Le continent africain, riche en ressources naturelles, a toujours attiré les convoitises des puissances étrangères. Pendant des siècles, les pays européens, en particulier la France, ont bénéficié de ces ressources pratiquement gratuitement, laissant les pays africains dans une situation économique précaire. Aujourd’hui, cette dynamique est en train de changer, notamment dans la région du Sahel, où des militaires au pouvoir au Mali, au Niger et au Burkina Faso cherchent à renégocier leurs relations avec l’ancienne puissance coloniale, y compris en ce qui concerne les accords miniers.
Un exemple frappant de ce changement est la décision récente des autorités de Niamey de réintégrer dans le domaine public de l’État le gisement d’uranium d’Imouraren, retirant ainsi le permis d’exploitation à la société française Orano (ex-Areva). Cette décision, annoncée le 24 juin 2024, s’inscrit dans la stratégie du Niger de renforcer sa souveraineté et de garantir que les richesses naturelles du pays contribuent davantage à son économie.
Cette décision a suscité de nombreuses réactions parmi les Nigériens et les observateurs internationaux. Pour beaucoup, c’est une étape nécessaire pour mettre fin à des décennies de ce qu’ils perçoivent comme une exploitation injuste.
Un commentateur a déclaré : “La France gagne l’uranium du Niger gratuitement, parce qu’elle considère que c’est sa colonie, tout simplement”. Cette opinion reflète un sentiment largement partagé que les accords miniers ont toujours favorisé la France aux dépens du Niger. Un autre a ajouté : “Les Français ont pillé l’uranium du Niger, ce sont des pillards et des pyromanes”, soulignant la colère et la frustration envers ce qu’ils considèrent comme un vol systématique de leurs ressources.
Cependant, des inquiétudes subsistent quant à l’avenir de l’exploitation de l’uranium. “Orano n’a pas été une firme sérieuse, si pendant si longtemps elle n’a pas commencé la production, donc les autorités du Niger ont bien agi. Mais le problème qui se pose est : qui commencera l’exploitation, car c’est une nécessité pour l’économie nigérienne ?”, s’interroge un autre commentateur. Cette question souligne l’importance de trouver des partenaires fiables et de développer des capacités nationales pour exploiter ces ressources de manière durable.
Orano est présent au Niger depuis des décennies à travers ses filiales SOMAÏR, COMINAK et IMOURAREN. La société a exploité plusieurs gisements d’uranium dans le nord-ouest du Niger depuis 1971. Le gisement d’Imouraren est considéré comme l’un des plus importants au monde, et sa réintégration dans le domaine public représente une perte significative pour l’économie française, tout en promettant de meilleures retombées économiques pour le Niger.
Environ un quart des approvisionnements en uranium des centrales nucléaires européennes en 2022 provenait du Niger, et le pays fournissait 4,7 % de la production mondiale d’uranium. La révision des accords miniers et la reprise de contrôle par le Niger pourraient donc avoir des répercussions importantes sur l’approvisionnement en uranium en Europe.
La décision de retirer le permis d’exploitation à Orano s’inscrit dans une tendance plus large de reprise de contrôle par les pays africains de leurs ressources naturelles. Cette tendance est alimentée par un désir croissant de souveraineté et de justice économique, alors que de nombreux Africains estiment que les accords passés étaient inéquitables.
Un commentateur résume bien cette situation : “Nous sommes arrivés entre la France et le Niger à une guerre de régimes politiques et idéologiques identiques, entre exploitants et exploités, entre dominant et soumis”. Cette guerre des régimes politiques et économiques met en lumière les tensions entre le passé colonial et les aspirations contemporaines des pays africains à l’autodétermination et à la prospérité.
La reconnaissance de ces dynamiques et la prise de mesures concrètes pour redresser les inégalités historiques sont des étapes cruciales pour les pays africains. Comme l’a exprimé un autre commentateur : “Le président Tiani vient de fermer pour de bon ce robinet et plus jamais le Niger ne doit le rouvrir pour ces gens qui chosifient les Nigériens en les traitant de pauvres”. Cette déclaration illustre la détermination des autorités nigériennes à mettre fin à des décennies d’exploitation et à ouvrir un nouveau chapitre de souveraineté et de développement pour le Niger.
La réintégration du gisement d’Imouraren dans le domaine public nigérien marque un tournant dans les relations entre le Niger et la France. Elle reflète une volonté croissante des pays africains de reprendre le contrôle de leurs ressources naturelles et de s’assurer que ces ressources profitent avant tout à leurs populations. Cette décision, saluée par de nombreux Nigériens, est un pas important vers une plus grande souveraineté économique et une justice historique pour le Niger.
Par Coulibaly Mamadou