Union Africaine-France : Polémique entre AOK et Sarko

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Les peuples d’Afrique se souviendront pendant longtemps de l’esclavage, et de la colonisation… Des fléaux qui ont vidé l’Afrique de ses potentialités économiques et humaines, de son trésor culturel et de son patrimoine ancestral.

Ainsi, le Président de l’Union Africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, en réaction au discours de Nicolas Sarkozy relatif au rejet de toute repentance concernant la colonisation, disait, le week-end dernier: “Une bonne partie du retard de l’Afrique est liée à cela et cette réalité, je suis sûr que le Président français le sait,… Personne n’a le droit de la nier, et cela n’a rien à voir avec la repentance.. Cette exigence de mémoire ne peut pas être simplement le fait des africains. Cette page, nous ne la déchirerons jamais”.

En effet, les ex-puissances coloniales qui ont balkanisé l’Afrique continuent de l’appauvrir par des traités et des accords inéquitables. Et pourtant, ces mêmes anciennes puissances coloniales n’avaient pas demandé l’avis des africains, lorsqu’elles avaient débarqué sur notre continent. Elles n’avaient pas non plus demandé l’avis de l’Afrique lorsque, à coups de crosses, de cravaches et de baïonnettes, des milliers d’enfants du continent furent amenés de force pour servir de chair à canon dans des guerres qui ne les concernaient pas directement. Pourquoi l’Occident, notamment la France à travers son Président, Nicolas Sarkozy, refuse-t-il toujours d’assumer son passé colonial?

Le Président français, en s’adressant aux jeunes sénégalais, et faisant allusion à l’immigration, a affirmé que “s’ils voulaient sortir de l’arbitraire, de la corruption , de la violence, du parasitisme et du clientélisme, c’était à eux de le décider”.

La réaction du président de l’UA, Alpha Oumar Konaré .ne s’est pas fait attendre: “Cet appel à la jeunesse africaine est un appel important… mais ce discours n’est pas nouveau en Afrique. Beaucoup de dirigeants africains le tiennent, les jeunes africains le savent et beaucoup de ces jeunes depuis longtemps se battent”

La Responsabilité de la France dans l’immigration

En dehors de cette réaction de l’ancien Président du Mali, beaucoup d’africains ont également réagi sur les antennes, le net…Aux dires de certains, l’Europe a une grande part de responsabilité dans l’immigration. Et pour cause : de 1945 à 1970, les européens se sont orientés vers l’Afrique pour permettre un recrutement de main d’oeuvre bon marché. Les migrants africains arrivent sans difficulté en Europe.

Depuis lors, l’importance de l’immigration des travailleurs étrangers venus en France par leurs propres moyens, pour y trouver un emploi, a continué de s’accroître. Cette forme fut toutefois tolérée et l’absence de contrôle de l’immigration “clandestine” à l’époque se justifiait pour reprendre un argument du ministre des affaires sociales du général De Gaulle, Jean Marcel Jeanneney, par les besoins de l’économie française. La migration “clandestine” offrait dans le contexte d’alors de grands avantages financiers et sociaux aux entrepreneurs.

L’immigration dans le discours politique

C’est avec la crise pétrolière en 1973 où l’Europe connaît le chômage, que le migrant, plus particulièrement le migrant africain, est vu comme un prédateur d’emploi. La crise financière de 1980 aggrave le chômage. Et la question de l’immigration rentre dans le discours politique, utilisée comme un slogan électoraliste. L’actuel Président français n’a pas fait exception à la règle. Il avait fait de la politique “d’immigration choisie” son thème de campagne.

Ainsi, à l’époque, les européens, pour se protéger, créent la formule de visa : Etats Schengen. L’entrée en Europe devint désormais liée à une panoplie de dispositif règlementaire et de digues administratives destinées à contrôler en amont les flux migratoires.

En effet, si les frontières ont disparu à l’intérieur de l’Europe, elles se sont transformées en camps à l’extérieur de l’Europe. Cette politique des camps s’est instaurée en Afrique, en particulier entre la méditerranée et le Sahara. A cet effet, le Maroc subit une forte pression de la part de l’Union Européenne pour renforcer le contrôle de ses frontières, dissuader et refouler les migrants subsahariens vers l’Europe, bref, pour jouer le rôle de “gendarme” de l’Europe.

Malgré le fait que le Maroc a ratifié la convention de Genève et celle de l’organisation de l’Unité Africaine (OUA devenue Union Africaine (UA), ces migrants, réprimés et harcelés de toutes parts, privés de tout droit, n’ont finalement d’autre choix que de s’enfermer dans les camps pourtant ouverts, puisqu’ils ne peuvent pas circuler. Le seul point où Alpha Oumar Konaré a donné raison à Sarkozy, c’est lorsque il a mis a nu une responsabilité de l’Afrique.


La responsabilité partagée

Dans cette désespérante situation, autant les dirigeants occidentaux sont coupables, autant ceux africains sont condamnables. L’inhumanité des occidentaux est à la hauteur de l’irresponsabilité et de la cupidité des africains. En effet, en Afrique, lorsqu’on parle du train de vie insultant de l’Etat dans un océan de misère, il faudrait plutôt parler du train de vie irréaliste des dirigeants.

Cependant, il y a longtemps qu’entre ces derniers et les populations, le fossé est béant. Pour tout dire, il ne sert à rien de diaboliser systématiquement l’Occident quand les dirigeants africains montrent peu d’intérêt pour le bien-être de leurs populations qui pataugent dans la misère. Toute chose qui fera dire à AOK :“Nous devons nous dresser, et prendre nos affaires en main. Je suis certain que le Président Sarkozy souhaite la rupture… Je pense que pour l’aider dans la rupture, il a besoin de mieux connaître l’Afrique, et nous sommes prêts dans ces échanges avec lui”.

La rupture est-elle consommée entre la France et l’UA ?

Si cette réaction du président de l’UA, au discours de Sarkozy- celui-là même qui est considéré comme le bourreau des immigrés- a été salutaire pour bon nombre des populations africaines, il faut tout de même reconnaître que, d’autre part, elle crée l’inquiétude chez certaines, notamment les populations maliennes, qui, désormais, pensent que la rupture entre la France et le Mali est consommée. Dans tous les cas, le coup est parti.

Alpha Oumar Konaré n’est pas à son premier défi d’un Président français. On se rappelle, lorsqu’il était encore président du Mali, il avait refusé de rencontrer Jacques Chirac au Sénégal.

Moussa TOURE
3 Août 2007

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