Initialement accusés d’association de malfaiteurs, vol qualifié, détention illégale d’armes à feu, complicité et meurtre, Mohamed Pérougourou, Moké Dembelé, Boubakry Tembely et Yacouba Drabo tous des chasseurs traditionnels (donso) ont été condamnés à 2 ans d’emprisonnement pour détention illégale d’armes à feu. Les autres chefs d’inculpation ont été abandonnés par la Cour faute de preuve.
Depuis l’ouverture de la Cour assises à la Cour d’appel de Bamako, il y a un mois, le dossier du lundi 4 mars 2024 a été le plus compliqué à cerner pour l’auditoire à cause de l’imbroglio autour de l’affaire.
Les quatre accusés tant bien à l’enquête préliminaire que devant le juge instructeur n’ont pas nié les faits reprochés à savoir : “association de malfaiteurs, vol qualifié, détention illégale d’armes à feu, complicité et meurtre”. Mais devant les jurés de la Cour d’assises, ils ont décidé de changer de version.
A tour de rôle, les quatre inculpés ont rejeté catégoriquement les chefs d’inculpations arguant qu’ils appartiennent à un groupe d’auto-défense ayant pour rôle de défendre et protéger les habitants de Molodo dans la zone de Farabougou dans le cercle de Niono, en proie à une recrudescence d’attaques terroristes au moment des faits, au regard de l’absence de l’armée malienne dans ladite zone.
“C’est à la demande du maire de Molodo, un village de Niono que notre chef nous a choisis volontairement pour prêter main forte à un autre groupe d’auto-défense que nous nous sommes rendus dans ce village. Nous avons repoussé les jihadistes qui ne sont autres que des Peuls. Il y a eu deux morts parmi eux. On a récupéré deux motos et deux armes comme butin de guerre. Au cours des combats, j’ai même pris une balle au niveau de la cuisse. Mais une patrouille de la gendarmerie nous a arrêtés au motif que nous avons tué deux personnes à bout portant puis les délester de leurs argent et motos. Ce qui est catégoriquement faux”, a développé l’un des prévenus répondant aux questions du tribunal.
Lesdits faits ont été corroborés par leur chef hiérarchique qui a comparu en même temps que les accusés à la barre de la Cour à titre de témoin dans cette affaire. Ce qui a irrité les membres de la Cour dans cette affaire, c’est que leur chef hiérarchique et le maire de Molodo n’ont pas été entendus par les enquêteurs.
Le ministère public, prenant la parole pour sa plaidoirie, a défendu les accusés en leur qualité de chasseurs et compte tenu de la situation sécuritaire qui régnait à l’époque, ils profitèrent pour faire du banditisme de grand chemin.
“Ces quatre personnes se sont déplacées avec deux motos. Elles étaient munies de deux pistolets mitrailleurs de marque Kalachnikov, d’un fusil à pompe et d’une carabine tchèque dans le but de s’attaquer aux paisibles citoyens. Les deux Peuls que Mohamed Pérougourou a criblés de balles avant de s’emparer de leurs biens n’ont rien à voir avec le terrorisme. Monsieur le président, tous les Peuls ne sont pas des jihadistes et tous les jihadistes ne sont pas des Peuls. En réalité, Mohamed Pérougourou et ses acolytes ont organisé cette pâture pour chercher des butins”, a fait savoir le parquet général représenté par Boubacar M. Dembélé.
Il a ajouté que cette histoire de milice pour se protéger contre le terrorisme n’est que de la poudre aux yeux. “Cependant tous les éléments sont réunis pour parler d’association de malfaiteurs, vol qualifié, détention illégale d’arme à feu, complicité et meurt”, a-t-il conclu.
La défense a parlé de l’absence de l’Etat dans cette partie du Centre et Sud du pays pour défendre ses clients. Selon lui, ce dossier est léger comme l’oreiller de plume par rapport aux faits d’association de malfaiteurs, vol qualifié, complicité et meurt.
“La zone de Niono était le nid du terrorisme à un moment donné. Durant cette période, soit vous vous défendez soit vous vous faites exterminer. Et pour leur survie, mes clients se sont regroupés pour se défendre et défendre toute une communauté contre le terrorisme. En comparaison des faits, vous pouvez condamner mes clients pour détention illégale d’armes, mais pas pour association de malfaiteurs, vol qualifié, complicité et meurt”, a plaidé l’un des conseils des accusés.
Le président de la Cour d’assises, Ibrahim Diabaté, au regard de l’insuffisance des preuves, a décidé d’abandonner les charges d’association de malfaiteurs, vol qualifié, complicité et meurt à l’encontre des quatre accusés. En revanche, la Cour a condamné les quatre personnes à deux ans d’emprisonnement pour détention illégale d’armes à feu.
Sous mandat de dépôt depuis 2021, les quatre accusés sont déjà libres parce qu’ils ont passé quatre ans en prison avant leur jugement.
Rappels des faits. Le 20 octobre 2021, une patrouille militaire prit en flagrant délit de crime d’assassinat les nommés Mohamed Pérougourou, Moké Dembélé, Boubakry Tembely et Yacouba Drabo. Les victimes sont deux personnes de l’ethnie peule. Ces illuminés se faisaient passer pour des éléments de la milice d’auto défense des chasseurs et avaient coupé la route Niono-Molodo pour les besoins de la cause. Ainsi, ils apostrophèrent successivement Aly Dia et Boukary Bah, qui furent ensuite délestés de leur argent et de leurs motos, pour être enfin sauvagement abattus.
Interpellés, puis inculpés pour association de malfaiteurs, vol qualifié, détention illégale, complicité et meurtre, Mohamed Pérougourou, Moké Dembélé, Boubakry Tembely et Yacouba Drabo n’ont jamais nié les faits pour lesquels ils étaient inculpés, mais expliquèrent que les victimes étaient des terroristes qui écument la zone.
Ousmane Mahamane