Titulaire incontestée et incontestable, depuis une vingtaine d’années, du poste de 1er secrétaire du Conseil économique, social et culturel (CESC), l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) en a été évincée, le mardi dernier, à la faveur de la 2e session extraordinaire marquée par le renouvellement partiel du bureau de l’institution. Quelles sont les raisons d’une débâcle électorale annoncée.
Selon nos sources, la centrale syndicale avait toutes les cartes en main pour se succéder à elle-même à ce poste qui est parmi les plus prestigieux : sa longue expérience à ce poste de premier secrétaire ; la qualité de ses hommes ; l’unanimité dont ont généralement fait l’objet ses candidats… Pour nombre d’observateurs, la partie était donc gagnée d’avance pour la première centrale syndicale du pays, qui traditionnellement, occupe le poste de premier vice-président du Bureau du Conseil économique, social et culturel.
Mais retournement de situation : c’est finalement le candidat Issa SIDIBE des Mines qui l’a remporté face au Pr KANE de l’UNTM par le score de 27 voix contre 20. M. SIDIBE, remplace à ce poste l’ancien secrétaire général adjoint de l’UNTM, secrétaire général du Syndicat national pour l’éducation et la culture (SNEC), Maouloud Ben KATTRA, promu ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle. Ainsi, l’UNTM a mordu la poussière après avoir survolé les débats, pendant plusieurs années, autour de ce poste de 1er secrétaire du bureau du Conseil économique, social et culturel qui lui était un acquis à chaque renouvellement de bureau.
Quelles sont les causes de ce séisme électoral ? Nos sources sont formelles : il y a eu un problème de casting. L’on argumente que la centrale syndicale avait une carte maîtresse (dont elles ont tu le nom) et qui devrait être le candidat naturel de l’UNTM. Pour elles, ce syndicaliste qui a vieilli sous le harnais du CESC a des relations privilégiées de confiance et d’amitié avec la majorité des électeurs. Ainsi, en dehors de la centrale syndicale, c’est sa personne qui représentait une chance de l’emporter.
Au lieu de propulser cette personne, l’UNTM a jeté son dévolu sur le Pr KANE. Un choix, aux motivations obscures dès lors qu’il ne repose sur aucune considération objective. L’on prétend en effet que le choix du candidat malheureux était justifié par le fait que dans l’ordre de préséance, c’est lui qui venait avant celui qui a été frappé d’ostracisme. De ce point de vue, M. KANE était le candidat naturel de l’UNTM, mais également celui qui avait le moins de chance de l’emporter comme l’attestent les résultats du vote.
L’incongruité dans cette justification, révèlent nos sources, c’est qu’il n’est dit nulle part dans les textes de l’UNTM que la désignation d’un candidat était subordonnée à quelque ordre de préséance que ce soit.
Mieux, cite-t-on d’autres expériences, dans des domaines beaucoup plus complexes telle la politique, qui donnent tort sur toute la ligne à l’UNTM pour son choix qui frise l’irrationnel.
À titre d’exemples, Alpha Oumar KONATE a été élu président de la République du Mali sans être le président de l’Adema/PASJ, son parti. En Gambie, plus récemment, Adama BARROW qui est loin d’être le plus capé des hommes politiques de l’opposition qui ont fait front commun derrière lui, a vaincu l’insubmersible Yaya Jammeh au pouvoir depuis 1994, année de son coup d’État. Les exemples sont abondants et sont des plus édifiants.
Pourquoi l’UNTM a-t-elle fait fi du bon sens élémentaire dans le choix de son candidat au poste de 1er secrétaire, contrairement à ses habitudes ? Selon nos sources, le bon sens étant la chose la mieux partagée, c’est volontairement qu’elle s’est fait hara-kiri, en écartant celui qui représentait son atout majeur. Une discrimination négative dont la victime, nous rapporte-t-on, de façon stoïque, aurait encaissé sans broncher. Une attitude qui n’est pas sans rappeler ‘’la mort du Loup’’ de Alfred de Vigny.
Ainsi, pour des questions de personne, l’UNTM se saborde. Est-ce là le glas de la centrale historique des travailleurs du Mali qui a brillé de mille feux dans les moments les plus difficiles de la vie de la Nation ?
That is the question.
Par Bertin DAKOUO