D’une initiative gouvernementale relevant de la quatrième République à but de relever la qualité de certains équipements d’utilité publique en général et sportif en particulier, la rénovation desdits stades relève d’une révolution en matière de design et d’architecture. D’une révolution comme les monuments, incomprise par une bonne majorité de certaines couches, la réalisation de tels ouvrages d’art donnerait de la hauteur de vue et de l’ambition dans la perception et la réalisation des projets de société, et serait source d’inspiration pour beaucoup de nos concitoyens dans la réalisation d’ambitions personnelles et collectives.
De passage devant ces stades, de design futuriste, et à la vue de certaines erreurs dont les conséquences pourraient être gravissimes, il y a de cela un mois, bien avant les regrettables évènements de Nzérékoré (République de Guinée), je ne puis m’empêcher de m’arrêter en faisant part de mes appréhensions à l’ingénieur responsable ce jour du projet de Ouezzin en lui disant que j’aurais des réserves quant à la sécurité des spectateurs et autres passionnés assimilable à un “chas d’aiguille”, trou par le quel on enfile une aiguille, le model coulissante de l’accès, de leurs positions. Il aurait été élégant et courtois avec moi, je l’en remercie. Mais comme je m’y attendais, comme chez une bonne majorité d’ingénieurs du genre, il serait réfractaire à toute autre initiative et propositions de la part de personnes ne partageant pas la spécialité.
Pour rappel, le stade Ouezzin Coulibaly, actuellement en rénovation pour une contenance de 5 000 personnes après une première sous le président Amadou Toumani Touré, fut inauguré le 11 février 1928. Préalablement, stade Frédéric Assomption, à l’emplacement d’un champ de course qui serait transféré en dehors de la ville dans un quartier qui portera son nom Hippodrome. (Réf: Moussa Bolly, «Rénovation du stade Ouezzin Coulibaly: Une vitrine de l’indépendance du Mali fait peau neuve», Sur Maliweb.Net, 30 septembre 2010); -Modibo Nama Traoré, «La grande époque des stades Assomption et Bouvier», sur Malijet, 27 septembre 2010).
Il était doté d’une aire d’athlétisme, d’un terrain de football, de basket et d’un vélodrome, servait de terrain de sport pour les scolaires (collège Technique, Collège des Filles, Lycée Terrassons de Fougères, mais aussi lieu d’évaluation des scolaires de la région de Bamako à la veille des examens) sans compter les compétitions sportives pour les équipes de l’époque (Jeanne d’Arc, Foyer, Aigle Noir, As Cheminot, Espérance, Gallieni, JSCO, Niger, Richelieu, Racing, US TP, USI, US Kati). Endroit propice pour certaines rencontres, notamment de politique de l’époque, aurait même servi de fourrière lors de l’opération Taxi en 1967 selon M. Mountaga Kansaye, un ancien de la police de l’époque, qui par la suite servit aux aéroports de Paris.
- Assomption aurait été le 1er instituteur français nommé à Bamako en 1903 si je ne m’en abuse, futur directeur de l’enseignement et inspecteur général d’enseignement primaire, qui aurait eu à poser les fondements du système éducatif colonial de l’époque avec comme objectif de former des interprètes, des commis d’administration et de traites, des instituteurs, et autres personnels de bas services, auxiliaires… (Réf: Amadou Hampaté Bâ, Amkoullel, L’enfant peul. Mémoires, Bamako, les dernières études, Paris. Actes Sud, 1991. 409 p).
Il aurait eu comme collaborateurs à l’époque un certain Séga Diallo, 1er Pontin (de École Normale William-Ponty) du Soudan Français après une scolarisation par contrainte directe, directeur de l’école régional de Bamako, située place de la République, père des regrettés Pr Boubacar Séga Diallo et Sidi Séga Diallo, Tiémoko Garan Kouyaté (1902-1944) prématurément mort en France, Buyagi Fadiga, né en 1890, directeur de la médersa de Tombouctou à partir de 1934. M. Ansomption disait de lui qu’il serait le plus brillant de ses instituteurs. Ce qui justifierait l’importance du bilinguisme (arabe et français) dans la performance des élèves.
Bamako serait une bourgade au milieu de hordes de fauves comme des hyènes parmi lesquels il faudrait se faufiler pour se rendre à l’école, tout en se donnant la fausse impression qu’on n’aurait pas peur en fredonnant La Marseillaise. Les hyènes étaient présentes, notamment dans les ravins de Douffing sur la route de Kati, selon Hamadoun Hampaté Bah, élève à l’époque de ces illustres devanciers. (Réf: Les “enfant du hasard”, Cahier de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 2003).
Pour le stade Bouvier, construit avant 1950, du nom du Missionnaire Révérend Père George Bouvier qui à côté de sa piété, avait une passion pour le football en fondant la Jeanne d’Arc du Soudan. Décédé en 1952, des suites d’une noyade, le stade porta son nom de 1954 à 1961, pour ensuite devenir stade Mamadou Konaté. Stade qui aurait subi une rénovation en 2009 sous le Président Amadou Tounani Touré, puis sous le Président Assimi Goïta pour une contenance de 5 500 personnes.
À l’époque, la promotion de la pratique sportive au-delà du côté compétitif, pédagogique et de plaisir, avait pour but de réduire l’influence des pouvoirs de la chefferie traditionnelle sur la jeunesse par plus de liberté et d’émancipation de la jeunesse.
Personnellement, j’aurais eu à fréquenter ces lieux de sport à la suite de mon regretté père Dassé Mariko, ancien champion de l’Afrique Occidentale Française (AOF) des années durant dans plusieurs disciplines sportives, pour ensuite fréquenter avant les indépendances l’Institut National de Sports de Paris et occuper après le poste d’entraîneur national en charge des collèges et lycées à partir de 1961… On m’aurait dit que pour sa participation aux compétitions sportives de l’AOF, l’avion quittait directement Dakar pour venir le chercher à Ségou du fait qu’il fréquentait le Cours normal de Banancoro, et lui-même bambara, en faisait rarement cas avec nous. Qu’il fasse chaud ou froid, selon la saison, nous quittions tous les jours la maison aux alentours de 05 h 30 pour le Lycée Askia, où on retrouvait déjà une colonne de lycéens bien en ordre se rendant au stade Ouezzin, habillés de tricots débardeurs, de culottes, de chaussures crêpes ou baskets Bata ou Adidas et autres plastiques, souvent le pied nu. Des Tontons d’élèves bien en jambe, disciplinés, et ordonnés et cela forgés dans une discipline de fer avec objectif pédagogique de plus de performances…
Aux alentours de 07 h 30, il m’amenait au Jardin Kassé Keïta et après des années à l’école de la Cathédrale. Il lui arrivait, selon son programme, de me déposer devant l’école de la Cathédrale avant qu’il ne fasse jour, moment où on recueillait du bois mort et des cartons usagés pour faire du feu souvent en compagnie de personnes douteuses avec l’assurance de présences de commissariats à proximité. Une autre époque, une autre réalité… me poussant à m’arrêter devant le stade Ouezzin en réfection, avec la curiosité de voir réellement ce qui s’y passait, un véritable joyau architectural tout comme Mamadou Konaté, et de design qu’on pourrait qualifier de 3ème ou 4ème génération.
Mais en tant que professionnel de la santé, ce qui aurait le plus attiré mon attention serait la sécurité qui serait criarde au vu des drames passés de Furiani, Hessel, Sheffield, Mina lors du pèlerinage… Nzèrèkoré… qui n’auraient pas fini encore d’interpeler les consciences de l’humanité toute entière, tant par sa spontanéité que par l’ampleur du préjudice causé.
À voir ces deux (02) stades de près, compte tenu de la possibilité de surcharges incontrôlées des gradins pouvant aller au double, un problème d’évacuation sécurisé se poserait en cas d’urgence, de paniques et autres mouvements de foule, surtout que l’atmosphère serait passionnée et surchauffée…
Les professionnels diraient que «plus la foule serait nombreuse, plus son âge mental baisserait».
Vue l’étroitesse des portes qui souvent seraient percutées à date par les camions du chantier, mais aussi leur nombre, dont deux (02) au nord feraient face au Lycée Ba Aminata Diallo (LBAD), ex-lycée de jeunes filles, séparées par une avenue très fréquentée, deux (02) au sud, s’abouchant en zone militaire sécurisée par des sentinelles dont on ne saurait prévoir la réaction en cas de trouble, et deux (02) autres assimilables à des chas faisant face au service de l’Élevage, séparées par la route très fréquentée qui desservirait Koulouba, Point G et Kati.
Il serait indispensable pour le ministère de la Sécurité de réellement statuer sur le cas de ces deux (02) stades en toute professionnalisme, si je ne n’en abuse, tout en tenant compte des capacités de gestion en termes de sécurité, d’infrastructures hospitalières, de personnel spécialisé, de logistique, de poches de sang pouvant être mobilisées entre autres devant des fractures, des volets costaux (fractures multiples du grille costal avec mouvement respiratoire paradoxal suite à la séparation d’un volet de côtes du reste du thorax, à issue souvent létale), les hémorragies internes et autres contusions, les pertes de connaissance, les nécessités de réanimation, les chocs psychologiques causés. Pour encore dire aux ministères de la Santé, de l’Éducation, au corps professoral de ne surtout pas se lasser quant à la formation de médecins spécialisés, voire de rang magistral et que cette formation ne saurait être un privilège dévolu, une exclusivité à ceux qui le seraient déjà, fermant l’accès à d’autres. Le Mali serait réellement en besoin d’expertise…
À la volée, comme solutions palliatives, il aurait:
– nécessité de création de zones mortes pour les évacuations d’urgence, la sécurisation des spectateurs et pour plus de fluidité dans le désordre créé.
– Prévoir d’autres portes et issues d’urgence pour l’évacuation rapide et sans encombre des stades.
– Prévoir dans la grille de protection de la pelouse et main courante pouvant couvrir plus de 12 000 m², des portes pour que l’aire de jeu soit une zone morte en cas de besoin pour l’évacuation des gradins et la sécurisation des spectateurs.
– Former les services de maintien d’ordre face à certaines situations, sinon codifier les services pour diverses interventions.
– Sensibilisation des spectateurs et autres supporters quant à la nécessité de préservation de la stabilité de l’atmosphère durant les rencontres avec l’idée de protéger son prochain et de partager sa sécurité.
– Interdiction stricte d’accès des terrains à certains supporters et agitateurs jugés dangereux.
Pour le cas spécifique du stade Mamadou Konaté, il s’agirait de réaliser de grandes portes en termes de largeur sur la façade Est, et prévoir comme espace mort la cour de l’école de N’Tomincorobougou, avec interdiction de stationnement de véhicules dans la zone d’accès.
En revanche, la cour de l’ECICA et du Lycée Technique et accessoirement celle du Lycée Ba Aminata Diallo pourrait servir de Zones mortes, avec l’ouverture de portes dans le mur attenant avec l’ECICA et le Lycée Technique sur la façade Est du stade Ouezzin.
Au-delà, nous aurions la chance d’avoir beaucoup de citoyens et cadres qui pourraient aussi contribuer avec plus d’acuité avec des propositions pertinentes. L’important serait d’y avoir pensé.
Dr Moussa Dassé Mariko, Cardiologue Bamako-Mali