L’union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) a marché, ce 5 mai 2011, à Bamako pour protester contre des atteintes à la liberté syndicale. Un milliers de militants syndicaux ont battu le pavé de la bourse du travail au ministère de la sécurité intérieure et de la protection civile où une déclaration a été remise au ministre par le secrétaire général de l’UNTM.
C’est la polémique autour de l’assurance maladie obligatoire qui a suscité cette tension. L’UNTM a pleinement adhéré à la reforme sanitaire qui est rejetée pour sa part par un syndicat de la police nationale. Des éléments réactionnaires de ce syndicat se sont donc inscrits dans une dynamique de faire plier les voix opposées aux siennes à propos de cette reforme. D’où cette agression dont l’UNTM a été victime, le 1er mai.
Les bons offices du gouvernement n’ont pas pu réduire la détermination du syndicat de protester vigoureusement contre la bavure policière. Le syndicat a tenu sa marche, le 5 mai, à l’issue de laquelle le secrétaire général a remis une déclaration au ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile, le Général Sadio Gassama.
La sécurisation de la marche n’avait pas mobilisé un nombre impressionnant de policiers. Ce sont en revanche, des éléments de la garde nationale qui ont principalement assuré l’encadrement. Les marcheurs ont rallié la bourse du travail au ministère de la sécurité intérieure et de la protection civile sur une distance d’environ deux kilomètres dans un climat très calme. Plusieurs responsables dont le secrétaire général étaient habillés de tenues à l’effigie de l’UNTM. En première ligne de la marche, il y avait un bon nombre des membres du bureau exécutif de la centrale syndicale. Sans banderoles ni pancartes encore moins des slogans, mais l’indignation et la détermination se lisaient sur les visages. «On a frôlé des coups de feu le 1er mai. Mais aujourd’hui, la marche s’est déroulée sans aucun incident », s’exclame un marcheur.
A l’arrivée des marcheurs au ministère, le ministre sorti de son bureau s’est mis à leur écoute avant de recevoir la déclaration de la marche, sans donner immédiatement de réponse.
Tôt le matin, le gouvernement avait dépêché le ministre de la sécurité intérieure et de la protection civile, Sadio Gassama, et celui du Travail et de la Fonction publique, Me Abdoul Wahab Berthé, à la bourse du travail afin de trouver un consensus sur ce problème. Mais la centrale syndicale exige «des sanctions exemplaires» contre les auteurs de ces agissements. Au-delà de la marche, l’UNTM entend déposer, dès ce jour, un préavis de grève générale de 24 heures pour protester contre cet incident qu’elle qualifie d’«actes très répréhensibles».
Selon le Secrétaire général de l’UNTM, c’est un groupe de policiers déchainés qui s’est attaqué au siège du syndicat occasionnant des dégâts matériels, battant certains des responsables et mettant nues deux jeunes filles qui avaient du mal à cacher leur intimité. Ces porteurs d’uniformes se sont, par la suite, glissés dans le défilé pour apostropher les officiels installés à la tribune de la cérémonie. Mieux, ils se sont jetés dans le défilé pour déchirer ou casser les banderoles et pancartes qu’ils arrachaient des mains de leurs porteurs.
Tout ceci s’est passé sous le regard de plusieurs ministres et personnalités présents à la cérémonie de la fête du travail. «Nous, nous avons évité le piège. Ce 1er mai pouvait dégénérer en holocauste, en deuil national», avise le syndicat dans sa déclaration. A cet effet, l’UNTM estime être fondée à croire que «notre République est gravement menacée» et la «démocratie désormais fragilisée».
Seydou Coulibaly
%%%%%%%
Déclaration lue par le Secrétaire général de l’UNTM Siaka Diakité et remise au Ministre de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile, Sadio Gassama
Monsieur le Ministre,
Nous avons fêté le 1er Mai 2011 dans la ferveur, mais avons éprouvé une douleur indicible.
Un groupe de policiers déchaîné s’est attaqué à notre siège occasionnant des dégâts matériels, battant certains de nos responsables et mettant nues deux jeunes filles qui avaient du mal à cacher leur intimité sous les lambeaux de vêtements qui leur retombaient sous les pieds, en présence de leur mère éplorée, elle-même élève commissaire.
Après cette forfaiture, le groupe de policiers s’est glissé dans le défilé pour apostropher les officiels installés à la tribune.
Il s’est ensuite jeté sur le défilé déchirant ou cassant les banderoles et pancartes arrachées des mains de ceux et de celles qui les portaient.
L’un de nos collègues qui appelait au calme nos adhérents a été lui-même battu et ses vêtements réduits en chiffons.
Comment des policiers qui au terme de leur formation ont été conduits devant le drapeau et ont juré de défendre la République et de maintenir l’ordre public en sont devenus ses fossoyeurs?
Comment le service d’ordre requis pour la circonstance s’en est fait le complice?
Comment les renforts demandés par le Ministre de tutelle au Directeur Général de la Police Nationale sont venus sur les lieux avec un ticket pour suivre le spectacle hideux et calamiteux auxquels certains de ses membres se sont livrés ?
N’est-on pas en droit de croire que notre République est gravement menacée et que notre état de démocratie est désormais fragilisé ?
Comment expliquer que ceux qui, revêtus de l’uniforme et des insignes que la République leur a offerts, aient pu, après le Cinquantenaire du Mali et sur l’esplanade du 1er Mai, défier le Mali en communion avec les travailleurs du monde entier et à un moment historique, où nous sommes en face de grands enjeux géopolitiques et géostratégiques ?
Comment ne pas nous interroger si un dessein machiavélique n’est pas ourdi pour créer quelque confusion à laquelle se mêlerait un coup de semonce dont l’objectif avéré consisterait à conduire notre République dans une nouvelle grave crise institutionnelle?
Nous, nous avons évité le piège. Ce 1er Mai pouvait dégénérer en holocauste, en deuil national.
Nous avons évité que le sang des Maliens un jour de fête abreuve le Boulevard de l’Indépendance et les noms de nos martyrs gravés sur le marbre au pied du monument qui les a immortalisés pour l’œuvre qu’ils ont accomplie.
Nous l’avons fait pour l’histoire
Le spectacle s’est déroulé sous le regard médusé de neuf Ministres de la République.
Au regard des actes très répréhensibles des porteurs d’uniforme, nous exigeons que des sanctions exemplaires soient prises à l’encontre de ces fonctionnaires de police qui n’honorent pas le corps.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de notre considération très distinguée.
Pour le Bureau Exécutif
Le Secrétaire Général
Siaka Diakité
Chevalier de l’Ordre National