Aéroport de Bamako : Les NERFS à vif

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Le torchon brûle depuis 4 semaines entre le syndicat des travailleurs et le collectif des femmes des ADM et la PDG de l’entreprise.

Le bras de fer qui oppose aux Aéroports du Mali, le comité syndical et le collectif des femmes à la présidente directrice générale, Mme Thiam Aya Diallo, ne faiblit pas. En effet, depuis bientôt un mois, le comité syndical (UNTM) et le collectif des femmes des Aéroports du Mali (ADM) assiègent la direction de l’entreprise à l’aéroport de Bamako-Sénou, scandant des slogans peu amènes réclamant la démission du PDG. Depuis le début du mouvement, un imposant dispositif sécuritaire composé de policiers et de gendarmes encadre tous les jours les manifestants. Le climat est délétère dans les services des Aéroports du Mali depuis le 5 décembre, lorsque les travailleurs de l’aéroport international de Bamako-Sénou ont entamé un mouvement, suivi et amplifié dès le lendemain par le collectif des femmes de l’entreprise. Ce jour-là, les protestataires ont remis une pétition exigeant sa démission à la première responsable des Aéroports, Mme Thiam Aya Diallo. Il a fallu l’intervention du ministre de l’Equipement et des Transports pour persuader la directrice de quitter momentanément son bureau et faire retomber légèrement la tension. Au cours d’un bref entretien avec le collectif des femmes, Ahmed Diane Séméga expliquera que le processus de privatisation de la gestion de la plate forme aéroportuaire était déjà enclenché. Il a assuré les responsables syndicaux qu’aucun licenciement n’était prévu. Le moins que l’on puisse dire est que les arguments ministériels n’ont guère incité les manifestants à désarmer. Ceux-ci ont, en effet, décidé de mettre le siège devant la direction de l’entreprise jusqu’à la démission de la PDG et l’abandon du projet de privatisation. Que se passe-t-il réellement aux Aéroports du Mali ? Qu’est-ce qui a engendré cette situation ? Pourquoi le syndicat et le collectif des femmes demandent-il le départ de la PDG ? Et que pense Mme Thiam Aya Diallo de cette situation ?

SANCTIONS ADMINISTRATIVES. Selon, le secrétaire générale du Syndicat des travailleurs des Aéroport du Mali, Mamadou Camara, tout a commencé le 19 janvier dernier, lorsque les agents des Aéroports ont observé deux jours de grève. A la suite de cette grève, les 7 responsables syndicaux de la structure se sont vus infliger de lourdes sanctions administratives compromettant leurs carrières professionnelles. Le cas des responsables syndicaux des aéroports avait ainsi fait l’objet d’un point spécifique des revendications de l’UNTM en octobre dernier. Dans le protocole d’accord du 3 octobre passé, explique le responsable syndical, le gouvernement s’est engagé à affecter les syndicalistes sanctionnés à des postes leur permettant de bénéficier des indemnités qu’ils percevaient avant leur changement de poste. Cette mesure devait faire l’objet d’une décision de la direction générale des ADM, le 20 octobre. Le différentiel de prime dû, du 1er janvier 2011 à la date de leur nouvelle nomination, devait être réglé sur le budget 2012 de l’entreprise. Le gouvernement s’était aussi engagé à faire lever les sanctions administratives infligées aux intéressés. « Au lieu de mettre en œuvre ces recommandations, la PDG des aéroports a tout simplement décidé de nous muter aux aéroports de Gao, Kayes, Nioro et Yélimané. Pire, cette décision ne concerne que 4 agents sur 7. Et les sanctions administratives restent applicables. Comment vous pouvez comprendre ça ? », s’indigne Mamadou Camara. Ce sont « ces actes incompréhensibles de la directrice (…) malgré les instructions du ministre de tutelle qui lui a demandé d’abroger sa décision de mutation des syndicalistes et nous remettre dans nos droits » qui ont engendré la présente situation, estime, elle aussi, la représentante du collectif des femmes des AMD, Mme Aminata Touré. Celle-ci relève aussi que la première responsable des aéroports « a catégoriquement refusé d’appliquer l’arrêté interministériel de nomination d’un agent comptable aux ADM datant du 6 août 2010 et refusé catégorique que cet agent comptable prenne fonction, cela malgré la lettre de mise en demeure du ministre ». Le collectif reproche également Mme Thiam Aya Diallo, sa gestion « calamiteuse » des finances du service en s’appuyant sur le dossier de l’achat en Chine du mobilier de l’aéroport et des tapis d’honneur en France. Les protestataires ont bénéficié le 13 décembre dernier de la présence d’un allié de poids en la personne du secrétaire général de l’UNTM venu leur manifester son soutien. « La manifestation du collectif des femmes travailleuses de l’Aéroport de Bamako-Sénou, que nous légitimons est un sentiment de ras-le-bol contre la PDG qui a été récupérée par sa tutelle dont la complicité est prouvée. Nous avons agi longtemps avant maintenant pour éviter le pire et son départ est désormais le préalable à toute négociation », avait indiqué Siaka Diakité.

DIALOGUE TOUJOURS POSSIBLE. Mme Thiam Aya Diallo a une toute autre lecture de la situation. Pour elle, la crise est née du refus de dialoguer des syndicalistes, ce qui, selon elle, a radicalisé le problème. « C’est vrai que le protocole signé entre le gouvernement et l’UNTM préconise l’affectation les syndicalistes à des postes leur permettant de bénéficier des indemnités qu’ils percevaient avant leur changement de poste et cette mesure devait faire l’objet d’une décision avant le 20 octobre 2011. C’est ce que nous avons fait. Des dispositions ont été prises pour les nommer dans les plates formes aéroportuaires régionales. Ils ont considéré cela comme des sanctions qui les éloigneraient de leur base. Nous les avons réaffectés à d’autres postes, mais ils demandent également le maintien des avantages liés à des postes qu’ils n’occupent plus. Ce qui n’est pas facile. Nous sommes une Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), et non une administration publique, il y a des règles et des méthodes de travail codifiées, qu’il faut respecter », a précisé Mme Thiam. Concernant le cas de l’agent comptable affecté aux ADM, l’explication de Mme Thiam a le mérite de la simplicité. « En août 2010, un arrêté interministériel a nommé un agent comptable. Mais le poste d’agent comptable n’existe pas ici, nous avons déjà un directeur financier. J’ai été voir le ministre de tutelle pour demander l’abrogation de la décision. Nous avons un directeur financier, un commissaire aux comptes et notre comptabilité est de type privée », indique-t-elle. Réfutant toute irrégularité dans la gestion des finances de l’entreprise, Mme Thiam Aya Diallo a ainsi réagi aux accusations portées contre elle : « Je n’ai pas procédé aux achats comme on le prétend. C’est sur un appel d’offres que les meubles payés pour l’aéroport ont été livrés. Cependant, j’ai été à Beijing pour un séminaire de responsables des aéroports pendant la période de l’achat des mobiliers. Je reconnais que j’ai orienté le choix des mobiliers mais je n’ai pas fait d’achats. Pour ce qui concerne les tapis rouges, on était dans l’urgence des festivités du Cinquantenaire. J’ai contacté une société spécialiste des tapis rouges pour nous livrer rapidement un tapis. Mais tout cela s’est passé dans les conditions légales et de transparence », assure-t-elle. Que faire maintenant ? Pour Mme Thiam, le dialogue est toujours possible : « il faut privilégier le dialogue, car cette situation n’arrange personne ». Sans doute mais pour que la situation ait une chance de se débloquer en douceur, il faut chaque partie fasse au moins un pas vers l’autre. Ce qui est loin d’être le cas, pour l’instant.

LA QUESTION DE LA CONCESSION

L’autre raison du mécontentement du syndicat des travailleurs des Aéroports du Mali (ADM) est l’épineuse question de la concession de la gestion de l’aéroport à une société privée. Pour le syndicat, les ADM sont une société rentable et surtout à jour dans le paiement des impôts, de l’INPS, d’EDM et de Sotelma. La société, assure-t-il, a même prêté 400 millions de Fcfa à la BHM et possède près de 2 milliards de liquidité dans les banques de la place. Le secrétaire général de la section syndicale des ADM, Mamadou Camara, évoque à ce propos, les investissements faits par le Millennium Challenge Account notamment la construction de nouvelle aérogare. « En plus, le ministre de l’Equipement et des Transports a autorisé des investissements sur fonds propres à l’aéroport de Bamako-Sénou entre 2009 et 2010, de plus 17,4 milliards Fcfa avec des avenants qui dépassent largement le quota autorisé par les marchés publics. Devons nous donner le principal aéroport dans lequel tous ces investissements ont été effectués à une société canadienne pour ne récolter qu’une redevance estimée à 27,659 milliards Fcfa au bout de 30 ans », argumente le syndicaliste. Pour la présidente directrice générale des Aéroports du Mali, le processus de concession de la plate forme aéroportuaire de Bamako-Sénou a été lancé depuis 2009 et le syndicat a été informé de toutes étapes du processus. Il a, notamment, eu des assurances rapport aux licenciements, à l’amélioration des conditions de travail et de la modernisation de la plate forme. « Je pense que leur insistance s’explique surtout par la résistance à la modernisation. Sinon, je reconnais que les Aéroports du Mali est une entreprise qui se porte bien. Les augmentations de salaires se situe à plus de 20% sur 4 ans et l’entreprise est dotée d’un fonds social de plus de 50 millions de Fcfa avec un 13ème mois pour les salariés. Mais, cette concession à une société privée vise à moderniser la gestion de la plate forme et surtout à faire de l’aéroport Bamako-Sénou, la meilleure destination de la sous région », a précisé Mme Thiam. La concession de la plate forme de Bamako-Sénou, a-t-elle ajouté, est une requête de la Banque mondiale à travers le projet d’appui à la croissance et du Millennium Challenge Account.

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