L’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) a observé une grève de 48h, les 26 et 27 juin 2007, sur toute l’étendue du territoire national. Si les membres au bureau exécutif de l’UNTM se réjouissent de la réussite de leur mouvement, en revanche, la tenue de cette grève a permis de comprendre un certain nombre de faits tant syndicaux que politiques. Les leçons d’une grève qui prouvent, si besoin était, qu’un congrès extraordinaire s’impose à l’UNTM.
L’amateurisme syndical
La récente grève de l’UNTM aura été celle de la violation des règles du jeu syndical. En effet, toutes les écoles syndicales (Paris, Moscou, Sofia, Turin, Washington, Berlin…) s’accordent sur un fait: le sérieux d’un syndicat s’apprécie à travers le contenu de son préavis de grève. Autrement dit, tous les écoles syndicales expliquent qu’un préavis de grève ne doit pas dépasser cinq points. Le syndicat, pour éviter que son partenaire (le gouvernement, par exemple) ne le divertisse pas, priorise ses revendications, en tout cas, celles qui lui tiennent à coeur, et laisse de côté celles qui peuvent attendre.
Mais ce qu’on a constaté, lors de la grève des 26 et 27 juin, c’est que l’UNTM a déposé un préavis de grève de 20 points. Une première dans l’histoire syndicale malienne. En déposant un préavis de grève aussi kilométrique, l’actuel bureau exécutif de l’UNTM a-t-il mis à nu son amateurisme syndical, prouvant ainsi que ses membres sont des apprenants sur le tas, eux qui ne sont issus d’aucune école?
La question a son pesant d’or. En voulant amener le gouvernement à faire valoir sa mauvaise foi par rapport à la résolution des problèmes de la nation, particulièrement les problèmes sociaux, l’UNTM s’est plutôt ridiculisée. Le gouvernement a non seulement réglé 14 des 20 points du préavis, mais aussi et surtout attesté sa disponibilité dans la résolution des problèmes de la nation.
Mais à l’UNTM, pour cacher sa faiblesse et son amateurisme aux militants, on fait croire que le gouvernement n’a fait que régler les petits points en laissant les autres. La centrale syndicale étonne en tenant de tels arguments. Si les points réglés n’étaient pas importants, pourquoi alors les mettre dans le préavis de grève? Autrement dit, l’UNTM aurait s’appesantir sur les points ayant des incidences financières au lieu de déposer un cahier de doléances comme si elle était au sortir d’un 1er mai.
Le désaveu
En plus de l’amateurisme du bureau exécutif, le préavis de grève est un désaveu pour les syndicats nationaux. En effet, traditionnellement, chaque syndicat membre de la centrale syndicale gère ses problèmes avec son département de tutelle. Et l’UNTM était donc le dernier recours. C’est pourquoi, dans le passé, tout syndicat national qui passait directement par l’UNTM pour revendiquer, était purement et simplement éconduit par le bureau exécutif . C’est ce qui expliquait les grèves intempestives des syndicats nationaux. Quand l’UNTM décidait d’aller en grève, la menace était toujours prise au sérieux par le gouvernement. Car, on pouvait compter des années sans entendre le dépôt d’un préavis de grève par l’UNTM.
Aujourd’hui, les choses semblent avoir changé à la Bourse du Travail. La grève est devenue un effet de mode pour l’UNTM. A preuve, de 2002 à 2007, la centrale syndicale est allée en grève trois fois (grève de 48 h en octobre 2003, grève de 24h en septembre 2005 et grève de 48h en juin 2007). Pourtant, pour la même période, rarement un syndicat national n’a observé une grève. Chaque fois que l’un des treize syndicats membres de l’UNTM dépose un préavis de grève, il est, soit suspendu, soit levé après signature d’un protocole d’accord de conciliation sanctionnant des négociations. Ce silence explique-t-il le fait que les syndicaux nationaux n’ont pas de problème?
En déposant un préavis de 20 points, l’UNTM adresse un cinglant désaveu aux treize syndicats membres. Puisque sur ces 20 doléances, 17 appartiennent aux syndicats membres. Les 3 points restants sont relatifs à la situation des compressés, des partants volontaires à la retraite et à la flambée des prix.
A croire donc que ces syndicats nationaux sont dirigés par des responsables syndicalement peu ou pas formés, venus seulement se servir et non servir leurs organisations respectives. Le syndicat deviendrait-il un refuge comme la politique l’est aussi pour d’autres?
On a l’impression que les faveurs et avantages liés à la profession comptent pour eux plus que le souci de l’amélioration des conditions de vie et de travail de leurs mandants. On les entend dire : “le syndicat ne rapporte rien, c’est fatiguant”. Mais lorsqu’on leur demande de démissionner ou de céder la place à d’autres, ils crient au scandale ou au complot. Si on n’y gagne rien, pourquoi veulent-ils rester, en devenant des syndicalistes de carrière? Qui trompent-ils alors?
Sous d’autres cieux, où les militants ont pu s’approprier des textes syndicaux, on s’attend à des remous, après une grève pareille. Et comment comprendre que le bureau exécutif de l’UNTM, qui est l’émanation des syndicats nationaux, fasse preuve de tant d’agressivité dans la défense des intérêts des mandants, alors que lesdits syndicats restent amorphes?
D’ailleurs, les quelques rares grèves observées,en dehors de celles du bureau exécutif de l’UNTM,sont des sections qui sont plus crédibles que les syndicats nationaux. Cela ne remet-il pas en cause la procédure de réélection de certains responsables à la base? De deux choses l’une : soit les militants les plus crédibles se désintéressent de la chose syndicale, soit les anciens en manque de légitimité, procèdent à la magouille, au tripatouillage pour se maintenir au prix d’un hold-up.
L’incomprise UNTM
Une autre leçon à retenir de la récente grève de l’UNTM, c’est la contradiction dans le combat du bureau exécutif. En effet, l’une des luttes d’un syndicat, c’est la sauvegarde des emplois de ses membres. Mais, on constate que le serment est violé par l’UNTM. Et pour cause ! Siaka Diakité et ses camarades demandent au gouvernement de faire baisser les tarifs de téléphone. Ce qui vise les deux opérateurs de téléphone : la Sotelma-Malitel et Orange-Mali. On posant cette revendication, l’UNTM donne l’impression de faire la cour aux clients de ces sociétés qui se plaignent de leurs tarifs. Sur ce point, elle a raison, seront tentés de dire tous ceux qui utilisent le téléphone (fixe et mobile).
Mais la centrale syndicale est incomprise, lorsque, dans le même préavis, elle demande au gouvernement de “faire diligenter le processus de privatisation de la Sotelma…” Or, qui parle de privatisation, parle de perte d’emplois. Dans ce cas, un syndicat qui a ses militants dans une entreprise doit-il demander sa liquidation? L’UNTM aurait pu se contenter de réclamer la baisse du tarif de téléphone et laisser la latitude à son syndicat national dont relève la section syndicale de la Sotelma- de gérer le processus de privatisation de ladite société avec le département de tutelle.
En tout cas, le travail d’un syndicat n’est ni de licencier les travailleurs, ni d’aider le gouvernement à créer les conditions favorables pour les jeter dans la rue. En demandant au gouvernemnet d’accélérer le processus de privatisation de la Sotelma, l’UNTM l’encourage à se débarrasser des agents de cette société.
Vers un congrès extraordinaire?
Au sortir de cette grève, on pourrait assister à une crise de confiance entre le gouvernement et ses partenaires sociaux de la Bourse du travail. L’UNTM a été trop maximaliste en demandant immédiatement la satisfaction de tous les 20 points du préavis. On s’attendait qu’elle accepte d’abord les 14 points réglés et qu’elle continue ensuite les négociations. Mais son attitude viole tous les textes et principes syndicaux.
Face à ce que certains appellent une faute syndicale, des langues se délient. On parle de plus en plus de la nécessité d’un congrès extraordinaire pour choisir des responsables formés. Car, pour d’autres, si on avait, à la tête des 13 syndicaux nationaux, des syndicalistes connaissant les textes, on aurait pu, à défaut de lever le mot d’ordre de grève, le suspendre avec les 14 points satisfaits sur 20. Mais le contraire aurait étonné, puisque le bureau exécutif est formé par des gens dont la plupart fréquentent les différentes formations politiques du Mali, et des ministres qui ne sont pas prêts à partir en cas de remaniement ministériel. Sans compter, la tête de Siaka Diakité est déjà mise à prise. Puisqu’on prépare sa succession. Et les prétendants à son fauteuil sont connus. Ils agissent sans se cacher encore. Chacun est au courant à la Bourse du travail.
Si le secrétaire général a échappé au complot qui consistait, si la grève avortait, à convoquer un conseil central extraordinaire pour le suspendre de ses fonctions jusqu’au prochain congrès ordinaire de l’UNTM prévu en 2011, resisterait-il face aux partisans d’un congrès extraordinaire en préparation?
Oumar SIDIBÉ
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