Graphique Industrie, l’un des fleurons de l’imprimerie et de la papeterie est au creux de la vague. Cette grande entreprise employeuse de milliers de travailleurs avec près du milliard payé aux impôts par an, n’est pas loin de mettre la clé sous la porte. Chronique d’une faillite annoncée.
A partir des années 1990, Graphique Industrie a vu le jour. De sa création à nos jours, elle est demeurée une grande industrie dans le domaine de l’imprimerie, du graphisme, de la papeterie, etc. L’entreprise a gardé aussi longtemps sa notoriété grâce à ses équipements et installations de dernière génération, capables d’exécuter tous travaux d’imprimerie et d’emballages papiers.
C’est ainsi qu’elle a raflé tous les gros contrats au Mali et dans la sous-région. Particulièrement au Mali, Graphique Industrie avait jusque-là le monopole de plusieurs marchés : les cartes nationales d’identité, les programmes de PMU-Mali, des billets de loterie, les cartes grises de véhicules et permis de conduire, les cartes de transport, les confections de cahiers et manuels scolaires, les factures d’EDM-SA, entre autres.
Le malheur tout comme le bonheur ne vient jamais seul, a-t-on coutume de dire. Graphique Industrie broie du noir de nos jours pour avoir perdu de gros contrats dans notre pays. Il s’agit principalement de l’impression des programmes de PMU-Mali, de la carte nationale d’identité, des cahiers scolaires.
Graphique Industrie a refusé de fournir les cartes nationales d’identité au ministère de la Sécurité et de la Protection civile, sous prétexte d’insolvabilité de son client avec des milliards de F CFA d’impayés. Pas de livraison de cartes, pas de rétribution. Ce qui avait créé de facto une crise sans précédent du précieux sésame dans les commissariats de police de Bamako et de l’intérieur du pays et aggravé la crise de trésorerie chez le fournisseur lui-même.
Graphique Industrie dont Aliou Tomota est le PDG, est l’imprimeur des programmes officiels de PMU-Mali dont il est aussi l’un des actionnaires. Un différend est né entre les deux parties. PMU-Mali ayant réduit le format de son programme et abandonné la couleur pour le noir blanc, a demandé à Graphique Industrie de baisser en conséquence le coût de sa facturation. Refus de Graphique, qui perd le même marché exécuté désormais par un autre imprimeur de la place. Vrai coup dure, car ce seul marché de PMU-Mali rapportait gros à Graphique (près de 200 millions de F CFA par mois).
Pour ne rien arranger dans ses difficultés économiques, le coup fatal est venu de la part de certains de ses collègues opérateurs économiques. Ceux d’entre eux qui évoluent dans la papeterie ont soit installé à leur propre compte des machines de fabrique de cahiers scolaires ou se sont regroupés pour en importer directement de la Chine.
Une mésentente sur les prix des cahiers cédés aux commerçants en est la cause. Le marché malien étant inondé de cahiers à des prix défiant toute concurrence, Graphique Industrie a été plongé dans la mévente. Conséquences : ses magasins sont remplis de stocks de cartes d’identité, de cahiers scolaires et même de programmes de PMU-Mali non livrés.
Du fait de sa descente aux enfers, Graphique Industrie est incapable de payer les émoluments de ses travailleurs. Ces derniers qui cumulent plusieurs mois d’arriérés de salaires ont pu empocher deux mois récemment. Certains d’entre eux ne sachant plus à quel saint se vouer ne voient plus d’issue favorable pour leur employeur.
Aliou Tomota, le propriétaire et PDG de Graphique Industrie est pourtant un homme d’affaires de renommée internationale. Il est également le repreneur des Editions imprimerie du Mali (EDIM-SA), privatisées elles aussi dans les années 90. M. Tomota propriétaire d’environ 9 entreprises avec plus de 2000 employés a tissé son nid dans le petit commerce, notamment la papeterie. Il est aujourd’hui actionnaire dans d’autres entreprises au Mali et en Afrique.
Le PDG de Graphique Industrie n’est pas à ses premiers déboires en matière de gestion d’entreprise. Il avait racheté à l’Etat malien l’Huilerie cotonnière du Mali (Huicoma) à 9 milliards de F CFA pour la sauver dans le cadre de la privatisation. Mais cette usine productrice d’huile de coton qui donnait vie à la ville de Koulikoro et à des milliers de travailleurs à travers des emplois directs et indirects, est morte de sa belle mort.
- Tomota est désigné comme le seul coupable de la fermeture de Huicoma par les ex-travailleurs et même les populations de Koulikoro.
Abdrahamane Dicko