La première centrale syndicale du Mali, l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) a observé une grève de 48 heures, du mardi à mercredi. C’était suite à l’échec des négociations Gouvernement-UNTM sur les 20 points de revendications de la centrale syndicale. Ce débrayage, largement suivi par les travailleurs des syndicats affiliés à l’UNTM était-il opportun en ce moment précis ?
Les avis sont partagés. Pour les uns, le contexte ne s’y prête pas, dans la mesure où il n’existe pas de véritable gouvernement. L’actuel ne peut pas s’engager à satisfaire les doléances de l’UNTM. La centrale devait attendre la formation d’un nouveau gouvernement qui sera formé très probablement après les législatives. Ils estiment que le fait de déposer un préavis en pleine période électorale est une sorte de chantage qui ne dit pas son nom.
Certains, tout en reconnaissant que le rôle du syndicat est de défendre les travailleurs et leurs intérêts par tous les moyens légaux, pensent que les responsables de l’UNTM ont manqué de tact. « Ils auraient dû mieux préparer cette action en associant la CSTM et les autres syndicats autonomes pour élargir le panel de discussion et l’Etat serait dans l’obligation de les écouter. Les négociations allaient porter fruit pour les travailleurs dans leur ensemble. Tout le Mali étant intéressé par la baisse des prix des produits de première nécessité, je ne vois pas de structure qui n’allait pas prêter une oreille attentive au cri de cœur de l’UNTM. C’est dommage que ce débrayage se soit passé dans l’indifférence des populations.
La crédibilité de tous les travailleurs Mali était en jeu, » déplore, Boulkasoumou Traoré, économiste. Pour Oumar Maïga, l’UNTM a été trop maximaliste en demandant la satisfaction de tous les 20 points immédiatement. « Elle devait accepter les acquis et continuer les négociations. Je me demande qu’est-ce qui a motivé l’UNTM a inscrire des points tels que : faire publier le bilan de la privatisations ; faire renforcer les mandats des responsables syndicaux en les protégeant contre certains abus (Transrail, Somapil, Graphique Industrie, Betram-Sa, Metal Soudan) ; accorder une subvention conséquente à l’UNTM ; diligenter les processus de privatisation de la Sotelma ; revoir les politiques d’ajustement structurel en vue de leur adaptation réelle aux besoins du pays ; relire le décret instituant le service minimum en cas de grève, élaborer au niveau tripartite un chronogramme de mise en œuvre de l’Agenda du Travail Décent, dans son cahier de revendication ?
Le travail d’un syndicat n’est pas de licencier les travailleurs ni aider le gouvernement à créer les conditions favorables pour les mettre dans la rue. L’UNTM en demandant au gouvernement d’accélérer le processus de privatisation de la Sotelma l’encourage à jeter les agents de cette société dans la rue. Si j’étais Siaka Diakité, j’allais m’opposer contre la privatisation de la Sotelma. Quand il demande de revoir les conditions de la privatisation de la CMDT cela est un peu acceptable. Mais son travail c’est de sauvegarder l’emploi de ses militants. Les syndicalistes demandent la protection de leurs camarades, en la forme ça pêche. Ce qu’il oublie, c’est une loi qui régit les fonctionnaires. Il devait se battre pour obtenir le principe d’une relecture de la loi et non écrire « renforcer les mandats des responsables syndicaux.
En réalité l’UNTM s’est précipitée à déposer son préavis après la présidentielle pour peut être se faire voir ou faire chanter le gouvernement. On constate que le texte a été mal ficelé » a conclu notre interlocuteur.Un jeune technicien des bâtiments, Abou Diallo, n’arrive pas à digérer le comportement des dirigeants de la centrale syndicale. « C’est le même phénomène, les responsables de l’UNTM ne cherchent que émerveiller les travailleurs. Ce n’est pas nouveau, on est habitué à cette aventure. Peut être ils cherchent quelques choses. L’équipe du Premier ministre ne peut pas satisfaire l’UNTM et n’a le pouvoir nécessaire. Tout le peuple malien aspire à une vie meilleure. Mais le temps ne sied pas aujourd’hui, faute de partenaire légitime. Même si l’UNTM trouvait satisfaction à 100%, le gouvernement qui viendra peut remettre en cause ses acquis qui ne l’engagent pas forcement.
Ce gouvernement est mal placé. La preuve pourquoi, l’UNTM demande encore le paiement des arriérés de salaire et autres indemnités des partants volontaires à la retraite ? Parce que les gouvernements successifs ne se sont pas sentis engagés par les accords signés depuis belle lurette », a insisté notre jeune technicien en bâtiment. Selon les partisans de la grève, le moment choisi correspond mieux à faire fléchir le gouvernement. « Vous ne voyez pas comment les prix des denrées de première nécessité grimpent ? Avec cette action, les autorités comprendront le ras-le-bol des populations. Pourquoi certains n’ont pas suivi le mouvement ?
La ville était animée. Et pourtant la grève devait concerner tous les citoyens », fustige une dame.Le gouvernement a le devoir de revoir sa politique des prix, soulignera Gaoussou Coulibaly, un enseignant, avant d’ajouter : « La grève de l’UNTM est un avertissement. Mais est-ce que le gouvernement a compris. Tout le peuple se plaint de la haute vertigineuse des prix. Malheureusement personne ne veut prendre le devant de la scène.
Ce pas vient d’être franchi par Siaka Diakité et ses camarades. Je déplore le contexte choisi, avec la période électorale, il n’y a pas beaucoup d’effet, dans la mesure où tous les politiques sont préoccupés par les législatives du 1er juillet prochain ».Siaka casseur de grève ?L’un des points de revendication de l’UNTM est la relecture du décret instituant le service minimum en cas de grève. On se rappelle que cette disposition avait été introduite par le régime de GMT (Général Moussa Traoré) sous la 2ème République. Elle visait à casser les grèves de l’unique centrale d’alors. Dix sept ans après, ce décret existe.
Malgré son illégalité constatée par le BIT, pourquoi l’UNTM réclame aujourd’hui sa relecture à la veille d’une grève? A travers la lettre que son Secrétaire général, Siaka Diakité a envoyée au Ministre de la Fonction Publique, de la Réforme de l’Etat et des relations avec les Institutions, la première centrale syndicale donne raison au gouvernement malien. En effet, Siaka Diakité rappelle : « Nous n’avons pas eu la chance de nous mettre d’accord à l’issue des négociations UNTM-Gouvernement-CNPM que nous avons conduites à leur terme le vendredi 22 juin 2007. C’est un épisode critique qui va sans doute nous inspirer ultérieurement.
Par ailleurs en cas de grève, un service minimum est toujours mis en application. Il nous revient que le Gouvernement veut mettre en application le Décret N° 90-562/P-RM du 22 Décembre 1990, que nous avons contesté et soumis à l’arbitrage du BIT. Malgré l’engagement du Gouvernement à relire son décret, nous sommes toujours au statut quo ante, après 17 ans.La convention 87 de l’OIT engage le Mali qui l’a ratifiée. Les conventions, les traités et les accords internationaux sont au-dessus de la législation nationale, dès lors qu’ils sont ratifiés par les pays. C’est pourquoi nous appelons nos militants et militantes à observer le service minimum prescrit par le comité d’experts de la liberté syndicale qui a listé les services essentiels aux secteurs suivants : le secteur hospitalier ; les services d’électricité, les services d’approvisionnement en eau ; les services téléphoniques et le contrôle du trafic aérien. Les fonctionnaires qui occupent des fonctions d’autorités aussi y sont astreints. »
On constate ici que Siaka Diakité est d’accord l’application du décret N°90-562 quand il affirme que : « Les fonctionnaires qui occupent des fonctions d’autorités aussi y sont astreints » En clair tous les travailleurs qui occupent une portion de pouvoir (du premier responsable de service aux chefs de sections) devraient être au service durant les 2 jours de grève. Si toutes ces personnes se rendaient au travail, au moins leur secrétaire les assistera obligatoirement. Mieux si le gouvernement avait exigé l’application du contenu de la lettre de Siaka, l’UNTM allait crier à la violation de la loi.
Dans le jargon syndical, on dit que le secrétaire général de l’UNTM a créé ainsi les conditions nécessaires pour casser la grève sans pour autant le savoir. Il pouvait se limiter seulement aux secteurs énumérés. « Toutefois, les grévistes doivent prendre toutes mesures préventives pour la préservation des biens et des matériels des services publics et des entreprises. Ainsi, aurions-nous sans doute contribué à assurer le minimum de sécurité requis pendant la grève.
Comptant sur votre disponibilité habituelle, nous vous prions d’agréer, M. le Ministre, l’expression de notre considération distinguée», souligne, la première centrale syndicale. L’ampliation de la lettre datée du lundi est faite au premier Ministre, au Président du Conseil national du patronat du Mali, au BIT (Dakar), à l’OUSA, au CSI et à toutes les structures de l’UNTM pour information.
Birama Touré
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