Avant le conflit judiciaire qui a plombé le Patronat, on savait que ce dernier, grâce à l’entremise de son président Mamadou Sinsy Coulibaly, avait développé une dynamique de médiation, menée à coup de maîtres, pour apaiser les conflits sociaux. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : un patronat, affaibli par un bicéphalisme rampant à sa tête, n’est plus à même de peser sur les conflits sociaux, de plus en plus violents, menaçant le fragile équilibre social dans le pays.
Depuis que la crise judiciaire couve au sein du patronat, affaibli par une longue et périlleuse querelle de leadership, rien n’est plus comme avant, en matière de négociation syndicale. Habitué à jouer l’interface dynamique et efficace entre les différents protagonistes des conflits sociaux, le Cnpm, sous l’égide d’un Mamadou Sinsy Coulibaly, combatif et entreprenant, parvenait toujours à tirer son épingle du jeu en créant les conditions favorables à l’accord minimum entre les acteurs sociaux.
C’est ainsi qu’il se trouvait au cœur de la mêlée dès qu’il s’agissait de la cause économique et des moyens de sa mise en valeur. Avec le Cnpm, c’était cela où on voyait les négociations s’ouvrirent avec les différents segments de la vie économique, y compris les milieux des travailleurs, pour tenter de trouver l’entente parfaite susceptible d’apaiser le front social. Au-delà de l’équipe, c’était le président du Cnpm lui-même, Mamadou Sinsy Coulibaly, qui montait au créneau pour apporter la caution du Patronat, cette organisation syndicale patronale, dans l’apaisement du front social, gage d’une parfaite compétitivité économique.
Dans certains milieux économiques, on estime clairement que si la première vague de la grève de l’Untm a autant perturbé les activités économiques pendant le mois de décembre dernier, c’est bien parce que le Cnpm, habitué à jouer cet interface dynamique dans les négociations corporatistes, était déjà grippé par cette procédure judiciaire interminable qui lui a été imposé de subir suite au désir du front dissident, conduit par Amadou Sankaré dit Diadié, de s’autoproclamer à la présidence de cet organisme, jadis respectueux et efficace, suite à une parodie d’élections, totalement organisées en pleine rue.
Déjà, à cette époque, le Cnpm était fragilisé par ce combat de chiffonniers à l’intérieur, l’empêchant, comme il en était habitué, au grand dam des intérêts économiques du pays, de s’impliquer résolument dans la crise syndicale pour trouver une juste approche, permettant aux deux parties de s’accorder sur l’essentiel. La suite on la connait : l’Untm mettra en exécution sa menace de grève, à moins de trois mois seulement du démarrage effectif de la transition, causant en son temps de lourdes pertes financières et économiques au pays.
On le voit bien, la Transition, en optant pour l’indifférence face à la crise du Patronat, certains d’ailleurs, pour la bonne cause, parleront de l’interférence politique dans ce dossier (le Cnpm par son poids social et politique était devenu un véritable contrepoint à l’Etat), s’est fait mal à elle-même, en définitive.
Et pour cause ? Elle aurait pu avoir en face d’elle aujourd’hui, en ce temps de crise sociale aiguë avec l’Untm, un allié de taille, comme le Patronat, fort de ses initiatives de dialogue et son expérience de négociation corporatiste, capable de trouver avec la centrale syndicale, à défaut de trouver une solution définitive, un moratoire conséquent pour la mise en application de tous les points qui fâchent.
Le Patronat, dans le temps, avant qu’il ne soit affaibli par cette crise artificielle, a montré, dans bien de circonstances pareilles, où le front social était en ébullition, qu’il en était capable. Ce n’est pas une fatalité pour lui de parvenir, chaque fois que cela était nécessaire, d’apaiser la tension dans le milieu des travailleurs. Le Patronat avec Mamadou Sinsy Coulibaly, avec méthode et responsabilité, s’y était employé parce qu’il en avait été convaincu que seule l’accalmie au front social était source d’épanouissement ou de vitalité économique dans le pays.
Hélas ! Qu’on n’a pas songé à le perpétuer, avec la transition qui n’a pas joué beau rôle, dans ce sens, voilà aujourd’hui qu’on en est à regretter une telle époque.
Oumar KONATE