La candidature du colonel Assimi Goïta à l’élection présidentielle ne souffre plus d’aucune ambiguïté après des visites officielles dans certaines capitales régionales, la tenue des Assises nationales de la refondation (ANR), l’organisation du Dialogue Inter-Maliens (DIM) pour la paix et la réconciliation, une Fondation pour faire de l’humanitaire. Voilà que tout semble fin prêt pour mouiller le maillot.
Tous ceux-là, sous l’égide d’une Fondation, on peut présager sans risque de se tromper que le président de la transition sera candidat à l’élection présidentielle à venir. En politique, le Mali est un pays atypique qui renvoie à l’histoire politique du pays, mais aussi aux ambitions des chefs de partis, qui restent pour le moment en stand-by sur leur starting-block en attendant leur heure, et de préférence dans le sens du vent, c’est-à-dire dans le dos du président de la République, Assimi Goïta (CNT) Ne cherchez pas un opposant à la transition. Il n’y en a pas. Où plutôt si. Certains leaders emprisonnés, d’autres en exil. L’audience de ces prisonniers n’a pas beaucoup de risque pour troubler le sommeil du candidat. Retour en arrière.
Le 22 septembre 1960, on proclame à Bamako, l’indépendance de la République soudanaise qui prend le nom du Mali. Modibo Keïta est nommé président de la République. En septembre de cette même année, un congrès extraordinaire du parti au pouvoir, l’Union soudanaise-Rassemblement démocratique africain (US-RDA) opte pour un État socialiste.
Le régime n’est pas tendre et les crises politiques successives ponctuées de la mort de plusieurs opposants, aboutissent en 1968 à un coup d’État militaire orchestré par le lieutenant Moussa Traoré. Nouvelle Constitution, nouveau parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM), Moussa Traoré s’installe durablement au pouvoir.
Modibo Keïta meurt en détention le 16 mai 1979. L’année suivante, première alerte avec des manifestations étudiantes. Réélu président en 1985, Moussa Traoré freine des deux (02) pieds quand pointe à l’horizon la question du multipartisme dans les années 90, alors qu’il a en plus déjà à faire avec la rébellion touarègue.
Le Bénin tout proche, dirigé comme le Mali par un militaire, Mathieu Kérékou, adopte à la fin de l’année 1990 une nouvelle Constitution garantissant le multipartisme. La première Conférence nationale à se tenir en Afrique, qui a débouché sur cette ouverture au Bénin, ne pouvait laisser des pays comme le Mali en marge du mouvement.
Ainsi, le 25 octobre 1990, au Mali, cette fois-ci, se créé une Association dénommée Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA). En fait, l’ADEMA n’était rien d’autre que la vitrine légale de plusieurs partis politiques clandestins puisqu’interdits, qui avaient créé dès 1986, un front unitaire dénommé Front national démocratique et Populaire (FNDP).
Si Moussa Traoré arrive à conclure un accord de paix avec la rébellion touarègue qui s’était manifestée dès les années 63 et 64, il doit faire face, entre janvier et mars 1991, à une agitation politique sans précédent. Le fer de lance de cette contestation, c’est le monde universitaire et étudiant.
Le 26 mars 1991, le régime est renversé par un coup d’État militaire, les forces armées s’étant constituées en Conseil de réconciliation nationale (CRN), un CRN dirigé par un lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré. Les évènements vont vite, Amadou Toumani Touré prend la tête du Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) et le multipartisme est autorisé le 6 avril 1991. Un an plus tard, en janvier 1992, une nouvelle Constitution qui officialise le multipartisme et un système présidentiel est adopté par référendum. Entre temps, le 25 mai 1991, l’Adema s’est transformée en parti politique dénommé Adema-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ).
Le régime de Moussa Traoré est donc tombé très rapidement, non sans avoir joué de la répression: plus de 100 morts en mars 1991 lorsqu’ordre fut donné à l’armée de tirer sur les manifestants. Le régime est tombé grâce à deux acteurs qui ont travaillé de concert: l’ADEMA qui a soulevé la rue, et Amadou Toumani Touré (ATT), qui a refusé la répression. C’est donc sans peine que l’Alliance pour la démocratie au Mali- Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) remportera les premières élections législatives démocratiques en mars 1992.
Nous croyons qu’aujourd’hui, l’ancien Conseil national pour le salut du peuple (CNSP) du colonel Assimi Goïta n’a pas tiré des leçons du coup d’État d’ATT en 1991 et le coup d’État du 22 mars 2012 du capitaine Amadou Aya Sanogo. Les trois coups d’État militaires ont tous les trois un dénominateur commun: ceux qui ont fait un coup d’État, ils ont tous été renversés par un coup d’État ou ont fini en prison.
Pour conclure, une éventuelle candidature du colonel Assimi Goïta serait un retour en arrière. Une sorte de retour à la ATT qui n’augurera rien de bon pour notre pays. Amadou Toumani Touré, candidat indépendant, élu président en 2002, a opté pour un consensus qui n’a abouti qu’à un désordre. Chassé du pouvoir par une horde de militaires, il ira en exil à Dakar avant de revenir au bercail.
Le chiffre politique du Mali est un (01). Un mandat presque finissant 2020 à 2024, organiser des élections crédibles et transparentes pour toute solution utile pour notre pays.
Amy SANOGO