À l’issue du conseil des ministres du 22 janvier 2025, le gouvernement a annoncé avoir engagé des actions d’envergure contre la pratique de l’exploitation illégale des ressources minérales et de ses impacts sur l’environnement. Une pratique essentiellement imputée aux étrangers, singulièrement aux Chinois. Nous, comme beaucoup de Maliens, étions sceptiques quant à la traduction de cette déclaration en actes concrets. Mais, les décisions prises à l’issue du conseil des ministres de mercredi dernier poussent à l’optimisme. Visiblement, une page de l’histoire du pays est en train d’être tournée par le Général d’Armée Assimi Goïta. Mais, n’allons pas non plus vite en besogne, car le chemin à parcourir pour assainir l’exploitation de nos richesses et assurer une gestion efficiente des ressources générées est encore très long.
«Le gouvernement avait là une belle opportunité (offerte par la providence) de prouver aux Maliens que la volonté politique exprimée le 22 janvier 2025 n’était pas du bluff, mais une farouche détermination impulsée par une prise de conscience…» ! Ce que nous avions écrit la semaine dernière dans notre chronique «L’œil de le Matin» (Le Matin N°630 du mercredi 5 mars 2025). Et comme pour nous prendre au mot, des «décisions fortes» ont été annoncées lors d’un point de presse animé par des membres du gouvernement à la fin du conseil des ministres de mercredi dernier.
Après les drames survenus sur les sites d’orpaillage, respectivement à Kokoyo (Danga/Kangaba) le 29 janvier 2025, puis à Bilalikoto (Kéniéba) le 15 février 2025, «le Chef de l’État a instruit le gouvernement de renforcer les mesures pour éviter les drames humains et environnementaux dans notre pays», a déclaré le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, Général de division Daoud Aly Mohammedine. Le président de la Transition, Général d’Armée Assimi Goïta, aussi décidé de l’abrogation des actes de nomination des responsables administratifs (préfets, sous-préfets, responsables des forces de sécurité, services locaux des Eaux et Forêts, services d’assainissement et du contrôle des pollutions et des nuisances, service sub-régional de la Géologie et des Mines) directement impliqués dans la survenance desdits incidents ; la relecture de certains textes juridiques pour, entre autres, mettre fin à la transaction dans le domaine environnemental, faciliter la récupération des équipements impliqués dans l’orpaillage, puis les affecter dans le patrimoine de l’État ; la suspension par les responsables des Collectivités territoriales, du permis d’exploitation des mines artisanales octroyé à des personnes de nationalité étrangère ; et le lancement de la procédure de dissolution du conseil municipal de Dabia.
«Le Général d’armée Assimi Goïta a instruit le gouvernement de ne pas traiter cet énième incident de trop, comme un fait divers. Par conséquent, le gouvernement agira, sans état d’âme, dans l’exécution de cette instruction», avait aussi promis le Premier ministre, Général de division Abdoulaye Maïga, suite à l’effondrement du site d’orpaillage de Bilalikoto. Les décisions de mercredi dernier sont la parfaite traduction de cette déclaration en actes.
Il faut rappeler que, le 15 février dernier, au moins une cinquantaine de personnes, en majorité des femmes, ont été tuées dans l’effondrement d’un «site d’orpaillage illégalement exploité» à Bilalikoto (Kéniéba). Le 29 janvier dernier, l’effondrement d’une mine a fait une dizaine de morts sur un site d’orpaillage à Danga (cercle de Kangaba, région de Koulikoro). L’effondrement d’une mine d’or, survenu le 19 janvier 2024 à Kangaba (sud-ouest), avait aussi coûté la vie à plus de 70 personnes. Entre autres…
Enfin ! Nos autorités semblent enfin déterminées à prendre le taureau par les cornes afin de protéger les populations et leur environnement contre les prédateurs de nos richesses minières. Enfin, une page de l’histoire du pays est en train d’être tournée par le Général d’Armée Assimi Goïta. Mais, n’allons pas non plus vite en besogne, car le chemin à parcourir pour assainir l’exploitation de nos richesses et assurer une gestion efficiente des ressources générées est encore très long. Il faut étendre cette décision à tous les sites d’orpaillage à travers le pays. Il faut ensuite débarrasser nos cours d’eau de toutes ces dragues qui les polluent en compromettant la vie humaine, la faune et la flore.
L’opinion nationale est en droit de s’attendre aussi à une telle fermeté pour mettre fin au trafic de bois de vène, une essence de la famille du bois de rose. Selon un rapport de l’Agence d’enquête environnementale (EIA, une organisation américaine), le pillage de cette essence rare (essentiellement exportée en Chine) a commencé de façon sporadique vers 2012. Elle s’est accentuée en 2014-2015 «lorsque les pays voisins ont commencé à lutter contre le commerce illégal». Il (trafic) n’a cessé de prospérer. Ainsi, en février 2022, 157 conteneurs de 27 tonnes de bois de vène en provenance de Bamako ont été interceptés au port de Lomé (Togo). Ils avaient transité par Dakar. Et quelques mois plus tard (août 2022), 124 conteneurs de bois de vène malien ont été saisis à Dakar, selon la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF).
Les réglementations nationales et internationales semblent inopérantes face à l’ampleur de ce trafic. Des cargaisons de bois précieux sortent du pays au vu et au su de tous, car bénéficiant d’un vaste circuit de corruption. Aujourd’hui, nous avons toutes les raisons d’espérer que l’État va y mettre fin pour mieux protéger nos forêts. Tout cela est aujourd’hui une urgence cruciale. Cette décision ne peut être que la suite logique des décisions annoncées mercredi dernier. Force doit rester à la loi pour sauvegarder les intérêts du pays, pour nous prouver que le temps où on abreuvait le peuple de discours démagogiques ou ironiques est révolu. Que le Mali Kura est en marche !
Moussa Bolly