La rénovation des biens culturels et immatériels s’impose comme un élément de renforcement de la paix, de la cohésion sociale et du vivre ensemble. L’initiative qui participe de la bonne conservation du patrimoine se veut aussi un renouement de pratiques et traditions culturelles intercommunautaires
Depuis bientôt quatre ans, il y a indéniablement un regain d’intérêt des autorités et des partenaires pour la réhabilitation du patrimoine culturel, matériel et immatériel. En effet, la crise sécuritaire profonde qui frappe notre pays depuis plus d’une décennie, affecte particulièrement le patrimoine culturel. Les travaux d’entretien régulier ne peuvent plus être effectués correctement du fait de l’insécurité, mais aussi de la disparition progressive de pratiques culturelles telles que les rituels funéraires traditionnels, les danses masquées et autres festivités intercommunautaires.
Ainsi, un certain nombre de chantiers ont été ouverts pour tenter de recoudre le tissu social parfois abîmé, restaurer des manifestations et réhabiliter le patrimoine physique. À Bandiagara, la multiplication des tensions et conflits armés intercommunautaires s’est exacerbée avec la destruction des maisons, des greniers, mais aussi des enlèvements du bétail et surtout des pertes en vies humaines. Les ressources du patrimoine ont également été touchées : biens culturels détruits ou endommagés, éléments du patrimoine culturel immatériel affectés.
Le ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme, en partenariat avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), a initié un projet intitulé : « Reconstruction et réhabilitation du patrimoine bâti du site des Falaises de Bandiagara (Pays-dogon) ». Ce projet a bénéficié du financement de la Fondation Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (Aliph), une fondation de droit suisse, à travers l’UNESCO, explique le directeur national du patrimoine culturel, Moulaye Coulibaly.
L’objectif de développement du projet est de reconstruire et réhabiliter le patrimoine bâti détruit, notamment les habitations, les greniers, les lieux de culte, resocialiser et mieux conserver les objets culturels. Mais aussi renouer avec les pratiques et traditions culturelles intra et intercommunautaires. La réalisation de ce projet a permis de renforcer la promotion de la culture de la paix entre les communautés, la cohésion sociale, le dialogue des cultures, le vivre ensemble et de recoudre le tissu social sur le site des Falaises de Bandiagara.
SAUVEGARDE DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL- Aliph soutient également les efforts de réhabilitation du Tombeau des Askia à Gao. En effet, en vue de circonscrire les menaces et d’assurer la conservation durable, la gestion efficace et la promotion du Tombeau des Askia, le département en charge de la Culture avait entamé ce travail d’une grande importance.
L’objectif de développement du projet est d’assurer la conservation durable de ce chef-d’œuvre de notre patrimoine et sa promotion par la valorisation de l’architecture traditionnelle à travers les savoirs, savoir-faire et matériaux locaux de construction. Il s’agit également de consolider les piliers, d’alléger le poids du banco sur le toit, de renouveler toutes les charpentes et de renforcer l’ensemble des structures du bâtiment.
Les principaux impacts du projet sont, entre autres, une véritable redynamisation du site au bénéfice des populations et des visiteurs grâce à un effort majeur de conservation et de mise en valeur qui lui rend sa splendeur d’avant les conflits armés. Le site retrouvera également son intégrité et un très bon état de conservation. Tout comme l’approfondissement de la connaissance de l’histoire et des valeurs du Tombeau des Askia, contribuant ainsi au renforcement de l’identité culturelle et de la cohésion sociale. Les visiteurs et notamment les habitants de Gao apprécieront mieux le site.
Quant au patrimoine immatériel, le ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme s’est attelé à travers la direction nationale du patrimoine, appuyée par ses partenaires, à la sauvegarde et à la réhabilitation de nombreuses pratiques ayant souffert de l’insécurité. Selon Moulaye Coulibaly, ce projet vise à soutenir l’élaboration de trois plans de sauvegarde des trois éléments inscrits sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente que sont la société secrète des Kôrêdugaw, rite de sagesse du Mali (inscrit en 2011) , les pratiques et expressions culturelles liées au «M’bolon», instrument de musique traditionnelle à percussion (inscrit en 2021) et le Sanké môn, rite de pêche collectif dans le Sanké (inscrit en 2009).
VALORISATION DU TEXTILE TRADITIONNEL- Les activités de ce projet qui dureront 24 mois (avril 2024-mars 2026) soutiendront les communautés et les organisations de la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre des plans de sauvegarde adaptés au contexte socioéconomique, culturel et environnemental de chaque élément. Il s’agit des Régions de Koulikoro, de Sikasso et de Ségou pour ce qui concerne la société secrète des Kôrêdugaw, rite de sagesse du Mali. Des Régions de Kayes, Koulikoro et Sikasso à propos des pratiques et expressions culturelles liées au «M’bolon», instrument de musique traditionnelle à percussion et de la Région de San pour le «Sanké môn», rite de pêche collectif dans le Sanké.
Les Régions de Mopti et de Bandiagara ont été particulièrement éprouvées ces dernières années. Pour renforcer les capacités de résilience des communautés face au conflit et jeter les bases du processus de paix entre les communautés peules et dogons dans ces régions, deux missions culturelles, notamment celles de Bandiagara et de Djenné ont reçu un prix de l’ambassade des États -Unis au Mali à travers le Fonds des ambassadeurs pour la préservation culturelle (AFCP). Cette initiative a pour mais de mettre en œuvre un projet intitulé : «Conservation, revitalisation et mise en valeur des textiles dans le centre du Mali : cas de Bandiagara et Djenné». L’objectif global de ce projet est d’utiliser les traditions de conception et de production textiles, ainsi que les nombreuses pratiques culturelles qui leur sont associées, pour promouvoir la cohésion sociale dans ces deux localités.
Le projet a permis d’assurer la sauvegarde des traditions et pratiques liées aux textiles ainsi que le transfert de ces connaissances aux générations futures. La deuxième phase de ce projet a consisté à impliquer environ 30.000 personnes dont la majorité sont des femmes et des jeunes. Selon Moussa Moriba Diakité, chef de la Mission culturelle de Djenné et coordinateur du projet, ces activités permettront de renforcer la cohabitation et la manière dont les populations entretenaient le commerce entre elles, en l’occurrence les peuls et les dogons.
Youssouf DOUMBIA