Quel redoutable honneur que cet hommage à rendre, à titre d’oraison funèbre, à un si grand homme. Les mots manquent forcément, lorsqu’il s’agit de témoigner de l’actif d’une personne de l’épaisseur de notre regretté Adama Samassékou. Tout ce qui a été dit et tout ce qu’on va encore dire de lui, ici, ne suffiront pas vraiment à le contenir entier.
j’ai retenu des nombreux appels que j’ai reçus de partout et de nos liens communs, qu’il avait une “dimension planétaire”. Pour celles et ceux qui l’ont connu, nul et personne ne pourrait douter et dire que cette réputation est surfaite. Il en a vu des tribunes. Quel brillant parcours, rappelé ici par la famille, par les amis, et le monde de la militance auquel s’ajoute ma voix !
Qu’il s’agisse du frère, de l’ami, du camarade ou encore du collaborateur du ministre, pour les uns et les autres, la disparition subite de cette immense figure de proue a les effets ravageurs d’une terrible catastrophe, un véritable naufrage. Le Mali a mal.
“Incroyable”, “ce n’est pas possible”, “je n’en reviens pas” ont été les réactions affligées entendues à la bouche de ses nombreuses connaissances, toutes consternées par la nouvelle déconcertante de ce départ impromptu. Et pourtant !
Samassékou pour les uns, Adama pour d’autres, Samass pour les intimes, l’homme était d’un bon commerce, au contact agréable, attentif, sensible, sociable. Il était d’une grande humilité et courtoisie, serviable, toujours disponible pour l’action, pour soutenir les causes justes, qu’il a défendues toute sa vie, en rassembleur des générations.
Grand patriote, homme de conviction, il était un dialecticien passionné pour les débats d’idées. Soigné et soigneux, inspirant le respect, il ne laissait jamais indifférent.
Homme de réseaux, il serait difficile de citer intégralement toutes les organisations auxquelles il a appartenu, ou celles dont il était membre d’honneur ou actif, tant il est vrai qu’il était un soldat de tous les combats, au Mali, en Afrique et dans le monde. Combien n’avons-nous reçu de messages de cette myriade de partenaires, connus et inconnus, digne des seuls bâtisseurs.
J’ai eu le privilège d’un long compagnonnage avec lui, singulièrement ces dernières années, où l’on nous voyait toujours ensemble.
Je me souviens que dans les années 2010, ici au Mali, nous fûmes très proches. Il m’avait invité à venir l’aider à mettre en place un cabinet personnel, afin de l’assister dans la gestion des multiples sollicitations dont il faisait l’objet. Nous avons longuement collaboré, jusqu’à la conférence sur le Document de politique linguistique, en fin 2011, dont il a présidé la Commission technique m’intégrant à l’équipe de rapportage.
Il y eut ensuite un silence, vu la tournure des événements dans le pays, à partir de 2012. Il fut invité après à la présidence de la République. Tout de même, il réussit à me cueillir à nouveau, vers 2018, pour m’entraîner avec lui dans le Mouvement fédéraliste panafricain (MFPA). Par la suite, il en devint le président, et finit par me faire coopter, en 2022, comme président d’une commission du Mouvement, qui ne compte pas moins de 4000 membres, sur tous les continents.
Et, c’est dans ce cadre qu’il a organisé avec maestria, l’année dernière, la Grande marche pour l’Afrique, à travers le monde, avec un soutien salutaire de nos autorités nationales. L’unité politique africaine est demeurée, pour lui, une passion.
Kôrô, comme j’aimais à l’appeler, m’a personnellement adopté, pour m’inscrire dans plusieurs de ses initiatives porteuses, m’associant à ses nombreuses entreprises pertinentes, et m’impliquant dans ses multiples formations associatives, me mettant aussi en relation avec des membres de ses cercles d’engagement. Cette relation de confiance et d’estime réciproque s’est bâtie dans et par le travail, au cours des batailles communes pour des valeurs partagées.
Justement, comme par hasard, je me retrouve membre du Comité des experts, chargé de l’élaboration du Programme national d’éducation aux valeurs, et qui en est le président ? Adama Samassékou. Je ne saurai passer sur son rôle prépondérant pour la formulation dans la nouvelle Constitution du principe de l’officialisation des langues nationales. Il présida pour le compte du ministère de l’Education nationale les travaux pour l’élaboration de la loi organique annoncée.
Meneur d’hommes, il avait un propos mesuré, un discours calibré. Il savait arrondir les angles pour chaque circonstance, et être ferme, voire tranchant, face à l’entêtement et à l’indiscipline. Homme de culture, tolérant, fervent croyant, il savait reconnaître et apprécier les talents, et encourageait les plus jeunes à oser s’affirmer. On se souviendra d’un grand humaniste.
Il est impossible de parler d’Adama Samassékou, au plan civil, sans dire mot de son investissement intellectuel notoire pour la promotion des langues africaines, pour la refondation du système éducatif malien, et pour les Humanités africaines. Dans tous ces champs d’intervention se trouvent des structures ou des programmes qu’il a, sinon créées, aidées à mettre en place, ou alors contribué à faire grandir.
Et, c’est au nom de toutes les personnes qu’il a côtoyées, pratiquées, engagées, dans cette quête inextinguible du meilleur pour la postérité, que je viens livrer ce modeste témoignage en la mémoire de l’illustre disparu, qui vaut hommage pour un des valeureux fils de la terre africaine du Mali, qu’il a su être, constamment dans l’arène, oubliant et le poids de l’âge et le répit de la retraite, appelant dans son sillage ses enfants – “camarades”. Et, dans la conviction du “Pionnier aujourd’hui, pionnier toujours”, président d’honneur de ce Mouvement civique de jeunes, son message ultime est celui-là : “C’est le combat qui t’abandonne, sinon jamais n’abonnes le combat”.
Merci cher aîné pour ton enseignement patriotique et ton exemplaire dévouement panafricain. Au nom de tous tes collectifs de l’agir, le flambeau du passage de témoin ne s’éteindra pas, ni Mâ sonna.
N’an lara, an sara !
Dors en paix Kôrô. Tu nous manques déjà, et tu nous manqueras toujours, jusqu’à notre tour.
Que le Paradis soit ta demeure auprès de nos dignes aïeux !
Anw Yafara !
Mohamed Salikènè Coulibaly,
Ancien ministre et Chevalier de l’Ordre National du Mali