Pour protester contre certaines dispositions de la loi N°2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite, le Syndicat National des Travailleurs d’Etat (SYNTADE) a appelé ses membres à observer une grève de 72 heures à partir du mercredi 25 octobre. Dans la matinée du vendredi 27 octobre, nous avons fait un tour aux lieux suivants : la mairie du district de Bamako, le siège de l’UNTM, la Direction Générale des Impôts(DGI), la Direction Générale des Douanes(DGD) pour faire l’état des lieux. Le constat général laisse apparaître que le mot d’ordre a été suivi avec succès.
Comme une grève générale, l’administration malienne était plongée durant ces trois jours dans un silence de cimetière. Dans tous les services sillonnés par nos reporters, le constat a été le même. A part quelques agents chargés d’assurer le service minimum, les traditionnels occupants des lieux (fonctionnaires) étaient aux abonnés absents. A l’entrée de chaque structure on pouvait voir l’affichage de l’avis de grève.
Vendredi 27 octobre, 09h 30 mn, à la mairie du District de Bamako, le parking principal est désespérément vide. Quelques agents de la brigade urbaine, sous l’arbre, ne jettent aucun regard sur le visiteur. On pouvait parcourir seul la longue véranda, emprunter l’escalier qui mène au bureau du maire principal sans être interpelé ni rencontrer un moindre usager ou apercevoir le personnel à travers leurs fenêtres qui étaient toutes fermées. Les seuls bureaux ouverts étaient ceux du secrétariat général et du Maire qui assuraient le service minimum. De même que certains agents de la direction régionale du budget et des finances. Ceux-ci par contre n’ont pas voulu répondre à nos questions sur l’effet de l’observation de la grève, sur le mode de fonctionnement encore moins le manque à gagner qu’aura occasionné ces trois jours d’inactivité de la division recettes.
En effet si les cadres ont préféré se méfier de notre micro, un facilitateur d’acquisition de la vignette (« coxaire »), sous l’anonymat, a bien voulu nous donner ses impressions. L’homme était sous un grand manguier dans la cour de la mairie au flanc droit à prendre calmement son thé avec se autres collègues. Agé de 45ans, il se dira un vrai connaisseur de la mairie du District puis qu’ayant commencé à y travailler depuis 1996. Selon lui, durant ces trois jours la mairie aura enregistré un gros manque à gagner financier. Abordant son business personnel, notamment la facilitation d’accès à la vignette, il dira avoir accusé une grosse perte, le prix de condiments de trois jours pour sa famille. « Mais je ne peux pas comparer ma perte ainsi que celle de mes collègues à celle de la mairie. Parce que, poursuit-il, malgré le tarif double de la vignette, les usagers étaient présents chaque jour pour s’en procurer. Je pense que cette grève va jouer négativement sur la caisse de la mairie » a-t-il confié.
Après la mairie, cap sur la Bourse du Travail, près du boulevard de l’Indépendance où siège le SYNTADE avec l’UNTM. Même si la cour et la devanture de ce lieu des grands événements, n’ont rien perdu de leur ambiance quotidienne, dans les bureaux on ne trouvait point d’interlocuteurs pour s’entretenir sur le suivi du mot d’ordre.
Après la Bourse du Travail, nous sommes rendus à l’ACI 2000, au niveau de la zone où se côtoient les bâtiments de la Direction Générale de la Police Nationale, la Direction Générale des Impôts, celle de la Comptabilité Publique et du Trésor. Contrairement aux autres jours l’atmosphère était lourde, moins d’attroupement au niveau des services des passeports et peu de voitures devant la Direction Générale des Impôts. Dans la cour de la DGI, il n’y avait que le vigile et quelques chauffeurs assis et sereins autour de leur thé au flanc gauche sous l’ombre du mur.
Traversant le seuil de la porte du bâtiment on se croyait dans un cimetière. Ce service connu pour la grande affluence des usagers était bien méconnaissable ce jour. Escaladant les escaliers, dans un bureau, nous n’avons trouvé sur place que la secrétaire particulière du DG pratiquement ennuyée dans son bureau. Elle était en service avec la chargée de communication et quelques collègues.
Ensuite nous nous sommes rendus à la direction générale des Douanes située à Faladié non loin de la Tour d’Afrique. Là-bas aussi c’était le même constat, le désert total. A partir de l’entrée de la rue menant à la route de Ségou, jusqu’au tournant du bureau des Enquêtes c’était le vide. Au bureau des entrées, on nous a gentiment refusé l’accès aux locaux. Cependant il faut signaler que le Directeur général et son staff ont bien assuré le service minimum.
En somme, de l’analyse de la situation on peut déduire que le Syntade a gagné son pari. Car son mot d’ordre a été suivi avec succès par tous les travailleurs des services publics. Cependant, force est de le reconnaître, cette grève aura un coût fâcheux sur l’économie du pays, au regard du grand manque à gagner pour les caisses de l’Etat.
Il est important donc que les protagonistes trouvent un terrain d’entente afin d’éviter de tomber dans le pire des cas notamment la paralysie !
A noter que le SYNTADE, en cas de non satisfaction, entend relancer la grève pour une durée de 5 jours allant cette fois-ci du lundi 6 au vendredi 10 novembre. Croisons donc les bras pour attendre la suite.
Par Moïse Keïta