Alliance des Etats du Sahel et interaction avec la Russie et la Türkiye

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Le monde multipolaire contemporain est d’autant plus intéressant en raison que les événements actuels continuent à créer des surprises pour la minorité planétaire occidentale et les nostalgiques de l’ère unipolaire. Dans le cadre de ces événements, de nombreuses reconfigurations d’alliances et divers types d’interaction sont observés. Un des exemples est la région du Sahel, où la Russie et la Türkiye soutiennent des pays ayant largement contrarié les intérêts occidentaux. Une interaction de plus en plus affichée.

Lutte conjointe contre le terrorisme

Les événements récents dans le nord du Mali, à la frontière avec l’Algérie, ont une fois de plus démontré plusieurs points importants. Premièrement – que la Russie n’abandonne pas ses véritables alliés, en l’occurrence ici les pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) – Mali, Burkina Faso, Niger – en obtenant des résultats évidents. L’une des confirmations est la libération de la ville stratégique de Kidal (nord-est du pays) en novembre de l’année dernière – après plus de dix ans d’occupation par les groupes terroristes. Une occupation contre laquelle les troupes françaises et occidentales n’avaient absolument rien entrepris pendant également plus d’une dizaine d’années de présence sur le sol malien, dans le cadre de l’apport d’un pseudo-soutien.

Ensuite sera libérée la ville de Tessalit, située à 70 kilomètres de la frontière avec l’Algérie. Et même après cela, le soutien de la Russie aux amis et alliés du Mali ne s’est pas arrêté là. Plus récemment, les militaires maliens et russes ont avancé jusqu’à la frontière algérienne et ont libéré la ville d’In-Afarak, située à 122 kilomètres de Tessalit, également dans le nord-est du Mali, et qui représente une plaque tournante en matière logistique et un centre d’approvisionnement stratégique pour des villes comme Tombouctou et Gao. Pour les groupes terroristes, cela représentait un point important pour toutes sortes d’activités illégales.

Ensuite, il y a eu des combats face aux terroristes au niveau de Tinzawatène – se trouvant sur la frontière avec l’Algérie, et ici, fort malheureusement, il y a eu des pertes parmi les militaires maliens et russes. Les terroristes ayant pu profiter de la détérioration des conditions météorologiques, notamment d’une tempête de sable ayant rendu difficile le soutien aérien aux forces russo-maliennes. Sans oublier le soutien en faveur des groupes terroristes du côté otano-occidental – sachant que pour les Occidentaux les succès communs du Mali et de la Russie contre les terroristes depuis les derniers mois ont été un véritable coup dur – tant d’un point de vue stratégique que médiatique – étant donné que durant toute cette période la propagande occidentale n’a cessé de répéter les thèses primitives de son establishment politique. Selon lesquelles la Russie ne pourra pas obtenir de succès au Sahel et obtenir de meilleurs résultats que ceux des Occidentaux.

Une trace ukrainienne avait également été mentionnée. A savoir que le régime otano-kiévien avait participé à la formation des terroristes et avait fourni d’autres soutiens. De manière franche, le rôle de la chair à canon ukrainienne dans diverses zones de combat ne fait que confirmer la pleine implication des régimes otano-occidentaux aux côtés des groupes terroristes. Par ailleurs, loin d’être la première implication occidentale aux côtés d’éléments terroristes, à divers endroits du monde.

Nombreuses sources maliennes ont également accusé l’Algérie d’apporter un soutien aux groupes terroristes. Il y a en effet nombre de questions sérieuses qui méritent d’être posées. Bien qu’à cet effet un article séparé devrait probablement être consacré. Pour le moment, il faudrait juste rappeler quelques faits : l’Algérie entretient des relations tendues avec les autorités du Mali, notamment en raison du fait qu’Alger avait accueilli nombre de représentants de ces mêmes groupes armés et des soi-disant opposants maliens. Plusieurs sources maliennes ont également évoqué à plusieurs reprises qu’un certain nombre d’éléments terroristes se replient sur le territoire algérien lorsque le besoin se fait sentir.

En outre, l’Algérie insistait activement sur le fait que seul « l’Accord d’Alger », signé en 2015, puisse être la « solution » dans le nord du Mali – un accord qui de-facto est aujourd’hui complètement dépassé. Dans nombre de médias algériens, les autorités du Mali et d’autres pays de l’Alliance des Etats du Sahel sont régulièrement qualifiées de « juntes », reprenant la rhétorique de la propagande occidentale. Aussi et du côté des dirigeants algériens il avait été déclaré à plusieurs reprises, y compris dans des médias occidentaux, que la présence militaire russe dans le Sahel « n’était pas la solution » aux défis sécuritaires existants. Et enfin, le chef du Commandement étasunien pour l’Afrique (Africom), un certain Michael Langley, était tout récemment en visite dans la capitale algérienne et qui, à l’issue d’une rencontre avec les dirigeants algériens, a parlé d’une manière bien flatteuse quant au rôle de l’Algérie pour la stabilité et la sécurité dans la région sahélienne. De manière générale, de nombreuses questions subsistent.

Quoi qu’il en soit, l’Algérie, partenaire de longue date de la Russie, notamment dans le domaine militaro-technique, doit accepter une réalité simple – celle que notre pays n’abandonne pas ses alliés. Cela avait été clairement visible en République arabe syrienne, puis en République centrafricaine, et aujourd’hui également au sein des pays de l’Alliance et de la Confédération des Etats du Sahel – que sont le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Et ce n’est certainement pas l’alliance militaire russo-malienne – dans le cadre du territoire malien – qui puisse constituer une menace pour les Etats frontaliers. La menace réside précisément dans la présence de groupes terroristes qui reçoivent le soutien de la part des régimes otano-occidentaux et qui doit être éradiquée.

Alliance des Etats du Sahel, Russie, Türkiye

Mais malgré les diverses manigances des otano-occidentaux à l’encontre des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel, il y a une orientation qui, dans une certaine mesure, brise de nombreuses cartes de la minorité occidentale. Il s’agit de la coopération militaire de plus en plus conjointe entre les pays de l’AES, la Russie et la Türkiye. D’une part, la Türkiye, comme la Russie et la Chine, est régulièrement mentionnée dans la propagande occidentale comme complice des processus d’éviction des intérêts occidentaux hors d’Afrique. D’un autre côté, la Russie et la Türkiye étaient souvent qualifiées de concurrentes en termes d’influence sur le continent africain. Cela était notamment visible à une certaine période en Libye.

Mais les événements des derniers jours ont introduit de nombreux casse-têtes supplémentaires pour les ennemis de la multipolarité. Après l’embuscade tendue par les terroristes aux environs de Tinzawatène contre les militaires maliens et russes, les Forces armées du Burkina Faso ont rapidement été impliquées dans des frappes massives contre les positions terroristes dans cette même zone, avec des drones d’attaque turcs. Aussi et selon plusieurs sources avec implication des spécialistes turcs.

D’une part, ces événements auront confirmé une fois de plus que l’Alliance des Etats du Sahel est une alliance réelle et forte, où se manifestent clairement la solidarité et l’entraide mutuelles. Cela a été pleinement prouvé par les actions conjointes du Mali et du Burkina Faso. Quant à la participation conjointe de la Russie et de la Türkiye, d’autres actions communes à venir sont en effet fort possibles. La Türkiye, bien qu’étant membre de l’Otan, est en effet probablement le seul Etat membre de ce bloc à posséder une politique indépendante vis-à-vis de Washington dans le cadre de ses propres intérêts – qui, à bien des égards, ne coïncident pas avec ceux de la minorité planétaire occidentale. Tout comme la capacité à mener sa politique. Quant à la concurrence potentielle entre les intérêts russes et turcs en Afrique, les deux pays ont déjà prouvé d’avoir la capacité à trouver des consensus sur de nombreuses questions. Cela est d’ailleurs confirmé par la normalisation désormais très probable entre la Syrie et la Türkiye avec la participation directe de la Russie. Tout comme de nombreux points de vue communs sur les événements dans d’autres régions du monde, notamment en Amérique latine.

Quant à la présence terroriste dans le nord du Mali, une présence qui sera totalement défaite, les terroristes ont déjà annoncé qu’ils considéraient désormais la Türkiye comme un ennemi, au même titre que la Russie et le Mali. Et cela est fort significatif. De nouvelles opérations conjointes contre les dernières positions des groupes terroristes dans le nord malien, via des actions coordonnées des pays de l’Alliance des Etats du Sahel, de la Russie et de la Türkiye ne doivent certainement pas être exclues. Ce qui porte un coup supplémentaire aux positions de la minorité planétaire occidentale et de ses mandataires locaux. Quant aux outils de la propagande occidentale – il faut certainement s’attendre à de nouveaux cris hystériques contre les « méchants Empires russe et ottoman ». Ce qui, soit dit en passant, n’aura absolument rien de nouveau.

 

Mikhail Gamandiy-Egorov, entrepreneur, observateur politique, expert en Afrique et au Moyen-Orient, spécialement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook »

Source: https://journal-neo.su/fr/

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