Des fausses garanties présentées dans trois fausses banques pour soutirer les 5 milliards F CFA
Légèreté du contrôle bancaire
Dans l’affaire dite de réalisation de mini barrage d’EDM-SA dans le cercle de Djenné pendante devant le Pôle économique et financier, le pire a été évité de justesse, car selon nos investigations, après avoir soutiré plus 5 milliards F CFA sur les 13 milliards F CFA du montant global du projet, les deux groupements indiens lorgnaient également le reste du montant à savoir les 8 milliards F CFA. C’est dans cette démarche que les responsables d’EDM-SA convaincus qu’ils sont face à un cas d’escroquerie, après avoir porté plainte au niveau du Pôle économique et financier ont monté un stratagème conduisant à l’arrestation du coordonnateur de l’Unité de gestion du projet et des responsables des deux groupements indiens bénéficiaires du marché à savoir : Mecamidi HPP/PRIL et AEEPL_NEPL_Suncity.
Le projet des mini centrales électriques d’EDM-SA dans le cercle de Djenné réalisé par deux entreprises indiennes Mecamidi HPP/PRIL et AEEPL_NEPL_Suncity n’a pas fini de dévoiler tous ses secrets. La complexité du dossier et le montage du scenario par la partie indienne ressemble typiquement à un film indien avec un scenario très long laissant dormir le téléspectateur.
Un projet pour la ville de Djenné et 22 villages environnant
Le projet de mini centrales électriques de Djenné, faut-il le rappeler, est une initiative de la Banque africaine de développement (Bad) pour aider notre pays dans le domaine de la desserte électrique.
D’un coût de 13 milliards F CFA, il est financé à 100 % par la banque panafricaine. Pour sa mise en œuvre, une unité de gestion d’une dizaine de membres dirigée par Tountou Ballo a été mise en place sous la coupole de la direction nationale de l’énergie (DNE).
Le coordonnateur de cette unité a été nommé par arrêté ministérielle. Quant à EDM-SA, elle est maitre d’ouvrage délégué. Pour l’exécution de cet important projet, l’unité de gestion, selon nos investigations, a lancé un avis d’appel d’offres international le 11 mai 2020 à l’issue duquel les deux groupements indiens ont été retenus. Cependant, les travaux étaient censés commencer en 2022 avec le début des décaissements, sauf que de cette date jusqu’en février 2024 rien n’a été fait sur le terrain. Au regard, du retard accusé dans la réalisation des travaux, l’EDM-SA, à travers le secrétaire général, Dian Sidibé qui a pris fonction vers février 2024, aurait demandé au responsable de l’Unité de gestion de faire le point sur l’avancée du projet et de rapatrier les garanties pour se mettre à l’abri de toute éventualité avec les deux groupements indiens.
Trois fausses banques
Si sur le terrain, le chef de projet n’a pas pu produire un document attestant l’effectivité du démarrage des travaux, il a été incapable de rapatrier les garanties des deux groupements indiens. Primo, les deux groupements ont révélé que lesdites garanties se trouvaient au niveau d’Acumen Bank Comores. Pour avoir cette confirmation, EDM-SA, à travers le secrétariat général, aurait recoupé au niveau de la Banque centrale de l’Union des Comores en août 2024. Et la réponse du gouverneur de cette institution se passe de tout commentaire. “Acumen Bank Comores est une société fictive qui n’a pas d’existence légale et réelle dans le territoire comorien. Elle n’a jamais été agréée en tant qu’établissement de crédit exerçant en Union des Comores et ne figure pas par ce fait dans le registre des établissements de crédit détenu par la Banque centrale des Comores en conformité avec la législation bancaire de notre pays”, a répondu Dr. Younoussa Imani le gouverneur de la Banque centrale des Comores.
Mieux, il a envoyé la liste des institutions financières et établissements de monnaie électronique agréés dans ce pays et nulle part ne figure le nom d’Acumen Bank. Sachant bien que leur supercherie a été découverte aux Comores, les deux groupements ont changé de fusil d’épaule en faisant croire que c’est plutôt Acumen Bank Londres Grande-Bretagne et non Comores.
Des recherches menées à ce niveau n’ont rien trouvé quant à l’existence de cette banque dans le pays de Shakespeare. Acculés aussi à ce niveau, les deux groupements ont donné le nom d’une autre banque fictive en Belgique du nom d’Europa Bank. Les recherches n’ont rien trouvé quant à l’existence de cette banque.
Légèreté du contrôle bancaire
Toujours dans l’usage de faux et usage de faux pour la production des garanties bancaires, les deux groupements ont finalement fait croire à EDM-SA, que leurs garanties se trouveraient finalement à Ecobank-Tanzanie. Un fait étonnant, cette institution financière a envoyé un message Swift (message électronique entre banque) à Ecobank Mali affirmant les propos des deux groupements. Or, il se trouve également que ces entreprises indiennes n’ont pas également de garantie bancaire logée dans cette banque en Tanzanie. Alors comment et pourquoi Ecobank-Tanzanie a envoyé un tel message sécurisé à Ecobank-Mali ? Ces deux groupements ont-ils des complicités au sein de Ecobank-Tanzanie ou cette banque a été roulée dans la farine par les deux groupements indiens ? Quelle est la part de responsabilité d’Ecobank-Mali, même si le Syndicat national des banques du Mali réfute toute culpabilité de leurs collègues d’Ecobank-Mali ? Seules les enquêtes du Pôle mettraient la lumière sur cette affaire. Une chose est évidente, certaines sources proches du dossier évoquent la légèreté du contrôle bancaire dans ce dossier car un contrôle rigoureux des banques pouvait éviter d’envoyer de faux messages.
Plainte pour faux etusage de faux
C’est lorsqu’elle s’est rendue à l’évidence qu’elle est face à une situation d’escroquerie, qu’EDM-SA a porté plainte en novembre 2024 contre les nommés Rajesh Ramachandran, chef de projet Groupement MHPPP/PRIL, Nitin Gulhane chef de projet résident réseaux de distribution de Djenné et leurs complices pour fausse lettre de caution, fausse garantie, fausse authentification desdites garanties à Ecobank…Alors comment faire arrêter ces responsables des deux groupements dont certains résident en Inde. Il nous revient que la société EDM-SA a monté un stratagème invitant toutes les parties à une réunion au terme de laquelle le bailleur notamment la Bad va payer le reste des 8 milliards F CFA pour que ce projet puisse évoluer au bénéfice des populations de Djenné et 22 autres villages environnants. Des responsables des deux groupements indiens tout comme le chef de l’Unité de gestion Tountou Ballo ont mordu à l’hameçon et ont été interpellés devant la porte d’entrée du siège et conduit au Pôle économique et financier avant d’être placés sous mandat de dépôt pour les besoins de l’enquête
Laxisme dans le suivi des travaux
Il revient aux magistrats du Pôle économique et financier de tirer au clair les zones d’ombre de cette affaire. Car, la question que les observateurs ne cessent de se poser est de savoir pourquoi l’Unité de gestion du projet qui a retenu les deux entreprises indiennes n’a pas exigé à ce que la garantie soit logée au Mali et non à l’extérieur ? Et lorsque les travaux ont pris du retard quelle a été la réaction du chef de l’Unité de gestion du projet à savoir Tountou Ballo ? Surtout qu’il se murmure que ce dernier ne cachait pas de dire qu’il est nommé par arrêté ministériel et devait rendre dans ce cas soit à la direction nationale de l’Energie ou au ministre de l’Energie, qui sont ses supérieurs hiérarchiques.
Une autre question sans réponse : Comment la BAD, une institution financière d’une si grande renommée peut décaisser autant de montant soit 5 milliards F CFA sur 13 milliards F CFA sans au préalable avoir un œil sur l’intégrité des deux groupements retenus à l’issue de l’appel d’offres et faire un suivi sur la destination du fonds ?
Quid alors de la responsabilité de la responsable suivie évaluation du projet Ramatoulaye Kanakomo qui a démissionné le 28 octobre 2024 soit juste un mois avant la plainte d’EDM-SA ? Du début du projet jusqu’à sa démission en tant que responsable suivi qui devait produire des rapports d’étape, a-t-elle alerté la direction nationale de l’énergie, EDM-SA ou le ministère de l’Energie sur les défaillances constatées dans l’exécution du projet ?
En tout cas, les enquêteurs du Pôle ont du pain sur la planche. Un détail important dans ce dossier : ce projet est financé entièrement à 100 % par la BAD et selon nos informations une équipe de cette institution financière panafricaine est attendue cette semaine dans notre pays pour s’imprégner à son tour du dossier.
Kassoum Théra