous régionale.

Ils espèrent que d’ici le début du mois de Ramadan prévu le 1er mars 2025, le Premier ministre Abdoulaye Maïga trouvera une solution à moyen terme dans la fourniture d’électricité.

Cette crise énergétique a engendré également une crise d’eau sans précédent dans la ville de Sévaré. Les installations de la Société malienne de gestion de l’eau potable (Somagep-SA) étant liées à l’EDM, l’eau aussi vient par intermittence dans les robinets. Certains quartiers peuvent faire deux jours sans la moindre goutte eau. Ces crises font que les ménages scrutent à des heures tardives l’arrivée de l’eau pour remplir les barriques, baignoires, les seaux et autres accessoires.

Bien que l’électricité et l’eau soient rares, les deux sociétés adressent aux ménages des facteurs qualifiées de surfacturées.

Ousmane Mahamane

(Depuis Sévaré)

 

Commentaires via Facebook :

REPONDRE

Please enter your comment!
Please enter your name here

Leave the field below empty!