Irrigation au Mali : des promesses arrosées de contradictions

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À Dakar, six pays sahéliens ont lancé, le 9 avril, un appel à l’action en faveur de l’irrigation agricole, dix ans après la première Déclaration de Dakar. L’objectif affiché est de faire passer à un million d’hectares les superficies irriguées dans la région d’ici 2035.

Le Mali, signataire de cette initiative régionale, y voit une réponse stratégique aux enjeux de sécurité alimentaire, de résilience climatique et de développement rural. Pourtant, à l’intérieur de ses frontières, la réalité du terrain contraste fortement avec l’élan affiché à l’international.

Aujourd’hui, à peine 243 000 hectares sont sous irrigation au Mali, tous systèmes confondus. Ce chiffre stagne depuis plusieurs années, malgré les plans et les projets successifs. Pire encore, à peine 40% de ces périmètres sont pleinement fonctionnels selon les données du ministère de l’Agriculture.

Le delta intérieur du Niger, considéré comme l’un des plus grands potentiels agricoles du pays, est à peine exploité à 30% de ses capacités estimées, en raison du manque d’aménagements, d’entretien et de gestion des eaux.

Alors que les engagements régionaux misent sur l’accélération des investissements, le financement de l’irrigation au Mali reste largement en deçà des besoins. Le Programme d’appui régional à l’irrigation au Sahel (PARIIS) –censé catalyser les efforts nationaux– n’a permis d’aménager que 1 300 hectares sur les 10 000 initialement prévus entre 2018 et 2023.

Plusieurs projets soutenus par des bailleurs, dont la Banque africaine de développement, sont souvent ralentis par la lourdeur administrative, l’instabilité institutionnelle et l’absence de données fiables pour guider les décisions.

Mais au-delà des chiffres, c’est l’approche même qui soulève des questions. Le modèle d’irrigation dominant repose encore sur de grands périmètres publics gérés de façon centralisée, hérités des décennies précédentes. Or, les petits exploitants, qui représentent plus de 70% de la main-d’œuvre agricole au Mali, restent très peu accompagnés pour développer une irrigation à leur échelle. Les techniques dites « d’irrigation dirigée par les agriculteurs », plébiscitées dans plusieurs pays voisins, peinent à se diffuser faute de formation, d’accès au crédit, et de cadre réglementaire incitatif.

Les promesses de Dakar risquent de se dissoudre

Les effets du changement climatique rendent pourtant ces questions plus urgentes que jamais. En 2023, la région de Tombouctou a connu une baisse de rendement de 40% sur les cultures maraîchères par rapport à l’année précédente, selon l’ONG ACF.

L’absence de maîtrise de l’eau y a entraîné une perte directe de revenus pour plus de 12 000 familles. Dans le cercle de Youwarou, les inondations de septembre 2024 ont détruit plus de 600 hectares de cultures faute d’infrastructures de drainage adaptées. Ces situations ne sont plus exceptionnelles, elles sont devenues la norme.

Dans ce contexte, les engagements internationaux du Mali soulèvent une interrogation de fond. Comment atteindre un objectif d’extension massive de l’irrigation si l’existant se dégrade, si les paysans ne sont pas outillés, et si les politiques publiques ne sont pas ancrées dans les réalités socio-économiques locales ? La question mérite d’autant plus d’être posée que l’agriculture irriguée est au cœur des discours de souveraineté alimentaire brandis par les autorités de transition.

L’irrigation peut transformer l’économie rurale malienne, mais à condition qu’elle ne soit pas uniquement traitée comme un slogan politique ou un indicateur dans un rapport. Elle exige des choix cohérents, un appui technique continu, une gestion participative des ressources hydrauliques, et surtout une vision adaptée aux contraintes du terrain. À défaut, les promesses de Dakar risquent de se dissoudre, comme tant d’autres, dans les méandres du fleuve Niger.

Cheick B. CISSE

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1 COMMENT

  1. Details of what is required to fulfill need are not sufficient. For instance if machinery of backhoe diggers are needed to dig channels that will make water readily available to irrigate crops that what should be acknowledged. Do not simply tell us irrigation is not available? When you tell us there is problem also give us feasible solution. It may not be best solution but it may elicit best or/ plus more affordable solution. That is method that once made People of Books great people which is people we will at God speed rise to again become.
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