La salle Canal Olympia de Ouaga 2000 a vibré le dimanche 23 février 2025 lors de la première projection du film documentaire « Fatow » (Les fous), réalisé par le cinéaste malien Fousseyni Maiga. En lice pour l’Etalon d’Or de Yennenga à la 29ᵉ édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), ce cri de cœur pour la culture malienne qui va certainement parler de lui à ce Fespaco, a suscité de vives réactions parmi le public et les spécialistes du 7ᵉ art.
La présence du Ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme du Mali, Mamou Daffé, a souligné l’importance accordée à cette projection.
Coproduit par le Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM), « Arc-en-ciel films » et « Africa stories entertainment », avec le soutien du Fonds Africain pour la Culture (ACF) et du projet « Donko ni Maaya », « Fatow » propose une réflexion profonde sur les enjeux et les perspectives du secteur culturel malien. A travers ce film, Fousseyni Maiga fait du cinéma un outil de sauvegarde du patrimoine culturel et de renforcement de la résilience communautaire.
Mais le réalisateur ne se contente pas d’exposer une réalité : il construit un plaidoyer puissant en faveur d’une revalorisation des politiques culturelles au Mali.
Une mise en scène originale et percutante
Pendant 97 minutes, le film interpelle, questionne et éveille les consciences. Des personnages déguisés en fous et en folles parcourent le documentaire, incarnant une métaphore saisissante de la mémoire collective et du déclin de la culture malienne. Ces figures allégoriques, escaladant les collines, traversant le fleuve, la savane et les dunes de sable, évoluent dans des décors grandioses qui rappellent les heures de gloire du Mali post-indépendance, lorsque la culture rayonnait à travers l’Afrique, l’Europe et l’Amérique latine.
Le réalisateur donne également la parole à des figures emblématiques du monde culturel malien, telles que Magma Gabriel Konaté, Adama Traoré, Mamou Daffé, Massamou welé Diallo, Alioune Ifra Ndiaye, M. Kebé ainsi que le directeur du Musée national du Mali. Tous apparaissent vêtus de tenues traditionnelles, renforçant ainsi le message du film sur l’importance de la culture dans la construction de l’identité nationale.
Un message fort
L’une des grandes forces de « Fatow » réside dans sa capacité à interroger les dirigeants sur la place marginale de la culture dans les politiques publiques actuelles. En retraçant l’engagement du premier président du Mali, Modibo Kéita, qui avait fait de la culture un pilier de son projet de société, le documentaire met en lumière l’érosion progressive de cet héritage.
A travers ce constat, le film lance un appel pressant à une refonte des politiques culturelles pour qu’elles répondent véritablement aux attentes des citoyens maliens. Plus qu’un simple documentaire, « Fatow » est une exhortation vibrante à redonner à la culture malienne sa grandeur d’antan et à la considérer comme un levier essentiel de développement.
Une ovation méritée
A la fin de la projection, le ministre Mamou Daffé a salué la qualité artistique et technique du film, soulignant son rôle essentiel dans la sensibilisation des décideurs et du grand public. L’accueil du public, ponctué d’ovations et de débats passionnés en petits groupes, témoigne de l’impact du documentaire qui, sans nul doute, marquera cette édition du FESPACO.
Avec « Fatow », Fousseyni Maiga signe une œuvre engagée et poignante qui transcende le simple récit documentaire pour devenir un véritable manifeste en faveur de la culture malienne. Le documentaire, d’une qualité technique remarquable, séduit autant par son message que par la finesse de son travail sur le son et la lumière. Pour sa 2e projection, il sera projeté ce mercredi 26 février au Ciné Nerwaya.
Un film qui va certainement parler de lui au soir du 1er mars prochain.
Yaye Astan Cissé
(envoyée spéciale à Ouagadougou)