“Furu” c’est à dire le mariage, est l’histoire de deux jeunes filles célibataires, l’une est forcée par ses parents de se marier car elle tombe enceinte de son petit ami, qui ne peut subvenir à ses besoins et l’autre est harcelée par les jeunes du village à se marier. Tel est le synopsis du film “furu” de Fatou Cissé. Fille du grand cinéaste Souleymane Cissé et de Dounanba Dany Coulibaly, Fatou Cissé, réalisatrice est une femme très battante qui empreinte les pas de son père. Dans une interview que Fatou Cissé nous a accordée, elle nous explique le contenu de son film et les inconvénients du mariage forcé dans notre société.
Selon Fatou Cissé, le film “Furu” est une histoire tirée d’un fait réel. A l’en croire, elle a trouvé nécessaire de mettre en lumière le désarroi et le mal être que les filles subissent encore aujourd’hui dans les villages et dans les villes. “Je voulais faire évoluer mes personnages dans la beauté de la nature sauvage, qui leur permet de s’échapper de cet étouffement de douleurs et d’émotions. C’est pourquoi je commence le film dans la nature avant que nous ne découvrions le village travers cette double histoire et autour du thème du mariage forcé”, a t- elle expliqué. Avant de souligner “qu’elle voulait montrer l’emprise que les parents ont encore sur leurs filles, mais aussi la souffrance qu’endurent des jeunes filles qui subissent à longueur de journée le harcèlement des garçons parce qu’elles ne sont pas mariées. Personnellement j’ai vécu la même situation raison pour laquelle je me suis dit pourquoi pas un long métrage pour sensibiliser”. Malheureusement, précise-t-elle, “certains hommes subissent également la pression de leurs proches qui interviennent dans leur vie conjugale et les forcent à faire ce qu’ils ne veulent pas forcément faire”. Selon elle, au Mali, le lien entre les filles et leur mère est très spécial. “Pour une fille, la mère est le bouclier, c’est elle qui la comprend, qui l’écoute et qui la protège du père quand il y a des soucis dans la famille”, a t- elle indiqué. Ami, l’une de leurs deux héroïnes, dans le film, explique-t-elle, travaille avec sa mère dans leur entreprise familiale de tissus traditionnels typiquement maliens. “Du Bogolan. Ami aime son travail qui lui permet de s’épanouir. Elle n’est pas pressée de se marier car pour elle la vie ne se résume pas au mariage. C’est un peu une rebelle, qui ne se laisse pas abattre par les agressions des garçons dans le quartier. Elle cherche à faire changer la mentalité de sa mère et de sa grand-mère sur le mariage arrangé”, explique le personnage de son film.
“Son père pour protéger l’honneur de la famille et éviter l’humiliation dans le village, va avoir la bonne idée de la marier à son meilleur ami, en proposant à ce dernier de prendre sa fille comme deuxième épouse. Son ami Dra va accepter cette proposition qui lui sera fatale. En voulant faire plaisir à son ami, Dra va mettre sa propre famille en danger”, a expliqué Fatou Cissé. Ce film, selon elle, est une fiction pour mieux appréhender le mal être des jeunes filles, qui n’ont ni choix, ni contrôle sur leur vie.
Malheureusement, le mariage finit en drame social.Tou qui n’éprouvait aucune passion pour son conjoint (l’ami de son père) le tue à la suite d’un différend et fuguera avec son petit copain. Le chef de village convoque ensuite son père et décide de lancer un avis de recherche contre celle qui a commis le maricide (meurtre de son époux) en vue de rendre justice.
L’autre adolescente, Ami, ne s’est plus mariée par mariage forcé. Selon Fatou Cissé la réalisatrice, l’histoire de ce long-métrage de 67 minutes est inspirée d’un fait réel. Le film a été produit par “Les films Cissé” et tourné dans un village malien à quelques kilomètres de Siby. A ses dires l’objectif principal de ce film est de sensibiliser les parents aux conséquences du mariage forcé et d’attirer également l’attention des décideurs sur la nécessité de lutter contre les Violences basées sur le genre. Le film est exclusivement fait avec des acteurs maliens qui sont passés pour la plupart par une école de cinéma ou d’art comme l’actrice principale. Le mariage forcé restitue une triste réalité dans notre pays.
Il faut le rappeler que la génération du cinéma malien est en train de passer le témoin à une jeune génération de cinéastes aussi talentueux comme Fatou Cissé qui a de qui tenir, son père, le célèbre cinéaste Souleymane Cissé.
Il est à noter que l’œuvre de la cinéaste met aussi en valeur nos tenues traditionnelles et la beauté de la nature sauvage dans nos villages.
Aoua Traoré