Ebullition du front social : Le Syntade aussi se lance dans la bataille

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Le syndicat des travailleurs de l'Administration d'Etat (Syntade)
Le syndicat des travailleurs de l'Administration d'Etat (photo archives Syntade)

Décidément la surchauffe sur le front social n’est pas prête de s’estomper. Après la suspension du mot d’ordre de grève du syndicat national de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SNESUP) la semaine dernière, c’est au tour du Syndicat national de l’administration d’état (SYNTADE) de prendre la relève. Celui-ci a décidé un arrêt de travail de 72 heures, à compter de demain mercredi, 25 octobre 2017 à partir de minuit GMT. Hier le préavis, faisant office de communiqué appelant à cette interruption de travail a été ventilé au niveau de toutes les Administrations publiques.

Yacouba Katilé et ses camarades entendent montrer leurs biceps au gouvernement qui ne veut pas céder à leur revendication relative à l’abrogation pure et simple de la loi n°2014-015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite en République du Mali. Depuis l’installation de l’Office central de lutte contre le phénomène de l’enrichissement illicite, les syndicalistes n’ont pas attendu longtemps pour rejeter la benjamine des structures de contrôle au Mali avec son eau de bain. Ils reprochent à celui-ci le caractère violeur de la vie privée des agents publics.

Il ressort du préavis que toutes les tentatives de conciliation ont été vaines. Dans le but de calmer le jeu, le Premier ministre, Abdoulaye Idrissa Maïga, s’est employé personnellement dans la recherche des solutions. C’est dans ce cadre qu’il a rencontré les syndicalistes en juillet dernier. Mais, il s’est buté au niet catégorique de Katilé et ses camarades sur la question. Or, le gouvernement n’entend pas se dédire sur ce dossier brulant. Il faut rappeler que cette loi remonte à l’année de braise pour le régime d’Ibrahim Boubacar Kéïta, qui a été très fortement secoué en 2014 par la série de scandales financiers qui lui a été reprochée par les partenaires techniques et financiers, notamment le Fonds monétaire internationale et la Banque mondiale, qui avaient menacé en son temps de couper le cordon de la bourse. Pour dégonfler les biceps de ces institutions financières, le gouvernement d’alors dirigé par l’expert-comptable Moussa Mara, ne s’était pas embarrassé à dépoussiérer l’ex-Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite au Mali, probablement tirée des tiroirs du défunt régime de son homonyme Moussa Traoré. N’y avait-il pas mieux ? Sûrement oui. Mais, chaque autorité a son orientation à imprimer dans la marche de l’Etat. Peut-être que c’était sa réponse à lui. Quoiqu’il en soit, cette réponse est à l’origine d’un différend qui risque de coûter cher à l’Etat. Car, 72 heures d’arrêt de travail avec des possibilités de prolongation en novembre prochain pour 5 jours, à compter du 06 au 10 novembre, vont forcément causer d’important manque à gagner pour le Trésor public surtout en cette période de fin d’année, où les recettes pour les services d’assiettes se font corser.

Le hic qui suscite des commentaires, c’est le zèle avec lequel les autorités de l’Office font preuve dans la mise en œuvre de cette loi. Or, que vaut une loi, si son application pose problème. Surtout une survivance du corpus de droit déchu, balayée par une révolution populaire. Après tout, une loi est faite pour gouverner les hommes et non des animaux ou des arbres. Lorsque celle-ci bute à des fortes résistances des sujets du droit, il y a lieu de faire « la pédale douce » le temps que les citoyens se l’approprient et l’intègrent dans le corpus du droit. Ce n’est donc pas la peine de forcer l’application d’une loi, contestée par une franche importante de la communauté malienne. Il n’y a aucun complexe dans ce sens.

Surtout, la pratique n’est pas nouvelle. Le rejet des Maliens n’est pas un simple jeu de hasard. C’est bien sûr en connaissance de cause. On se rappelle que dans les années 80 la Commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite, dont l’ancêtre remonte à la fameuse opération taxi du régime social de Modibo Kéïta, a causé d’énormes fractures dans certaines familles. Surtout, qu’à cette époque, les dénonciations anonymes étaient acceptées. Du coup certains étaient privés de leur liberté pour de simples dénonciations calomnieuses sur fond politique de jalousie dans le quartier.

Le renversement du régime de Moussa Traoré, qui a emporté avec lui la Commission et le Tribunal qui était chargé de prononcer des sentences découlant des dénonciations d’enrichissement illicite, ainsi que les crimes et délits d’atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. C’est le fameux Tribunal spécial de sûreté de l’Etat qui était logé dans le Bâtiment contigu à l’ancienne Cour suprême derrière le Ministère de l’Education nationale.

Il appartient donc au gouvernement de capitaliser cet épisode douloureux de notre histoire en mettre en veilleuse cette loi, le temps de réunir un consensus national sur la compréhension de cette loi. Sinon, à quelques pas des échéances électorales de décembre, il est dangereux de créer de nouvelles conditions de cristallisation de la vie politique sociale, après la crise du référendum qui a failli entrainer le pays dans une aventure aux issues incertaines, n’eut été la sagesse du Chef de l’Etat, qui a su éviter au pays le pire.

M. A. Diakité

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