AES-Cedeao : Les défis d’une coexistence pacifique

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Dans un entretien à bâton rompu qu’il a accordé à l’Essor, Dr Boubacar Bocoum s’exprime sur la question. Professeur chargé d’enseignement en droit communautaire à l’université Kurukan fuga de Bamako (UKB), il livre sa recette pour une cohabitation sans heurts entre les deux organisations ouest-africaines

Pour l’enseignant-chercheur, la création de la Confédération des États du Sahel (Confédération AES) constituée du Mali, du Niger et du Burkina Faso interpelle sur l’avenir de cette dernière et son articulation avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). «Les deux organisations sont désormais placées devant le choix historique entre la paix et la guerre, entre la prospérité et la récession et entre la collaboration et la confrontation», fait remarquer Dr Boubacar Bocoum. Pour lui, l’AES et la Cedeao sont entre antagonisme et complémentarité.

Dans un contexte marqué par des tensions et des divergences de vue, n’ont désormais pignon sur rue que ceux qui défendent l’AES et sont contre la Cedeao, ou ceux qui soutiennent cette dernière et sont contre la première, dira Dr Bocoum. Et d’ajouter qu’il y a ceux qui érigent des murs et ceux qui cherchent désespérément à établir un pont entre les deux organisations.

Du coup, il précise que la posture manichéenne déclinée ne correspond guère à la réalité du terrain ni aux principes qui gouvernent le droit communautaire et les interactions entre États. En dépit des positions tranchées et maximalistes, les deux entités ont un destin lié, souligne le chargé d’enseignement en droit communautaire. «Les deux organisations ont besoin l’une de l’autre. Leur coexistence pacifique et intelligente pourrait servir autant la sécurité et la paix sociale que l’intégration sous régionale », analyse Boubacar Bocoum.

À son avis, l’avenir des relations entre l’AES et la Cedeao dépendra de plusieurs facteurs. D’une part, l’AES pourrait réussir à consolider sa légitimité en prônant une approche globale pour les futures négociations avec la Cedeao et ce dans l’intérêt supérieur des populations de la région. D’autre part, sa viabilité pourrait être compromise si elle reste isolée économiquement et diplomatiquement.

L’analyste estime que souveraineté ne peut rimer avec isolationnisme. «Quand bien même les États de l’AES s’inventent un droit spécifique, ils ne pourraient nier l’existence du droit international et en tenir compte dans leurs relations avec les pays voisins», commente notre interlocuteur.

De son côté, poursuit Dr Bocoum, la Cedeao est mise au défi de redéfinir ses rapports avec ces États pour éviter une fragmentation régionale plus profonde. Il estime que si cette organisation (Cedeao, ndlr) a insufflé le détachement de l’AES, cela veut dire qu’il lui a manqué l’essentiel. Ce faisant, l’universitaire révèle qu’il existe bien une contrainte tendancieuse en droit international qui justifierait la coexistence Cedeao-AES.

PRINCIPES DE BANDUNG- Pour ce faire, il convient alors de se projeter dans une coexistence pacifique fondée sur les cinq principes proclamés lors de la conférence de Bandung en 1955. Ces principes sont le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, la non-agression mutuelle, la non-ingérence mutuelle dans les affaires intérieures, l’égalité, le bénéfice mutuel et la coexistence pacifique. À ce propos, il reconnaît que la sous-région a plus que jamais besoin d’une vision qui s’affranchit complètement de la logique hégémonique.

Abordant des besoins croisés de l’AES et de la Cedeao, le spécialiste en droit soutient qu’il y a une forte interdépendance entre les 15 États de l’Afrique de l’Ouest sur les questions sécuritaires, migratoires, socioéconomiques, énergétiques, infrastructurelles, etc. L’universitaire mentionne aussi que c’est surtout face au défi sécuritaire que les deux regroupements ont un destin inséparable. Par rapport à la lutte contre le terrorisme, Dr Bocoum suggère que ces pays qui font frontière avec ceux de l’AES devront nécessairement travailler ensemble et s’inspirer de l’expérience réussie de la collaboration des États au niveau de la zone des trois frontières.

Sinon, souligne l’expert en droit communautaire, il sera impossible de lutter contre les groupes terroristes au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Togo (États du golfe de Guinée) sans associer le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Le chercheur prévient que les mêmes arguments sont valables pour montrer les limites de la stratégie antiterroriste de l’AES, si elle n’associait pas les pays du golfe de Guinée.

S’agissant du retrait des pays membres de l’AES, Dr Boubacar Bocoum croit fermement que c’est une action juridique faisant office de jurisprudence. D’après lui, cette séparation peut se faire à l’amiable. Donc sans tension. Pour l’histoire, il a rappelé que la Mauritanie en 2000 a décidé de quitter la Cedeao pour se consacrer au développement de l’Union du Maghreb arabe (UMA). Cela n’a pas empêché, ajoute-t-il, ce pays de conserver des relations fraternelles et fructueuses avec les États membres de la Cedeao.

Et de rappeler aussi que le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni est sorti de l’Union européenne après 47 ans de vie commune avec les autres États membres. «Plutôt que de chercher à contraindre, par la force, les Anglais à revenir au sein de l’UE, les autres pays ont pris acte et entamé des négociations pour réviser les traités et accords de coopération avec le Royaume-Uni», se souvient notre consultant, préconisant que ce dernier scénario est aussi possible dans notre espace. C’est pourquoi, il rappelle qu’on peut être en désaccord sans toutefois se combattre.

À l’en croire, pour résoudre la crise de manière constructive, l’AES et la Cedeao doivent d’ores et déjà identifier les points de friction (différences d’approche stratégique, concurrence pour les ressources, etc.) et mettre en place des mécanismes efficaces de résolution des conflits. Dr Bocoum suggère enfin que les deux organisations doivent également organiser des programmes de formation et d’échange, d’experts pour renforcer les capacités de leurs institutions dans les domaines clés de la coopération.

Namory KOUYATE

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7 COMMENTAIRES

  1. «Les deux organisations ont besoin l’une de l’autre. Leur coexistence pacifique et intelligente pourrait servir autant la sécurité et la paix sociale que l’intégration sous régionale » Une verite démontrée lors des embargos illégitimes, inhumains et illégaux de la CEDEO imposés sur les pays de l’AES ou nous avons vu les Beninois, les Sénégalais et les Ivoiriens dans la rue pour dire a leurs autorites d’arrêter ces decisions idiotes qui sont en train de leur tuer et de tuer leur business mais de bénéficier les ports de Conakry et de Lome car la Guinee et le Togo se sont désolidarises de ces embargos de la CEDEAO! Simple exemple pour les memoires courtes!

  2. – “«Les deux organisations ont besoin l’une de l’autre. Leur coexistence pacifique et intelligente pourrait servir autant la sécurité et la paix sociale que l’intégration sous régionale », analyse Boubacar Bocoum.”
    – ”

    Je crois sincèrement que le docteur Boubacar Bocoum est plus spécialiste de science politique que de droit communautaire ou de droit de l’intégration régionale !

    Il embrouille le lecteur plus qu’il ne l’éclaire. Il est juriste, mais il ne fonde son argumentation sur aucune disposition d’un traité communautaire pour qu’on puisse adhérer à ce qu’il dit.

    Surtout, il pose mal les termes du débat. Les plus importants étant, me semble-t-il, les suivants :

    – Il n’y aura pas de guerre ou de conflit armé entre l’AES et la CEDEAO ou un État membre de l’AES et un État membre de la CEDEAO. La question ne doit même pas se poser. C’est uniquement un problème politique entre des dirigeants politiques africains qui ne sont pas éternels politiquement et biologiquement, dont certains sont manipulés par les dirigeants franco-occidentaux qui ne sont pas eux non plus éternels au pouvoir, comme le montre l’actualité récente.

    – Pourquoi le Burkina Faso, le Mali et le Niger demandent à se retirer de la CEDEAO, puis reviennent maintenant demander à négocier bilatéralement AES/CEDEAO pour de fait rester partiellement membres de la CEDEAO, mais en privant dans le cadre d’un éventuel accord bilatéral AES/CEDEAO leurs citoyens et leurs entreprises d’une protection juridique très inférieure à celle conférée par le statut de membre de plein droit de la CEDEAO, en particulier si un État membre de la CEDEAO fait preuve de mauvaise foi et n’applique pas ou applique mal les disposition d’un éventuel accord bilatéral AES/CEDEAO ?

    – La très grande majorité des États membres de la CEDEAO sont également membres de l’UEMOA avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger. L’UEMOA étant une organisation d’intégration régionale qui prévoit les mêmes droits de libre circulation que la CEDEAO, sans les aspects politiques, démocratiques et électorales qui justifient notamment les ingérences dans les affaires nationales de souveraineté des États. L’UEMOA est aussi une réalité beaucoup plus solide et ancienne que l’AES.
    Dès lors, pourquoi les trois États qui sont sortis de la CEDEAO, Burkina Faso, Mali et Niger, n’organisent-ils pas leurs relations économiques et commerciales actuelles dans le cadre communautaire de l’UEMOA et dans le cadre bilatéral vis-à-vis des États non-membres de l’UEMOA que sont les grands États du Nigeria et du Ghana et les mini États comme la Gambie et le Cap-Vert ?

    – Pour finir et pour résumer, je crois que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ne doivent pas négocier avec la CEDEAO un quelconque accord en s’affaiblissant par le retour indigne vers une organisation qu’on a accusée de tous les maux, en redynamisant et renforçant la CEDEAO par ce retour. Au contraire, ces trois États doivent couper les ponts avec la CEDEAO pour permettre à terme la mort de la CEDEAO.
    Le Burkina Faso, le Mali et le Niger devraient également, à mon avis, s’avancer doucement avec cette histoire de “Confédération” et d’AES autour desquelles il y a actuellement plus de vent et d’agitations que de réalité et de réalisations concrètes actuelles et à venir en faveur des populations des trois pays. Déjà, dans le cadre de mal nommée “Confédération”, on voit le Niger s’acoquiner avec l’Etat raciste et terroriste de l’Algérie pour le bénéfice des Nigériens, mais en défaveur du Mali et des Maliens, en défaveur également du principe de solidarité et du traité de l’AES qui prévoit une action diplomatique commune. Le Niger booste également en ce moment ses relations bilatérales avec son puissant voisin du Nigeria. Personnellement, je crois que le Niger trahira un jour notre pays et que le Mali se fera avoir comme il s’est fait avoir par le Sénégal lors de la fédération et par l’Algérie après sa guerre de l’indépendance.

    La meilleure chose à faire, à mon avis, c’est d’abandonner la CEDEAO complètement, organiser nos relations économiques et commerciales dans l’UEMOA et par des accords bilatéraux, y aller doucement avec l’AES, puis si l’occasion se présente dans quelques années à la faveur d’une crise à l’intérieur de la CEDEAO récupérer quelques États maritimes comme la Guinée Conakry, le Bénin et le Togo qui ne sont pas des pays dits sahéliens pour créer une organisation différente à la fois de la CEDEAO et l’AES, une nouvelle organisation fortement intégrée en matière économique, monétaire et militaire, une nouvelle dont les États membres sont interdépendants et complémentaires.

    Les dirigeants maliens doivent rester grands et sortir de l’émotion pour reprendre le mot avec lequel les Sénégalais nous caractérisent : il n’existe pas de “peuple sahélien” et nous ne sommes pas des “Sahéliens” et des citoyens ou des nationaux sahéliens. Le “Sahel” étant une construction purement française et coloniale des Occidentaux. Nous sommes, ici, des Maliens, descendants de l’empire du Mali et des grands empires et royaumes qui ont existé sur notre territoire actuel, comme le proclame fièrement notre nouvelle Constitution adoptée par référendum en 2023.

    Les dirigeants maliens actuels doivent se concentrer sur la formation et la mise au travail des Maliens, ainsi que l’exploitation du pétrole et du gaz qui se trouvent en abondance dans notre sol et sous-sol.

    Une fois que les Maliens seront riches et prospères, plus avancés que leurs voisins et la plupart des pays du monde, et qu’ils auront travaillé très dur pour ça , je parie qu’il sera très facile de trouver un seul Malien pour chanter qu’il est panafricaniste et qu’il veut partager avec l’ensemble de ses voisins et des Africains les fruits de leur travail et du travail de leurs parents ainsi que les richesses que le créateur a mis dans leur sol et sous-sol.

    • Lire dans mon texte en haut : (…) “mais en donnant dans le cadre d’un éventuel accord bilatéral AES/CEDEAO à leurs citoyens et leurs entreprises une protection juridique très inférieure à celle conférée par le statut de membre de plein droit de la CEDEAO (…)”.

      Je voulais insister sur le fait que la protection et la sécurité juridiques des citoyens du Burkina Faso, du Mali et du Niger sera de loin moindre dans le cadre d’un accord bilatéral CEDEAO/AES que dans celui d’Etat membre de plein droit qui confère le statut de citoyen à toute personne qui a la nationalité d’un État membre ainsi que l’accès à la Cour de justice de la CEDEAO pour éventuellement faire condamner un État membre ou une institution communautaire de la CEDEAO.

      Encore une fois, ici, la dignité et la cohérence nous imposent soit de couper complètement les ponts avec la CEDEAO, soit d’adhérer complètement à la CEDEAO en respectant le traité, les protocoles additionnels et le droit dérivé de la CEDEAO. Il faut éviter cette “négociation” AES/CEDEAO foireuse à la Tiani qui est en réalité une adhésion au rabais à la CEDEAO, une adhésion sans la protection et la sécurité juridiques pour les citoyens et les entreprises du Burkina Faso, du Mali et du Niger.

    • “Une fois que les Maliens seront riches et prospères, plus avancés que leurs voisins et la plupart des pays du monde, et qu’ils auront travaillé très dur pour ça , je parie qu’il sera très facile de trouver un seul Malien pour chanter qu’il est panafricaniste et qu’il veut partager avec l’ensemble de ses voisins et des Africains les fruits de leur travail et du travail de leurs parents ainsi que les richesses que le créateur a mis dans leur sol et sous-sol.”

      Lire dans mon texte : “(…) je parie qu’il sera très DIFFICILE de trouver un seul Malien pour chanter qu’il est panafricaniste et qu’il veut partager avec l’ensemble de ses voisins et des Africains les fruits de leur travail et du travail de leurs parents ainsi que les richesses que le créateur a mis dans leur sol et sous-sol.”

      Pour dire que, ayant mis les pieds quelques pays riches de la planète qui ont travaillé durement pour atteindre le niveau de développement qu’ils ont actuellement, je n’en connais aucun qui n’est pas protectionniste voire nationaliste et qui ne rechigne pas à partager ses richesses avec ses voisins du même continent.
      Il faut donc analyser avec esprit critique les idées à la mode actuellement d’AES et de panafricanisme dont certaines ne reposent pas sur des bases solides, mais relèvent de la propagande.

      Encore une fois, la sécurité est importante en ce moment, de même que l’intégration régionale, mais il faut aussi bien former les Maliens y compris dans leurs langues nationales, les mettre au travail et exploiter intensément nos richesses naturelles pour devenir prospères.

      Pas la peine de chercher à atteindre cet objectif national de prospérité économique par l’appartenance du Mali à une quelconque organisation régionale africaine d’intégration. Il faut voir à la fois plus près au niveau national et plus loin au niveau mondial. Si nous avions au Mali attendu l’aide d’une organisation régionale africaine d’intégration ou des panafricanistes et si nous n’étions pas allés chercher l’aide militaire de pays amis extra-africains de Chine, de Russie et de Turquie, nous serions aujourd’hui encore sous le régime d’occupation ou avec un pays réduit territorialement de moitié.

    • Pauvre FANGA, tu mets tout sur le dos de la France. Ce concept de 《SAHEL》 est loin d’etre une fabrication Française, c’est les Arabes des septième-huitième siècles qui ont ce nom à la region. Le mot veut dire 《rivage》 en Arabe. À l’epoque du commerce entre le Wagadu et l’Arabie, cet endroit etait la ligne où s’arrêtait la traversée du grand desert Saharien, d’où le nom de rivage.

      Je ne sais pais quelle la part de la France dans cette appellation ES-SAHEL qui dure depuis près de deux millénaire, mais…. pauvre France !!

  3. Very good Intellectual hogwash by Dr. Boubacar Bocoum. Reads like he is on NATO payroll. In today’s world where feasible we must be our brother’s keeper. If we are not so we will not have civilization. We make laws to determine under what conditions we are to enforce being our brother’s keeper with intent of bringing his troublesome condition back to what is acceptable by laws of our civilization. We do not wait unto irreparable harm is done before we correct our brother problem. Often being it is known this method will be applied troublesome problems do not rise.
    As for ECOWAS it is proving moreso each year it is biggest problem of West Africa plus far from being savior. ECOWAS is pact between billionaires of West Africa designed to keep them in power in nations they live. Problem is when dealing with rest of world ECOWAS takes on coward disposition that is not in Negroid Africans best interest plus quite embarrassing. ECOWAS controlling billionaires despite their great wealth is paying NATO protection dues by keeping billions of dollars plus euros in NATO nations’ banks while money is being devalued beyond interest received by ECOWAS billionaires for money held in NATO nations’ banks. In short due to devaluing of dollar plus euro what cost one dollar March 2024 may cost one plus one half dollars March 2025 .That is increase of one half dollar but dollar held win NATO banks belonging to billionaires did not increase by one half dollar. That is fifty percent loss in value but still West Africa cowardly billionaires leave their money in NATO banks. We do not need cowards as leaders. Problems much of Africa undergo now is due to cowards as leaders that will not hesitate to have citizens kill who insult them but at same time bow to NATO destructive orders.
    I look forward to day cowardly leaders are no longer in Africa. Change is ongoing but those taking over must not adapt incompetent management style of ECOWAS in servitude to NATO.
    People of Books.
    Henry Author Price Jr aka Kankan

  4. Bocoum a tout faux car ses defits sont exageres et imaginaires. Entre la Confederation des Etats du Sahel et la CEDEAO c’ est le respect mutuel et la coexistance pacifique dans un cadre de vivre ensemble et de collaboration pour le bonheur des peuples Ouest Africains.

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