C’est une véritable chaine de complicité qui a permis le saccage des terres et des berges du fleuve à Koursalé, dans la commune du Mandé. Il y a lieu d’ouvrir une enquête sérieuse pour situer les responsabilités de ce crime écologique qui prive des populations autochtones d’agriculture, d’élevage et de pêche, pendant que de l’argent est perçu, à l’insu de la population, pour autoriser le pillage des terres et des berges du fleuve Niger à Koursalé, si l’on s’en réfère au scandaleux contrat d’exclusivité pour une période de dix ans dont bénéficie Quincaillerie 2002 du sieur Adama Dembélé.
Dans le cadre de nos investigations sur ce drame écologique de Koursalé, nous sommes tombés sur un protocole d’accord qui vaut contrat, attribuant l’exploitation de sable et de gravier sur dix (10) ans à la Quincaillerie 2002 du sieur Adama Dembélé. Ce protocole d’accord est prétendument signé entre les chefs des villages de Koursalé et Koursalé Coro, même si, sur le document, en lieu et place de leurs signatures, il n’y a qu’une empreinte digitale d’un des chefs de village et un simple cachet pour l’autre. Sont-ils les vrais signataires ? mystère et boule de gomme ! En tout cas, le protocole d’accord a été légalisé à Ouezzindougou, le 14 mai 2020, pour le compte de la mairie du Mandé.
En effet, selon l’article 12 du Protocole : “La Quincaillerie 2002 (Q2002)-Adama Dembélé s’engage, avant tout commencement de l’exploitation, à réaliser une Etude d’Impact Environnemental et Social (EIES) du projet et à se conformer aux conclusions/recommandations de ladite étude tout au long de la mise en œuvre du projet. La non-réalisation de cette étude est une clause de réalisation de plein droit du contrat”.
Intéressant ! Sauf que cette étude, en question, reste introuvable. Alors que l’exploitation a bel et bien démarré depuis deux ans, jour pour jour. Ce qui présage de l’existence de cette prétendue étude puisqu’étant une condition sine qua none pour démarrer l’exploitation. Mais toutes nos tentatives de trouver cette étude sont vaines et surtout, n’allez pas la demander aux services l’Etat en charge des questions environnementales. Ils ignorent même tout de ce protocole d’accord.
Des raisons qui nous ont amenés à chercher à interroger le principal intéressé, le sieur Adama Dembélé, patron de Quincaillerie 2002, pour nous aider à mieux comprendre la situation. Mais notre démarche, bien que conforme à la déontologie de notre métier, ne lui a pas plu. Portes fermées ! Cependant, nous continuons nos investigations et certainement, nous reviendrons sur ce protocole d’accord qui contient des aspects financiers, parmi d’autres dispositions qui doivent pousser les autorités de la Transition à y voir plus clair.
De toute façon, le contenu de cette étude, si elle existe réellement, nous aurait permis de savoir son auteur et ce qu’il avait préconisé. Mieux, nous allions comprendre comment en est-on arrivé à cette situation sur le terrain. Un véritable drame écologique !
C’est d’autant plus important que, concernant une autre entreprise sur le terrain, UCEMA, le Bureau du vérificateur général avait été saisi par deux ressortissants du village, à travers une lettre en date du 05 février 2019, dénonçant “des pratiques frauduleuses au sein de l’usine UCEMA”. Le Vérificateur général avait transmis le dossier au ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement Durable qui avait dépêché une mission d’inspection, laquelle avait noté, parmi ses constats : “L’absence de mesures de protection de l’environnement, de compensation et réhabilitation des impacts négatifs engendrés par l’exploitation de l’argile sur l’environnement”.
Des recommandations ont été faites et devaient être mises en œuvre par les autorités concernées : le ministre en charge des Mines (à cause de l’orpaillage sauvage), le Préfet de Kati, la Direction nationale de l’Assainissement et du Contrôle des Pollutions et des Nuisances pour corriger les insuffisances constatées. Y a-t-il eu mise en œuvre desdites recommandations ? Le doute est permis, au vu du drame écologique actuel à Koursalé.
C’est comme si la désolation des populations privées de pêche, d’agriculture et d’élevage, n’émeut personne au Mali. Et gare à celui, au sein de cette population, qui lèverait le plus petit doigt pour organiser une manifestation de protestation contre cette catastrophe écologique !
Les portes de la prison lui sont ouvertes, à travers une procédure expéditive par laquelle un motif lui est collé.
Ce fut le cas avec Amadou Keïta, président de l’Association créée avec d’autres concitoyens du village pour défendre les terres de leurs aïeux. Il a séjourné un moment en prison, avant que la deuxième chambre correctionnelle de la Cour d’appel ne lui fasse recouvrer la liberté, en infirmant en appel le jugement N°459 du 03 octobre 2019 du Tribunal correctionnel de Kati.
Le sieur Kéïta protestait contre l’exploitation, par une société de la place, des terres familiales acquises de ses grands-parents. Il n’était pas seul puisque d’autres propriétaires terriens, qui détiennent même leur titre foncier, ont vu leurs parcelles saccagées par cette société qui se prévaut d’une autorisation régulière d’exploitation de carrière sur ces mêmes terres.
Comment peut-on, au niveau de l’administration d’Etat, commettre pareilles erreurs et créer ainsi un conflit social ?
Comprenez que l’autorisation du site d’exploitation de la carrière a été attribuée au nom du village de Kirina, alors que ce site appartient à Koursalé, selon le droit coutumier. Chose qui a été constatée dans le rapport de la mission d’inspection citée ci-haut.
Mais malgré tout, rien n’a été fait par les autorités publiques. Ce qui a finalement poussé le sieur Keïta et les autres villageois plaignants à organiser sur le site une série de manifestations dont l’une d’elles avait conduit le sieur Kéïta en prison, après une plainte de la société exploitante de la carrière. Cette erreur d’attribution de terres de Koursalé -dont des titres fonciers- à cette société au nom du village de Kirina, doit être clarifiée et les responsabilités situées au niveau de l’Administration. C’est grave, pour ne pas croire qu’il ne s’agissait pas volontairement de faire du faux.
Voilà donc soulevés un faisceau de faits qui nécessitent, urgemment, l’ouverture d’une enquête sérieuse pour situer les responsabilités de chacun et aussi trouver en même temps le moyen de dégoupiller cette bombe sociale à Koursalé, avant son explosion.
Amadou Bamba NIANG
Journaliste et Consultant