Il y a quelques semaines, sur l’un des deux seuls groupes WhatsApp auxquels je me suis laissé inscrire— un moyen de suivre les opinions de quelques concitoyens— une question a été posée concernant le renoncement de Moussa Mara à ses indemnités d’ancien chef du gouvernement. S’agissait-il d’un acte salutaire ou populiste ?
Ce geste a suscité une polémique aussi inutile que stérile. Un mois à peine après cet épisode, une nouvelle controverse éclate autour de l’ancien Premier ministre malien, une situation qui semble presque être devenue son terrain habituel.
Son nom reste particulièrement associé à un événement tragique survenu lors de sa visite à Kidal, où un massacre a touché les Forces Armées Maliennes (FAMA). Cette visite, perçue par certains comme précipitée et mal préparée, a laissé des séquelles profondes, dont des pertes humaines dramatiques parmi des officiers supérieurs maliens en mission dans la région.
Cet événement aurait pu compromettre durablement sa carrière politique, d’autant plus qu’il a aussi entraîné la perte de Kidal et la rupture d’un statu quo qui garantissait jusque-là une certaine paix dans la région. En effet, les circonstances entourant ce déplacement montrent qu’il ne pouvait se faire sans un accord au plus haut niveau.
Quelques mois avant l’incident, le président Keïta avait abordé la question lors d’une interview pour le journal Jeune Afrique. À la question « Quand comptez-vous vous rendre à Kidal, M. le Président ? », il avait répondu en indiquant qu’il s’y rendrait bientôt, tout en affirmant que la visite de son Premier ministre, Moussa Mara, était déjà en préparation.
Pourtant, lorsque les événements ont pris une tournure tragique et que la situation a dégénéré, une partie significative de l’opinion publique a désigné le PM comme l’unique responsable du chaos qui a suivi. Ce pilori médiatique et politique n’a cependant pas empêché Mara de rebondir et de maintenir une certaine influence dans le paysage politique malien, témoignant ainsi d’une résilience et d’une détermination peu communes.
En 2017, dans mon ouvrage L’enfant de Marena, j’avais consacré onze pages à une analyse détaillée de la période tumultueuse entourant le mandat de Moussa Mara comme Premier ministre, un moment où il faisait l’objet de vives critiques notamment sur son incapacité à rassembler une partie significative de la classe politique. Dans mon analyse, j’avais défendu l’idée que Moussa Mara avait été injustement tenu pour responsable concernant son déplacement à Kidal, qui avait suscité une polémique nationale.
En outre, j’avais également souligné son engagement personnel auprès des institutions de Bretton Woods pour qu’une enquête soit menée sur les irrégularités dans l’attribution de certains marchés publics. Ces contrats, d’une valeur de plusieurs milliards de francs CFA, avaient été octroyés de gré à gré à des entreprises peu connues, comme GO STAR. Grâce à son initiative, le pays avait vu l’un de ses audits les plus rigoureux, révélant les dérives de cette gestion opaque.
Pour enrichir mes recherches, à l’époque, j’avais pris contact avec Mara par e-mail, lui demandant s’il pouvait partager certains de ses écrits ou ouvrages afin de mieux comprendre les enjeux de l’époque. Quelques échanges ont suivi, permettant d’approfondir ma réflexion et d’éclairer davantage les dynamiques qui entouraient ce gouvernement marqué par de fortes tensions.
Malgré des échanges par e-mail, il serait inexact d’affirmer que Moussa Mara m’ait accordé une attention particulière. Je lui ai accordé le bénéfice du doute ; il ne me connait pas personnellement, et à l’époque, j’étais un auteur encore relativement inconnu. Cette indifférence manifeste n’a toutefois pas influencé mon approche : j’ai fait le choix de conserver dans mon ouvrage les passages qui lui sont consacrés.
Pour moi, l’écrivain a des responsabilités complexes, parmi lesquelles celle de ne pas déformer l’histoire, même lorsque les personnages qui la marquent lui sont distants ou indifférents. Il est essentiel de rapporter les faits dans leur intégrité, en respectant les nuances et les contradictions inhérentes à toute période historique. En réalité, j’aurais eu de bonnes raisons de ne pas exprimer un jugement favorable à son égard, surtout dans un ouvrage destiné à traverser le temps —car un livre, en définitive, se destine à la postérité.
Quelques mois avant que je n’entame cette analyse, Moussa Mara s’était attaqué avec une virulence certaine à mon président et mentor politique, feu Soumaïla Cissé. Lors d’une session parlementaire, retransmise en direct à la télévision nationale, il l’avait publiquement interpellé devant une assemblée de députés. Que la session ait été ordinaire ou extraordinaire importe peu : ce moment restera dans la mémoire collective.
Pourtant, mon engagement en tant qu’auteur me dictait de dépasser mes réticences personnelles et de relater cette période avec l’objectivité requise, en tenant compte des actions et intentions de chacun, indépendamment des querelles politiques ou des affinités personnelles. C’est ce que j’ai fait. Sinon à dire vrai, j’avais déjà parcouru l’essentiel des écrits de Moussa Mara, depuis son premier ouvrage publié chez Jamana en 2006 jusqu’à son plus récent, « Pour un Mali meilleur ».
Ce qui m’a toujours frappé chez lui, au-delà de son rôle dans le paysage politique national, c’est la rigueur et la constance de sa production intellectuelle. Il maîtrise les rouages de l’administration malienne, un sujet qu’il a approfondi à maintes reprises dans ses publications.
Ses écrits, tout comme ses discours publics, se distinguent par une remarquable simplicité et clarté. Avec ce ton passif-agressif qui lui est propre, il parvient à exposer ses idées sans tomber dans la trivialité ni dans le discours belliqueux, bien qu’il garde un tempérament tenace—pour ne pas dire coriace (rire).
Quoi que rien de révolutionnaire dans son approche. Il souligne les faiblesses de nos institutions et propose des pistes d’amélioration, mais sans prôner de rupture radicale avec le système en place. C’est peut-être là où résident ses faiblesses : en cherchant à ménager les divers acteurs et en voulant maintenir de bonnes relations avec toutes les corporations, etc.
Dans le domaine politique, caresser tout le monde dans le sens du poil a ses limites. Toujours est-il que, à la parution de mon ouvrage en juin 2017, je l’ai informé de son existence, espérant un éventuel retour de sa part. Mais n’a jamais donné suite : ni demande de dédicace, ni message de remerciement pour avoir analysé son travail avec honnêteté et objectivité.
Premier ministre Mara ne ressemble pas à ces politiciens intermittents
Aujourd’hui, en novembre 2024, je n’ai toujours jamais rencontré Moussa Mara en personne ni échangé directement avec lui par téléphone. Pourtant, malgré cette distance, je me retrouve encore dans l’obligation de parler de Moussa Mara avec justesse, car ma propre estime ne doit pas interférer quand il s’agit de mon pays, notre bien commun, le Mali. Pour paraphraser mon frère Thiambel Guimbayara. Ce devoir de vérité, je me l’impose, tant pour la clarté historique que pour le futur de notre nation.
Alors, de quoi s’agit-il cette fois ? Une autre de ces éternelles “palabres sous l’arbre” où son nom refait surface. Moussa Mara aurait fait une sortie en France, exprimant son avis sur la dernière trouvaille de nos colonels récemment autoproclamés généraux. Dans les jours suivants -toujours en France, il a tenu une conférence de presse dans un foyer de travailleurs maliens à Vitry-sur-Seine, qui fut perturbée par quelques soutiens à la transition.
Peu après, un activiste opérant sous un pseudonyme sur Facebook a soulevé une question préoccupante : Moussa Mara pourrait-il, lui aussi, être contraint à l’exil en France ou ailleurs, à l’image d’autres figures politiques maliennes ? Sur les réseaux sociaux, on lit également que l’actuel Premier ministre aurait affirmé ne pas être informé de la récupération ou de la restitution —les versions divergent— d’un véhicule autrefois attribué à l’ancien Premier ministre.
Ce geste semblerait provenir de son conseiller à la défense, ou devrais-je dire du conseil de défense de la primature. Ces événements récents ont piqué mon intérêt. En y réfléchissant, il m’est apparu que, dans les faits, Moussa Mara représente un rempart essentiel que la classe politique malienne, dans son ensemble, aurait tout intérêt à préserver. Le Premier ministre Mara ne ressemble pas à ces politiciens intermittents qui ne se manifestent qu’à l’approche des élections et dont l’engagement semble se limiter à la poursuite de leurs propres ambitions.
Dans un contexte politique aussi figé que celui du Mali, où le blocage entre la junte militaire et la classe politique traditionnelle paraît insurmontable, Moussa Mara fait preuve d’un équilibre rare dans ses propos. Par sa modération et sa constance, il est l’une des rares figures politiques maliennes capables de lancer, au nom de toute la classe politique nationale, un dialogue direct entre les militaires et les civils pour sortir de cette impasse dangereuse.
Renforcer sa légitimité
D’ailleurs, n’a-t-il pas déjà entrepris une telle démarche par le passé, avec l’initiative « Sauvons la Transition » ? Aujourd’hui, plus que jamais, il est temps de se remettre à cette tâche. Mais cette fois, il doit élaborer un plan bien structuré, en y intégrant des concessions claires à proposer aux colonels, désormais généraux de la République. Un plan de dialogue et de compromis pourrait être la clé pour engager un retour à l’ordre constitutionnel.
Pour ma part, Moussa Mara mérite mon soutien entier, et il devrait également bénéficier de celui de toute la classe politique. Ce soutien n’est pas seulement un appui à sa personne – encore moins sur son parti, « moi je suis du parti URD de Soumaïla Cissé », mais celui à un avenir malien où les intérêts individuels laissent place à une vision collective et constructive pour le pays.
En effet, l’ancien Premier ministre pourrait contribuer à établir un programme de transition qui accorde aux militaires un rôle légitime dans la sécurité et la stabilité de la nation, tout en veillant à ce qu’ils s’éloignent de la gestion politique directe.
Le soutien de la classe politique est donc essentiel pour renforcer sa légitimité dans cette entreprise, et pour donner à son initiative le poids nécessaire pour être acceptée par les différents acteurs. Il est urgent de ne pas laisser Mara seul face à ces défis. C’est dans l’unité et la solidarité autour de figures capables de promouvoir un dialogue sincère que le Mali pourra espérer un avenir pacifique.
Moustapha Siby (l’Enfant de Marena)
NB : les surtitres sont de la Rédaction.
Sibyke, tu es une honte, tu fais le griot pour Moussa Joseph celui a fait perdre au Mali la guerre a Kidal et a ete cause de la mort des centaines de pères de famille créant des centaines d’ orphelins et des veuves!