En l’espace de 5 mois, l’Untm s’apprête à déclencher sa troisième grève générale afin de contraindre les Autorités à satisfaire un certain nombre de ses doléances. Ce débrayage décrété par la centrale syndicale est l’illustration des rapports difficiles entre la Bourse du Travail et les actuelles Autorités du pays.
En effet, la Centrale syndicale a déposé un nouveau préavis de grève pour exiger l’application immédiate desdits Accords. Le traitement diligent des Accords dont les délais ne sont pas arrivés à terme en vue de l’extinction du même Procès-verbal. Pour redémarrer la production dans la Compagnie malienne de Textile (Comatext SA), en arrêt de travail depuis plusieurs mois, l’Untm exige au Gouvernement de transition de prendre en mains, les salaires des travailleurs de cette usine, en chômage technique depuis longtemps pour cause de non-productivité.
Autres exigences de l’Untm ? L’harmonisation du point 11 du Procès-verbal de Conciliation dont l’esprit est d’élargir la prime de judicature aux Greffiers et Secrétaires des Greffes et Parquets est également évoquée.
L’Untm demande également à ce que les 22 travailleurs du Ministère de l’Administration territoriale relevés suite à la grève du 9 novembre au 22 décembre 2020, sous l’effet du Décret pris en Conseil des Ministres du 18 décembre 2020, retournent à leurs postes respectifs. Quant au point d’accord relatif au paiement des salaires et accessoires de salaires des fonctionnaires des collectivités territoriales du cadre de l’Administration générale, conformément aux Procès-verbaux de Conciliation des 23 mai 2017, 24 mai 2018 et 26 juin 2019, l’Untm exige son application immédiate. S’agissant des Accords d’établissement des Agents de Développement Régional (ADR) du Mali, l’Untm demande également son application immédiate.
Par ailleurs, la centrale syndicale souligne que toutes les revendications ayant comme support des accords conclus et signés, excepté le point 5 si les exigences ainsi formulées ne sont pas satisfaites, le Bureau Exécutif engage tous ses démembrements à observer une grève de 96 Heures allant du lundi 17 mai 2021 à 00 heures au vendredi 21 mai à 00 Heures sur toute l’étendue du territoire national.
L’UNTM poursuivra cette grève du lundi 24 mai 2021 à 00 Heures au vendredi 23 mai 2021 à 00 Heures et elle se réserve le droit d’une continuation de la grève à partir du lundi 31 mai 2021 à 00 heures en lui donnant un caractère illimité
Pourquoi maintenant ?
Cependant, des questions se posent sur les « vraies » raisons de Yacouba Katilé à ce bras-de-fer avec les Autorités de la transition. Et pour cause : 2 grèves à moins de 4 mois de la transition. En effet, la centrale syndicale avait observé une grève de 72 Heures, du 18 au 20 novembre 2020, et une de cinq jours, du 14 au 18 décembre 2020.
Finalement, c’est en février 2021, à l’issue des négociations qui ont duré plus d’un mois, les deux parties avaient annoncé avoir conclu un Accord qui satisfait visiblement tout le monde. Le Secrétaire Général de l’Untm, Yacouba Katilé, avait indiqué que sa présence s’explique par sa satisfaction de voir les négociations volontaires réussir. M. Katilé avait reconnu que quelques divergences d’interprétation avaient opposé les parties. Mais, selon ses propres termes, la volonté de les surmonter a prévalu…
Le hic ! Durant les 7 ans du défunt Régime, l’Union nationale des travailleurs du Mali n’a observé que 2 mouvements de grèves. La première sous Moussa Mara en 2014 et une deuxième sous l’ancien Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga en 2019.
Et pourtant, c’est pendant cette même période (Régime IBK) que le front social a connu une agitation sans précédent avec une succession de préavis de grèves et de grèves qui ont touché pratiquement tous les secteurs, notamment la santé, l’éducation de base, l’enseignement supérieur, les magistrats, les surveillants de prison…
Ces grèves et préavis de grève prouvaient la faillite de la principale centrale syndicale, l’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm) à jouer pleinement son rôle de réceptacle aux revendications des travailleurs. C’est pourquoi, chaque syndicat avait décidé de se faire attendre et de prendre en charge ses propres revendications… En clair, chaque syndicat entendait être maitre de son destin et surtout du sort de ses syndiqués face à un Gouvernement et à une centrale syndicale dont les Responsables étaient fortement soupçonnés de faire le jeu du pouvoir en place.
En effet, l’Union nationale des travailleurs du Mali est restée étrangement muette dans la défense des intérêts des travailleurs. Un silence complice qui tranchait avec la colère affichée, à l’époque, par beaucoup d’organisations syndicales qui dénonçaient les nombreux problèmes actuels du monde du travail : doléances non satisfaites, cherté de la vie, mauvaises conditions de travail et de vie, paupérisation, corruption généralisée, détournements, dilapidation des ressources de l’Etat et mauvaise gouvernance.
Trêve ou inféodation au Régime des hauts responsables qui siègent à la Bourse du Travail ? Après le dépôt de 4 préavis de grèves dont 2 ont finalement aboutis et sans l’application réelle des Accords signés entre la centrale syndicale et le Régime en place, le Secrétaire Général de l’Untm, Yacouba Katilé, avait décidé d’observer une trêve avec l’ancien Régime.
Ainsi, M. Katilé affirmait dans une interview ceci : « La trêve pour permettre à l’État de faire face aux exigences de mise en condition des Forces de défense nationale est dans l’intérêt suprême du peuple malien.
Accepter une telle trêve, suppose évidemment une trêve aussi à la violation des droits et des libertés reconnus aux citoyens, dont la liberté syndicale, le droit à un emploi, à une vie matérielle et morale décente.
Elle signifie aussi une trêve aux trains de vie ostentatoires de l’État, d’une catégorie de citoyens et non l’acceptation vile des injustices sociales, des inégalités et discriminations.
C’est donc une trêve générale pour la rédemption du pays, de la Nation si importante pour l’Untm »…
Aujourd’hui, l’évidence est là. En plus de l’insécurité qui gagne l’ensemble du pays, une crise sanitaire, qui frappe de plein fouet l’économie nationale, il urge pour les nouvelles autorités du pays de trouver une solution idoine afin d’éviter (encore) le bouillonnement d’un front social déjà fragile.
Mohamed Sylla