Des Etats-Unis à l’Afrique de l’Ouest : la victoire d’étape du cynisme

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On le savait en fait dès le 1er janvier, que cette année 2025 serait celle de grands bouleversements et d’incertitudes majeures sur tous les continents et qu’il faudrait en Afrique rester concentrés sur nos défis les plus cruciaux tout en gardant un œil vigilant sur le reste du monde, sur les décisions des grandes, moyennes et petites puissances. Le discours d’investiture du président Donald Trump a ressemblé à sa campagne : pas de retenue, pas de réserve, pas de délicatesse, pas de langage diplomatique, aucun souci avec les amalgames, les raccourcis y compris les plus choquants.

Aucun signe d’une disposition à écouter des points de vue différents du sien, à donner l’impression de souhaiter une réduction de la division et de la polarisation de la société américaine. Et bien sûr une focalisation sur les boucs-émissaires favoris dans les pays qui vont mal : les étrangers et assimilés, avec une confusion volontairement entretenue entre les migrants illégaux et les criminels qui agressent les bons citoyens authentiquement Américains.

Les invités étrangers à la cérémonie d’investiture, personnalités politiques essentiellement d’extrême droite d’Argentine, de France, d’Italie, d’Allemagne, notamment, ont aussi confirmé la volonté d’assumer parfaitement la nouvelle orientation idéologique du pouvoir de Washington DC.

Des effets potentiellement désastreux du désengagement des Etats-Unis

Est-ce vraiment grave et en quoi sommes-nous vraiment concernés en Afrique ? Il y a bien sûr les possibles effets des changements de politiques commerciales des Etats-Unis, ceux des changements dans la politique d’aide au développement, de la réduction drastique des financements des Etats-Unis aux organisations internationales incarnant le multilatéralisme, à l’instar de l’Organisation mondiale de la santé, ou encore des effets potentiellement désastreux du désengagement des Etats-Unis de tous les accords et mécanismes censés lutter contre le réchauffement climatique.

Il faut anticiper toutes ces conséquences mais au-delà, l’impact le plus dévastateur est peut-être celui du signal qui est donné par la première puissance mondiale en matière de pratiques politiques internes comme de politique étrangère.

Le signal donné par la forme et le fond de la gouvernance de Donald Trump, c’est le triomphe de la politique sans scrupules, sans limite d’ordre éthique, sans considération des enjeux globaux de long terme, comme la préservation de la planète ou la réduction des inégalités extrêmes à l’échelle mondiale.

C’est le triomphe de la politique des intérêts nationaux exclusifs tels que définis par les groupes au pouvoir – des groupes qui, dans le cas de Donald Trump, ne se soucient guère de faire semblant de respecter les frontières entre intérêts publics et intérêts privés.

Elon Musk et les autres riches et puissants patrons des énormes multinationales de la tech qui entourent le nouveau président annoncent une ère de dérégulation maximale aux Etats-Unis mais aussi des pressions dans le même sens partout ailleurs pour faire à peu près ce qu’ils veulent.

Une personnalité comme Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, parle de « libertariens qui veulent maximiser leurs profits, payer le moins d’impôts possible, polluer l’écosystème de l’information, torpiller la démocratie ». Il n’hésite pas à parler d’une oligarchie dangereuse pour les Etats-Unis et pour le monde.

Afrique de l’ouest, un séisme politique régional

En Afrique de l’Ouest, comme aux Etats-Unis, l’état politique du moment n’est pas le fruit du hasard ni de développements récents inexplicables. Il est l’épilogue provisoire de tendances de longue durée et d’une accélération au cours des dernières années.

En Afrique de l’Ouest, ce 29 janvier, le Mali, le Niger et le Burkina Faso quittent formellement la CEDEAO qui passera de 15 à 12 pays membres. C’est un séisme politique régional. Épilogue avant tout de ce qui n’a pas été fait dans chacun des pays membres, en commençant par les plus importants à l’instar du Nigeria, en trois décennies.

Résultat de la faiblesse des systèmes d’éducation et de formation qui ont façonné les esprits, les valeurs et les aptitudes des civils comme des militaires. Résultat aussi de l’abandon des sociétés ouest-africaines à elles-mêmes, en particulier dans les zones rurales. La crise de la CEDEAO est avant tout la conséquence de l’affaiblissement ou de la trop faible consolidation politique et économique de la majorité des États membres.

Tout est désormais permis dès lors qu’on se pose en fervent défenseur de la souveraineté nationale et en même temps du panafricanisme. Les incohérences et les demi-vérités ne choquent personne. La sortie des trois pays du Sahel central est un coup dur porté au projet d’intégration.

Elle ne dit rien par contre sur les perspectives politiques incertaines de ces trois pays. Comme elle ne dit rien sur la conscience des dirigeants des autres pays ouest-africains de la nécessité d’expliquer avec conviction aux populations de la région pourquoi il faut éviter la fragmentation, pourquoi il faut préserver et renforcer la CEDEAO plutôt que de contribuer à l’affaiblir.

Je n’ai toujours pas entendu un seul chef d’État de la région prendre l’initiative d’un discours fort sur les vertus de l’intégration et de la construction qui ne peut être que progressive d’un bloc politique, économique, culturel et technologique ouest-africain. On en est plutôt aux petits calculs économiques et politiques de court-terme.

Le chef de la diplomatie du Togo, pays censé accompagner le Sénégal dans des efforts de médiation pour éviter le départ des trois pays sahéliens a choisi ce moment pour déclarer que son pays pourrait rejoindre la Confédération des États du Sahel et pour pronostiquer un soutien de 70% des populations togolaises à une telle perspective. Les citoyens togolais n’ont pourtant pas été consultés sur un sujet peut-être plus crucial pour eux: leur nouvelle constitution consacrant un changement de système politique…

Les réseaux sociaux transformés en relais puissants d’une communication agressive et mensongère

L’Afrique de l’Ouest est déjà très fragile, du Nigeria à la Guinée-Bissau, du Sahel aux pays côtiers. Elle le sera encore davantage avec des nationalismes exacerbés, des relations tendues entre des pays voisins, des violations graves des droits humains, des réseaux sociaux transformés en relais puissants d’une communication agressive et mensongère servant des intérêts d’acteurs nationaux et étrangers qui ne se soucient guère de la stabilité, de la paix et de la sécurité des populations de la région.

Si les organisations de la société civile et les citoyens de manière générale ne se mobilisent pas davantage, partout ou presque, ce sont les acteurs et les groupes les moins scrupuleux dans la poursuite de leurs intérêts privés qui finiront par prendre le pouvoir et qui auront toutes les chances de s’imposer durablement.

Gilles Yabi

Nb : les surtitres sont de la Rédaction.

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1 commentaire

  1. In nutshell President Trump is going to do what he is able to do of what he want to do that profit him. Our duty is to not let him stop our Africa First agenda from timely achieving feasible goals.
    Group President Trump represent is using him as their front man whose working with Musk to impose their worldwide agenda with EU plus Israel as their partners however, they fell asleep for lengthy time at some point over last 60 years. While they were sleeping Catholics were politically taking over undeniable large portions of United States plus parity in manufacturing plus technology was coming about to limited degree in China, Russia, Japan plus some other nations. Their arrogance open door for competition to turn United States world dominance into contested leadership. Parity have been like hitting United States with nuclear bombs.
    Trump group was accustomed to having United States that dominate plus are finding it difficult to accept United States is unlikely to have world dominance again. That have resulted to it seems “spoil brat” child disposition that much too often show low self esteem that will heighten only if now elusive world dominance for United States return. That is why we must keep our focus on feasible Africa First pursuit of competent security plus comfortable world class modern living conditions delivery at God speed. Where it is feasible plus not disruptive we do equitable business with world seeking win win results but we should always give reliable partners higher consideration for doing business. Trump group do same. So their is no shame in us doing it. It is world class modern living survival essential.
    People of Books!
    Henry Author Price Jr aka Kankan

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