En venant à Bamako, le nouveau dirigeant du Ghana est passé quelques jours auparavant chez son grand voisin de l’Ouest, la Côte d’Ivoire. Bien avant, c’était au Sénégal qu’il avait consacré sa première visite hors de son pays au lendemain de son investiture.
Au sortir de son entretien avec son homologue sénégalais déjà, la perspective de prendre langue avec les pays de l’AES se dessinait. À Abidjan, il y a quelques jours, les déclarations des deux Chefs d’État à la suite de leur entretien ont permis à tous les observateurs de comprendre au moins un des volets de la visite de John Dramani Mahama (JDM) au Mali, et à la suite, dans les deux autres pays de l’AES, selon son agenda rendu public. Le Chef de l’état ivoirien a déclaré encourager son homologue ghanéen pour son initiative de rendre visite aux frères de l’AES, et les deux sont convaincus « qu’on est mieux à quinze qu’à trois», lançant au passage «avoir noté les préoccupations des pays frères de l’AES, «que nous allons essayer de traiter avec la meilleure des méthodes» (sic).
Et le Ghanéen d’enrichir l’échange par cette conclusion : «Il y a toujours des possibilités. Ce sont des pays qui comptent dans la sous-région.» Mais il est sûr que coté malien, l’on n’attendait pas ces échanges à Abidjan pour entrevoir la démarche du Président ghanéen. Ce dernier avait levé un coin du voile en fin janvier lors de la visite du Premier ministre Abdoulaye Maiga, porteur d’un message du Président de la Transition à son homologue nouvellement investi.
Parlant de la situation dans l’AES, au cours du point de presse conjoint avec son visiteur malien, John Dramani Mahama a évoqué un proverbe africain selon lequel «quand la case du voisin brûle, il faut l’aider à éteindre le feu avant qu’on en soit victime». Il a laissé entrevoir la démarche entreprise aujourd’hui de venir à l’écoute des pays frères.
L’initiative du successeur de Dr Kwame Nkrumah et de John Jerry Rawlings, deux chantres du panafricanisme, n’étonne guère quand on sait la modération de l’homme et son ancrage panafricaniste nourri par l’héritage des prédécesseurs cités. À la lumière des propos de John Dramani Mahama, à la sortie de son entretien à Koulouba avec son homologue malien et devant la presse, il est certain qu’il entame son second mandat à la tête du Ghana avec l’intime conviction d’être celui qui détient les cartes pour briser la glace dressée entre l’AES et la Cedeao.
Son expérience d’homme d’État, ses origines de ressortissant du nord ghanéen prolongé dans le Sahel (né à Damango, capitale de la Région de la Savane, proche des savanes ivoirienne et burkinabé. L’histoire de la bourgade est également intimement liée à l’Empire songhay), son profil de diplômé en communication et psychologie et, dans une moindre mesure, une expérience académique en ex-Union soviétique concourent à lui faire porter le manteau d’homme de dialogue, de conciliation et de paix pour notre sous-région ouest africaine en proie à des décennies d’instabilité socio-politique.
À Koulouba, l’hôte du Général d’armée Assimi Goïta a eu l’analyse fine en expliquant que la séparation entre AES et Cedeao a été faite sur fond de déficit de confiance mutuelle. Le nouveau médiateur de la Cedeao semble avoir passé un cap que ses autres pairs trouvés en place n’ont pas fait en terme d’analyse. À l’écouter, il semble avoir pris acte de la naissance de la Confédération comme nouveau bloc politique régional indiscutable qui devrait s’entendre avec celles existant.
La solution JDM est «le respect mutuel», ce qui, de son analyse, a nourri ce manque de confiance. Toute détente future entre Cedeao et AES dépendra de ce respect mutuel qui a été demandé dès le début par les pays de la Confédération et notamment le Mali à travers ses trois principes aujourd’hui constitutionalisés. La démarche ghanéenne n’altère point le processus de retrait des trois pays déjà en marche, tel qu’édicté par le collège des Chefs d’État. Le leader ghanéen entend réussir sur les pas de son homologue sénégalais Bassirou Diomaye Faye. Reste à voir, après les étapes de Niamey et de Ouagadougou, comment scintillera le bâton magique du messager ghanéen après son périple sahélien.
Après le multilatéral, en premier défenseur des intérêts de son pays, le locataire de Jubilee House (palais présidentiel ghanéen) n’a pas occulté le bilatéral en rappelant les nombreux avantages de son pays à mettre à la disposition de la Confédération, notamment les infrastructures portuaires. Et comme il l’avait dit lors de la réception du Premier ministre malien, les deux pays doivent remettre en selle très vite la grande commission mixte de coopération en veilleuse depuis 2011. La mémorable route du poisson Mopti-Kumasi est toujours là pour rappeler les liens économiques entre nos deux pays.
Les Présidents ghanéens Kwame N’Krumah, Hilla Limann, John Kuffuor ont tous tenu lors de leurs mandats à effectuer une visite à Mopti pour rappeler la force de ce symbole économique. Il en a été de même pour Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré à Kumasi.
La recette John Dramani Mahama pour la Cedeao et l’AES est attendue pour le goût qu’elle promet et l’appétit qu’elle engendrera. Détente, réconciliation, coopération, l’AES s’est toujours tenue prête, selon la vision du président de son Collège des Chefs d’États, ancrée qu’elle reste dans le panafricanisme, mais avec une souveraineté à respecter de tout partenaire.
Alassane Souleymane
Mahama est comme nous de l’AES des dignes héritiers de Nkrumah et de John Jerry Rawlins et nous pouvons et devrons nous comprendre car le Pan-Africanisme coule dans nos veines. Notre conseil est simplement que nous refusons de nager avec des crocodiles (Ouattara, Bola, Talon et Umaru) dans le fleuve c’est pourquoi nous allons travailler avec les pays de la CEDEAO dans le respect mutuel et la protection de nos intérêts!