Les collecteurs obstrués sont souvent à l’origine des inondations, des accidents de circulation et de maladies infectieuses. Un changement de comportement de nos concitoyens s’impose pour inverser la tendance
L’eau est source de vie, nous avons-nous l’habitude de dire. En cas de fortes pluies ou de crues, lorsque les eaux ne sont pas canalisées, elles peuvent être source de désagréments. Dans notre pays, l’hivernage est synonyme d’inondations, car les eaux des collecteurs, souvent obstruées, envahissent les rues provoquant des accidents de circulation et favorisant la propagation de maladies infectieuses. Mme Touré Fatoumata Diallo est ménagère dans un quartier de Bamako.
Elle n’a pas voulu s’inscrire au Groupement d’intérêt général (GIE) pour le ramassage de ses ordures ménagères. À coté de chez elle, il y a un passage réservé aux eaux de ruissellement. Ce passage sert de dépotoir d’ordures. Elle estime qu’il n’est pas nécessaire de payer pour évacuer les ordures pendant la saison pluvieuse. Si Mme Touré refuse de s’inscrire au GIE, Mme Samaké Alima Diarra, elle, y adhère. Cependant, déplore-t-elle, cela fait deux mois que les GIE ne viennent plus ramasser les ordures. Elle est donc obligée de vider sa poubelle dans le caniveau qui passe devant sa maison ou dans la rue quand il est pleut.
Avec une population estimée à plus de 4 millions d’habitants, la ville de Bamako est confrontée, ces dernières années, à un sérieux problème d’assainissement. Les ordures ménagères sont déversées dans les rues et les eaux usées stagnent partout. Il est très fréquent de rencontrer des personnes jetant des ordures en pleine rue, par les fenêtres des transports en commun comme les taxis et les minibus Sotrama. Les propriétaires de voitures n’en font pas exception. Et cela, au vu et au su de tout le monde. Ces abandons sur la voie publique se récupèrent dans les ouvrages d’assainissement.
Ainsi, les caniveaux et les collecteurs, conçus pour le drainage des eaux pluviales, sont obstrués. Toute chose qui provoque des inondations chaque année dans beaucoup de quartiers de Bamako. Ces dernières semaines, plusieurs endroits de la capitale ont été submergés, notamment le pont Woyowayanko de Sébénikoro, le Grand marché et Missabougou. Les autorités ne peuvent à elles seules porter la responsabilité de cette situation. La transformation des caniveaux en dépôts d’ordures est due à l’incivisme de certains citoyens.
À l’État, il est surtout reproché l’irrégularité dans la collecte des ordonnances et le manque de répression des actes d’incivisme, le manque d’entretien et de curage des caniveaux et des collecteurs au moment opportun, alors que cette opération reste salvatrice pour pallier les inondations. Bien que le rôle incontournable de cette opération soit reconnu, force est de constater qu’elle est prise à la légère. En effet, elle s’effectue chaque année pendant que l’hivernage bat son plein.
À ce retard, s’ajoute le non ramassage et la non évacuation des déblais issus des travaux de curage. Faut-il rappeler que le curage des caniveaux fait partie du Projet de développement urbain et décentralisation de la République du Mali. Un projet qui vise à améliorer en général le cadre de vie des populations des centres urbains, Bamako en particulier, pour mieux lutter contre l’insalubrité.
Cette année, l’opération de curage des caniveaux a été lancée en juillet dernier par le ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le colonel Abdoulaye Maïga. À l’occasion, le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, Mamadou Samaké, a expliqué que le but de ces opérations de curage est de faciliter d’une partie l’écoulement des eaux pluviales afin de réduire les risques d’inondation et de maladies et d’autre part sécuriser les personnes et leurs biens.
Changement de comportement- C ette années, selon le ministre Samaké, le programme de curage, d’enlèvement et d’évacuation des déblais des collecteurs et caniveaux dans les six communes du District de Bamako au titre de 2024, concerne, pour les collecteurs, le curage de 32.911 mètres linéaires pour un montant total de 300 millions Fcfa (sur le Budget national) et 57.954 mètres linéaires pour un montant d’environ 521,58 millions de Fcfa,financés grâce à l’accompagnement du ministère en charge de l’ Urbanisme et de la Banque mondiale. Le cumul du linéaire de collecteurs à curer dans les six communes du District est de 90.865 mètres linéaires pour un besoin total évalué à 149.431 mètres linéaires, ce qui représente une couverture de 60,81% du besoin de curage de collecteurs en 2024, contre 40 ,36% en 2023.
Pour les caniveaux, les travaux concernent le curage de 1.761 mètres linéaires par la Délégation spéciale de la mairie du District de Bamako pour un montant de 24 millions de Fcfa. Ce volet porte essentiellement sur certaines sections critiques de caniveaux et traversées de la capitale. Le cumul du linéaire de caniveaux à curer dans les six communes est d’environ 384.048 mètres linéaires pour un besoin total évalué à 640.540 mètres linéaires, ce qui représente une couverture de 60 % du besoin de curage. Les déblais issus de ces travaux de curage seront enlevés et évacués vers la décharge finale contrôlée et compactée de Noumoubougou sous la surveillance et le suivi rapproché des bureaux de contrôle et la supervision de la Direction nationale de l’assainissement et du contrôle des pollutions et nuisances , rassure le ministre Mamadou Samaké.
Ces actions entreprises par les autorités ne doivent pas porter les résultats escomptés sans un changement de comportement, une prise de conscience des citoyens et la détermination des acteurs de l’environnement. En lançant les travaux de l’opération de curage des caniveaux, le colonel Abdoulaye Maïga avait invité l’ensemble des acteurs à travailler dans la complémentarité et la synergie d’actions en vue d’améliorer significativement le cadre de vie des populations, mais aussi de prévenir les risques d’inondations. Le ministre d’État avait également appelé la population à un changement de comportement pour l’amélioration de notre cadre de vie.
Anne Marie KEITA