Les juges de la session spéciale de la Cour d’assises de Bamako se sont penchés sur l’affaire opposant la Banque malienne de solidarité (BMS-SA) à Bintou Maïga, Ousmane Coulibaly et Oumar Trembley, accusés de faux, usage de faux, abus de confiance et complicité à hauteur de 153 millions de nos francs. A l’instruction, le magistrat instructeur a déclaré un non-lieu partiel à l’encontre des deux derniers notamment Ousmane Coulibaly et Oumar Tembely. Quant à Bintou Maïga, elle a été renvoyée devant la Cour d’assises pour être jugée des faits cités plus haut. Ainsi, à l’issue des débats, elle a été condamnée à 5 ans d’emprisonnement ferme et au paiement de l’intégralité de la somme incriminée ainsi qu’au paiement du franc symbolique au titre de dommages et intérêts.
Il résulte de l’acte que le 19 mars 2021, Aliou Coulibaly, le directeur général de la Banque malienne de solidarité (BMS-SA) saisissait le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III d’une plainte formulée contre Bintou Maïga, agent chargé des opérations de transfert Sika Cash pour faux en écritures et vol.
Dans cette plainte, il exposait qu’au cours d’une mission de contrôle, la direction de l’audit interne de la banque a découvert des opérations de transfert d’argent en suspens via le produit Sika Cash. Cette vérification a permis de déceler des transferts frauduleux de fonds d’un montant provisoirement arrêté à la somme de 134 millions de F CFA.
Ainsi interpellée, Bintou Maïga a reconnu sans ambages les faits de fraude. En effet, elle a affirmé qu’elle trompait la vigilance de sa hiérarchie en modifiant les états cash qui étaient envoyés par email des Etats-Unis d’Amérique (USA) au bénéfice de certains comptes bancaires, principalement celui de sa fille mineure Mariétou Soutourou Samassa. Par conséquent, elle s’était engagée à régler le préjudice causé. Ainsi, en garantie du règlement à l’amiable, la famille avait transmis les copies de deux titres de propriété appartenant à leur père, à charge pour la Banque de procéder à l’évaluation par un expert de son choix. Contre toute attente, la famille s’est rétractée et s’est désistée de son engagement au motif que Bintou Maïga n’est responsable d’aucune malversation financière.
En définitive, à la suite d’une vérification approfondie, il a été décelé d’autres opérations frauduleuses portant ainsi le préjudice subi par la Banque à la somme 153 631 642 F CFA. Selon l’arrêt de renvoi, au cours de l’enquête préliminaire, Bintou Maïga, interpellée, a reconnu sans ambages les faits qui lui sont reprochés. Toutefois, elle a contesté le quantum du montant frauduleusement détourné. Aussi, l’accusée a déclaré que ses chefs hiérarchiques, en l’occurrence les nommés Ousmane Coulibaly et Oumar Tembely, respectivement directeur adjoint des transferts rapides et directeur des opérations, étaient au courant de ses agissements. Ainsi, le magistrat instructeur a étendu alors le champ des poursuites à ceux-ci pour complicité des faits reprochés à la dame Bintou Maïga.
Sur le non-lieu à suivre
Les nommés Ousmane Coulibaly et Oumar Tembely ont été inculpés pour des faits de complicité de faux, usage de faux et abus de confiance reprochés à Bintou Maïga. Cependant, ces deux ont catégoriquement nié les faits qui leur sont reprochés. Pour assurer leur défense, ils ont expliqué que techniquement Bintou Maïga pouvait bien réussir ses malversations financières sans éveiller leur soupçon et c’est ce qui s’est réellement passé dans le cas d’espèce.
Et de poursuivre que l’inculpée Bintou Maïga, prise de panique, tente simplement de les entrainer injustement dans sa chute alors qu’elle n’a pu apporter la moindre preuve ni de leur participation aux faits incriminés ni une quelconque intelligence entre eux dans la perpétration desdits faits. Mieux, ils ont précisé que leur service employeur, la BMS-SA, a réfuté toute idée de leur participation aux faits incriminés.
Suivant réquisition n°02/JI – en date du 10 mai 2021 du juge d’instruction chargé du 2e cabinet, il est établi que Ousmane Coulibaly et Oumar Tembely ne disposaient pas en copie les transferts frauduleux effectués par l’accusée.
C’est ainsi qu’il a été déclaré un non-lieu à suivre à l’encontre de ces derniers conformément aux dispositions de l’article 211 alinéa 1 du Code de procédure pénale qui dispose : “Si la chambre d’accusation estime que les faits ne constituent ni crime, ni délit, ni contravention, ou si est resté inconnu ou, s’il n’existe pas de charges suffisantes l’inculpé, elle déclare qu’il n’y a lieu à suivre”.
Sur la mise en accusation et le renvoi devant cour d’assises
Considérant qu’il est reproché à Bintou Maïga des faits de faux, usage de faux et abus de confiance ayant causé un préjudice de 153 631 642 F CFA à la Banque malienne de solidarité (BMS-SA). Il ressort de l’acte d’accusation qu’elle a partiellement reconnu les faits à l’enquête préliminaire et devant le magistrat instructeur.
En effet, lors de son interrogatoire au fond, elle a affirmé avoir trompé la vigilance de sa hiérarchie pour effectuer des transferts frauduleux d’un montant de 45 millions F CFA au bénéfice du compte ouvert au profit de sa fille mineure Mariétou Soutourou Samassa. Par ailleurs, elle ne reconnait pas le reste du montant incriminé.
Ces dénégations de l’inculpée Bintou Maïga, selon l’arrêt de renvoi, ne sauraient prospérer dans la mesure où, il ressort tant du rapport d’audit que de la déposition de Samba Tolo, chef du Service recouvrement et contentieux, représentant de la BMS-SA, que le seul compte de la fille de Bintou Maïga a été frauduleusement approvisionné à hauteur de 134 127 557 F CFA.
Cela s’ajoute le compte n°36780101001 appartenant à Fatoumata Sy et le compte n°53559106001 appartenant à l’inculpée, respectivement accrédités de 16 253 795 F CFA et 3 250 290 F CFA et ce, sans motif légal et sans ordre de virement préalable.
A la barre, l’avocat de la partie civile dira que tous les éléments constitutifs de l’infraction de faux et usage de faux sont réunis. Avant de demander de retenir l’accusée dans les liens de l’accusation. Selon lui, à la lumière des débats, l’accusée ne peut pas bénéficier des circonstances atténuantes.
Pour sa part, le procureur a fait remarquer que trancher cette affaire est très compliquée pour la Cour, car les juges ne s’y connaissent pas dans les chiffres. Cependant, il a déploré le fait que nos sœurs sont de plus en plus impliquées dans les faits de détournement alors que pendant très longtemps nos sociétés confiaient généralement la gestion des fonds aux femmes.
Avant de rappeler les faits qui sont suffisamment graves, définis par les articles 102, 104 et 282 du code pénal malien. Toutefois, il a requis une condamnation contre l’accusée tout en demandant à la Cour de lui accorder le bénéfice des circonstances atténuantes.
Quant à l’avocat de la défense, il a dénoncé l’inobservation des règles de la part des supérieurs hiérarchiques de sa cliente. Et d’ajouter que sa cliente ne devait pas seule à la barre pour répondre des faits incriminés. Car, selon lui, il a comme l’impression que cette affaire est bateau où certains ont été débarqués avant d’arriver. Avant de plaider une condamnation à une peine assortie de sursis.
A l’issue des débats, elle a été finalement condamnée à 5 ans d’emprisonnement ferme et au paiement de l’intégralité de la somme incriminée ainsi qu’au paiement du franc symbolique au titre de dommages et intérêts.
Boubacar Païtao