Le non respect par l’Etat des engagements qu’il prend, la situation des enseignants contractuels, l’enseignement privé considéré comme résiduel par les autorités de la Républiques, le travail décent, les élections professionnelles non encore organisées, les hypothèques inutiles sur les échéances politiques de 2012 : la Cstm a tout pointé en mettant le gouvernement face à ses responsabilités.
« Nous demandons avec insistance la suspension du projet de réforme constitutionnelle pour qu’il ne serve pas d’alibi au retard de l’élaboration du fichier électoral et de la non tenue des élections politiques aux dates constitutionnelles.» C’est par cette revendication politique majeure que le secrétaire général de la Confédération Syndicale des Travailleurs du Mali (Cstm), Hammadoun Amion Guindo, a conclu sa traditionnelle allocution à l’occasion de la célébration de la fête du travail qui a lieu chaque année le 1er mai. C’était sur la Promenade des Angevins à Bagadadji, en plein cœur du vieux Bamako, qui servait ainsi, pour la neuvième fois consécutive, depuis 2002, de cadre aux festivités organisées par la deuxième centrale syndicale de notre pays. L’évènement, qui a vu défiler tour à tour le comité exécutif national de la Cstm, son comité confédéral des femmes travailleuses, son comité des jeunes travailleurs, la Coordination des syndicats de l’enseignement secondaire (Coses), le Syndicat libre des travailleurs des Affaires étrangères, le Groupement des intérêts économiques (Gie) ainsi que treize fédérations nationales de syndicats affiliés, a été tout simplement des plus grandioses. Davantage grandiose par la présence de dix huit ministres, en comptant le ministre de l’environnement et de l’assainissement empêché dont l’intérim était assuré par son homologue de l’agriculture qui a donc présidé la cérémonie.
Rappelant la pression syndicale qui a permis, il y a 125 ans, à environ 200.000 travailleurs américains d’obtenir la journée de travail de huit heures, Hammadoun Amion Guindo a dit que le souvenir de cette dynamique a amené les pouvoirs politiques internationaux, quelques années plus tard, à instituer le 1er mai comme la Fête internationale du travail. Occasion donc de noter, au nom de millions de femmes et d’hommes qui constituent aujourd’hui l’ossature du monde syndical, un constat majeur : les relations de travail et le partenariat social sont aujourd’hui foulés au pied face à l’usage injuste que les pouvoirs publics et les autorités politiques en font. Ce qui annonce la pertinence du thème sous lequel la Cstm a placé la commémoration du 1er mai de cette année, à savoir : « Pacte national pour l’emploi : défis du Travail décent face à l’emploi des jeunes et des femmes dans l’économie informelle. » Une thématique, a assuré M. Guindo, dont le choix n’est nullement fortuit. Il traduit, face à la crise planétaire de l’emploi, toute la foi et la détermination de la Cstm à aller résolument vers la mise en œuvre des quatre piliers du travail décent : le respect des principes et droits fondamentaux au travail, la création d’emplois, la protection sociale et le dialogue social, voire le tripartisme, gages incontournables d’une efficience politique nationale de l’emploi.
M. Guindo attirera donc l’attention des travailleurs et des autorités sur le fait que, face à la problématique de la crise mondiale de l’emploi qui est fortement le socle de l’aggravation de la pauvreté, en prélude au sommet du G8, une consultation tripartite avait eu lieu et l’accent avait été mis sur le renforcement du dialogue social devant la hausse du taux de chômage. Alors, lors du sommet, la déclaration syndicale qui demandait de placer l’emploi et l’équité au cœur de la relance, expose les recommandations des syndicats dans les cinq domaines suivants : les emplois et les revenus, la réforme du système financier, des finances publiques et de la fiscalité, la gouvernance mondiale, le développement et, enfin, le changement climatique.
C’est donc devant la complexité et la gravité de l’incidence de la crise sur l’emploi que l’Oit (Organisation internationale du travail), au terme de sa 98ème session tenue en juin 2009, a adopté un Pacte mondial pour l’emploi visant à créer des emplois, à protéger les travailleurs et à stimuler la reprise économique face à la montée du chômage, la pauvreté et les inégalités à l’échelle mondiale. Ce Pacte mondial, plus qu’une réponse rapide et complète à la crise économique, invite les gouvernements, les organisations de travailleurs ainsi que les employeurs à plus de coopération pour affronter ensemble le phénomène de la crise de l’emploi. En plus, il encourage les mesures portant à maintenir les travailleurs dans leurs emplois, à soutenir les entreprises, à accélérer la création d’emplois et la reprise du marché du travail en lien étroit avec les mécanismes de protection sociale en y intégrant les questions d’égalité de sexes.
A cet effet, la Cstm, à l’analyse de toute la politique propagandiste qui est en cours depuis une décennie au Mali, tient à dire au gouvernement et aux hautes autorités que les travailleurs sont fatigués de vivre dans des mirages qui ne créent point d’emplois. Elle estime davantage qu’à un moment où l’économie informelle est en train d’enregistrer un essor extraordinaire et que la crise de l’emploi frappe de plein fouet les femmes et les jeunes, l’alternative la plus crédible aujourd’hui veut que notre pays s’engage résolument dans la mise en œuvre du Pacte mondial pour l’emploi sur la base de l’élaboration et de la mise en route d’un véritable Pacte national pour l’emploi afin de réduire significativement la crise de l’emploi au Mali. Une perspective que la Cstm envisage du reste sans aucune exclusion.
La centrale syndicale que dirige Hammadoun Amion Guindo réaffirme sa philosophie de lutte qui n’est rien d’autre que la réponse pratique, voire conséquente au plan syndical et en temps réel à toutes les attitudes de mépris, de discrimination et surtout de bradage des droits légitimes des travailleuses et des travailleurs. Ce combat syndical contre l’injustice à tout point de vue, assure à tous la Cstm, prendra le temps qu’il faut, mais il sera mené à bon port par des actions concertées et continues de dénonciation des violations des droits par les autorités et pouvoirs publics. Il le sera aussi à travers un positionnement syndical constant au regard des défis et problématiques actuels qu’il est impératif de lever. Dans cette lutte résolue et constante, la Cstm sera au coude à coude avec toutes les forces vives et sociales éprises d’équité, de paix et de justice sociale dans notre pays, avec leur adhésion et leur accompagnement conscients.
Au chapitre des dénonciations, la Cstm pointe le non respect par l’Etat des engagements qu’il a pris. Ainsi, il y a juste trois ans, dans un effervescent contexte national et international de crise alimentaire, de cherté de la vie, de pauvreté exacerbée aggravée par la crise planétaire de l’emploi que le 1er mai 2009 a été commémoré. A cette occasion, la Cstm avait attiré l’attention des autorités sur le manque total de transparence, d’initiatives et de non respect par les gouvernements et les pouvoirs publics du Mali par rapport aux engagements qu’ils ont pris dans le cadre des accords signés avec les partenaires sociaux , notamment les syndicats. Mieux, la Cstm a rappelé les engagements pris dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises et le travail décent face au renouveau de l’action publique de l’Etat. La centrale pensait alors qu’elle avait à faire à des décideurs à hauteur de responsabilité. Malheureusement, force est de constater aujourd’hui que les résultats, s’il y a résultats, sont très en deçà des attentes. Preuve : les chefs d’entreprise ont, ces derniers temps, décidé de suivre les pouvoirs publics pour ne plus respecter aussi leurs engagements. Cette violation des engagements demeure la source de la presque totalité de tous les conflits de travail au Mali.
Quant à l’Assurance Maladie Obligatoire (Amo), l’affaire qui fâche le plus de nos jours,la Cstm dit qu’elle est au cœur de la discorde entre elle, les syndicats qui se sont joints à elle, tels la Coses, le Syndicat libre des travailleurs des Affaires étrangères (Sylcae), la section nationale de la police affiliée à l’Untm, entre autres, et le gouvernement de la République. Hammadoun Amion Guindo a vite dénoncer toutes sortes d’intoxication de l’opinion publique visant à ternir l’image et la crédibilité du combat de sa centrale pour barrer la route au vol organisé qu’est aujourd’hui l’Amo telle que le gouvernement a décidé de la mettre en route à travers la Canam (pour ses justifications, voir l’article de Boubèye Maïga) dont la mise en place a relevé d’une procédure hâtive et précipitée, qui ne donne aucune assurance aux prétendus bénéficiaires. Surtout quand on sait que cette structure a déjà gaspillé plus d’un milliard de francs Cfa dès le premier mois de son existence.
Par rapport à l’intégration des enseignants contractuels dans la Fonction publique de l’Etat, la Cstm soutient qu’elle demeure une des pierres d’achoppement entre elle et les pouvoirs publics. Ce problème social a perturbé, durant des années, la quiétude des populations laborieuses de notre pays, se manifestant par des arrêts de travail qui, à certains moments, ont hypothéqué la bonne formation des générations futures. Le Forum sur l’éducation de septembre 2008, cadre d’expression du plus grand nombre des partenaires sociaux de l’école, avait donné espoir, à travers ses recommandations, en faveur de l’intégration du personnel enseignant contractuel. Mais, comme si le dialogue social était un vain mot, les autorités ont, contre toute attente, opté pour une intégration des enseignants à deux niveaux, à savoir la Fonction publique de l’Etat pour certains et celle des collectivités pour les autres. Le constat, à présent, est amer. La question est récurrente en ce qui concerne le retard de salaire au niveau de la Fonction publique des collectivités. Quant à la gestion correcte de la carrière des enseignants dans cette situation, de sérieux doutes existent. Pourtant, l’enseignement un devoir régalien de l’Etat. Pour cette raison, la Cstm lui demande de ne pas considérer comme résiduel le rôle de l’enseignement privé puisqu’à ce niveau, autant les infrastructures que le personnel sont dans des conditions peu enviables.
La Cstm réclame aussi la tenue des élections professionnelles dont elle a fait son cheval de bataille. Celles-ci, il faut le souligner, font partie des points essentiels de son cahier de doléances de 2004 et 2007 aux fins de régler la brûlante question de représentation et de représentativité syndicales. Or, force est de constater que bien que la loi n° 92-020 du 23 septembre 1992 (Code du travail) prévoit que le gouvernement doit organiser les élections professionnelles pour déterminer le pourcentage de représentativité de chaque centrale syndicale, la tenue desdites élections n’est toujours pas organisée par l’Etat.
Au plan politique et de la maturation démocratique, la Confédération Syndicale des Travailleurs du Mali tient absolument à la tenue des élections politiques véritablement libres et transparentes, et aux échéances constitutionnelles pour prouver à la face du monde que la petite expérience d’une vingtaine d’années de pratique démocratique a permis au peuple malien d’être un modèle en matière de démocratie. La centrale ne pense pas qu’une révision constitutionnelle soit aujourd’hui une priorité. Elle croit sincèrement, et demande en conséquence, qu’il faille en laisser le soin aux prochaines autorités bénéficiant de plus de légitimité et de confiance d’engager le débat et le processus de cette révision si encore elle était jugée opportune. « Nous demandons avec insistance la suspension du projet de réforme constitutionnelle pour qu’il ne serve pas d’alibi au retard de l’élaboration du fichier électoral et de la non tenue des élections politiques aux dates constitutionnelles. », a conclu Hammadoun Amion Guindo.
Housseyni Barry