Accusés d’avoir détourné plus de 2 milliards de F CFA pour la période 2017-2020 dans la gestion des fonds de la Commune rurale de Sitakily, l’ex-maire Alfousseyni Sissoko et ses 17 coaccusés ont comparu la semaine dernière devant la Cour d’assises spéciale sur les crimes économiques et financiers. Les 18 personnes étaient accusées d’atteinte aux biens publics, fractionnement de marchés publics, délit de favoritisme et complicité. Des faits prévus et punis par les articles 106 et 107 du code pénal. Mais tout au long des interrogatoires, les inculpés ont nié d’une façon constante les faits.
Située dans le cercle de Kéniéba dans la région de Kayes, la Commune rurale de Sitakily est dirigée par un conseil communal de 23 membres et présidé par un maire.
Ainsi, suite aux élections municipales de 2016, le conseil communal de Sitakily fut renouvelé et avec à sa tête comme maire Fatamba Sissoko et Alfousseyni Sissoko comme 1er adjoint. Malheureusement en cours de mandat, le maire principal Fatamba Sissoko décédait le 20 septembre 2020 et son 1er adjoint Alfousseyni Sissoko assurait l’intérim de cette date jusqu’au 11 février 2021, date à laquelle il fut installé dans ses fonctions de maire de la Commune rurale de Sitakily.
A peine installé, certains conseillers communaux, à la tête desquels Sylvain Makan Kéita, saisissaient le parquet près le Tribunal de grande instance de Kayes, d’une plainte contre les sieurs Alfousseyni Sissoko, M’Bemba Sissoko, Abdoulaye Mounkoro, Mamadou Cissé, Diawoye Sacko, Niamady Cissé et Mamadou Fadiga pour des faits d’atteinte aux biens publics par fractionnement des dépenses et de délit de favoritisme et complicité portant sur un montant de 2 693 008 072 F CFA.
Sur la base de cette plainte par soit-transmis en date du 7 octobre 2019, le procureur diligentait l’ouverture d’une enquête sur les faits dénoncés contre Alfousseyni Sissoko, M’Bemba Sissoko et autres.
En retour, le parquet fut saisi du procès-verbal n°1 du 20 janvier 2020 par la brigade économique et financier de Kayes, dont l’enquête révélait dans ses rapports des irrégularités et malversations.
A la suite de ce rapport, d’autres personnes ont été inculpées en la personne de Mamadou Bobo Cissé, Falaye Sissoko, Daouda Diallo, Moustapha Sylla, Abdoul Karim Sissoko, Bandiougou Drabo, Hamidou Abdoul Kadri Diallo, Sékou Diepkilé, Oumar Diouara, Brahima Koné, Mahamé Fofana, Dioncounda Sissoko, Bakary Cissé, Mody Sanga Kéita.
Les susnommés sont accusés par la suite de complicité, d’atteinte aux biens publics, de fractionnement ou de favoritisme pour n’avoir pas pu établir des justifications pour leurs différentes prestations. Tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur, les inculpés ont systématiquement balayé d’un revers de la main les faits qu’on leur reproche.
Comparus mardi, mercredi, jeudi et vendredi derniers devant la Cour d’assises spéciale, Alfousseyni Sissoko et ses coaccusés ont rejeté catégoriquement les faits d’atteinte aux biens publics, fractionnement de marchés public, de délit de favoritisme et complicité.
Les inculpés ont à tour de rôle rejeté en bloc le rapport d’une centaine de pages qui détaille avec une précision chirurgicale comment l’ex-maire de Sitakily et les 17 autres accusés ont dilapidé la somme de 2 693 008 072 F CFA.
“M. le président, je ne reconnais pas les faits que votre Cour me reproche. Le rapport sur lequel vous êtes en train de me poser des questions est faux. Je remets en cause la crédibilité de ce rapport tout comme la moralité du soi-disant expert commis pour produire ledit rapport. Tous ces montants mentionnés dans ce rapport sont faux. Ce sont des chiffres fabriqués de toutes pièces dans un bureau parce que cet expert est un fantôme que personne ne connaît de nom“, a expliqué Alfousseyni Sissoko, le principal accusé dans cette affaire d’atteinte aux biens.
Pour la manifestation de la vérité et pour un débat équilibré, le ministère public a introduit une doléance en demandant au président de la Cour la comparution de l’expert qui a produit ce rapport.
“M. le président, le ministère public est mal à l’aise dans cette situation. Dans ce rapport, l’expert avance des montants faramineux. Devant la barre les accusés avancent autres chiffres qui n’ont rien avoir avec ce rapport. C’est la cacophonie. Donc je demande de faire comparaître l’expert en question“, a suggéré le parquet général.
Les conseils des accusés qui ont qualifié ce rapport de “furtif”, ont demandé aussi la comparution de cet expert. Cette doléance du parquet général soutenue par tous les avocats des accusés a fait survolter les partisans des accusés qui sont venus massivement de Sitakily pour l’occasion.
La Cour, présidée par Faradji Baba, 1er président de la Cour d’appel de Bamako, après délibération avec ses conseillers a accédé à la requête du parquet général et des avocats de la défense en faisant comparaître l’expert à la barre.
Mais après quatre jours d’audience, la Cour n’a pas pu tenir sa promesse.
Ousmane Mahamane