L’élan d’intégration résulte de la mise en œuvre de la politique édictée dans les Actes et Traités par lesquels nos pays s’engagent à créer un espace commun entre eux.
Si au plan des politiques sectorielles, les principaux acteurs oeuvrant à l’application des décisions sont vite repérés et identifiés, tel n’est pas le cas dans le domaine de la communication.
En effet, très vite est apparu comme une évidence “l’appel à s’intégrer” lancé par les Autorités de l’UEMOA aux acteurs du monde des finances, des douanes, des affaires, dans le cadre de plans dits “de convergence”.
Le monde de la communication, qui pourtant constitue le préalable à toute action concertée (parce que maître d’œuvre de la diffusion et du partage des idées) avait été interpellé par les Ministres de l’intégration des pays membres de l’UEMOA pour “recommander l’utilisation dans les pays respectifs, de la presse en tant que véhicule privilégié en matière d’information”.
Or, si dès 1996 la première conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA a invité la Commission à mettre en place une politique et un programme de communication pour susciter l’adhésion des populations et des opérateurs économiques aux objectifs de l’UEMOA, force est de reconnaître que jusqu’à ce jour, la grand majorité des populations reste à l’écart d’un processus pourtant engagé en son nom.
Pour densifier l’action d’intégration dans un Espace comprenant environ 70 millions d’habitants pour 3,5 millions de km2, l’UEMOA a créé au sein de la Commission de l’Union, la Division de la Commission et de la Documentation qui doit produire et diffuser une information régulière sur les activités de la commission à travers les médias.
Telle qu’organisée, l’armature institutionnelle de l’UEMOA en matière de communication va évoluer avec en interface les acteurs de la communication interne des Etats que sont les acteurs publics et l’espace public national, les acteurs privés et le marché.
Les acteurs publics et l’espace public national
La politique d’intégration régionale a été pensée et appliquée jusqu’ici comme se limitant aux seules préoccupations monétaires, financières, commerciales, bref, économiques.
Or pour l’ensemble des partenaires que sont les Etats engagés dans l’élan de coopération régionale, toutes les composantes de l’activité économique et sociale doivent s’orienter vers la recherche de résultats profitables à tous.
Ainsi, pour toute l’Union Economique et Monétaire, l’on doit asseoir à brève échéance des politiques concertées en matière médiatique qui préparent à une intégration des réseaux de communication. Ceci est d’abord l’affaire des acteurs publics.
Les acteurs publics regroupent toutes les autorités investies des pouvoirs de puissance publique et qui gèrent tout ou partie des secteurs dont l’action concourt au développement des médias écrits et audiovisuels.
Il s’agit principalement des instances de régulation de l’information et de la Communication, des départements ministériels en charge des télécommunications et de l’information ; des organes médiatiques écrits ou audiovisuels du service public.
Ces principaux acteurs sont responsables de l’orientation de l’activité médiatique à l’intérieur de chaque Etat.
L’effort ici consistera à asseoir par la concertation, un harmonisation dans les législations nationales pour intégrer les médias dans le grand cadre des principes déjà arrêtés sur la suppression des frontières en matière d’échange économique et sur les libertés de circulation et d’établissement des personnes, des biens et des capitaux.
En effet, dans l’Espace UEMOA, il existe autant de politiques médiatiques qu’il y a d’Etats.
A titre d’illustration, il n’est pas évident aujourd’hui qu’une radio malienne puisse s’installer au Burkina ou une télévision béninoise en Côte d’Ivoire. Il en est de même de la presse écrite qui, en dépit de la vente autorisée des titres dans l’Espace UEMOA, n’en est pas moins limitée dans ses possibilités de délocalisation si par nécessité économique elle envisageait de le faire.
Par contre, et sans qu’aucune réflexion officielle n’ait jamais été formulée à ce sujet, il existe dans l’Espace UEMOA, à l’image d’autres africaines, des présences médiatiques extérieures à l’Union et qui ont une autorité et une puissance d’écriture de l’information sur nos pays. Cela sans censure. Il s’agit des acteurs médiatiques Européens ou Américains dont il faut noter l’objectif dans nos Etats qui est d’exploiter les domaines de la communication (information, culture et publicité) sans contre-partie de réciprocité ni pour les médias africains, ni pour les gouvernements africains dans leurs relations avec les systèmes européens.
Cette remarque nécessite une réflexion approfondie pour voir l’étendue et la dimension de l’emprise de tous ces médias extérieurs sur la vie économique et sociale, dans l’espace UEMOA en particulier et le continent africain en général.
Il n’est pas superflu de s’interroger sur l’efficience des Médias de l’Espace UEMOA sur la vie à l’intérieur de l’Union quand l’audience des médias extérieurs laisse peu de place aux médias locaux, publics ou privés.
L’Espace public National
L’Espace Public National en matière médiatique est évoqué ici pour introduire l’idée de l’existence d’une ressource appartenant aux populations de l’UEMOA mais qui ne fait pas suffisamment l’objet d’une prise de conscience pour en organiser la protection et l’exploitation rationnelle.
Cette ressource est constituée par l’ensemble des fréquences radioélectriques destinées à la radiodiffusion sonore et télévisuelle.
Actuellement tous les pays de l’Espace UEMOA fonctionnent en la matière en vase clos, alors que par ailleurs les nouvelles techniques d’information et de communication font exploser les barrières entre pays à travers le Monde. En effet, ce domaine reste géré dans la plupart des Etats de l’UEMOA sous monopole des gouvernements sans véritable politique de “libération” des ondes, encore moins de clarification des règles d’accès aux ondes.
Cependant, comme déjà signalé, de nombreuses entorses aux règles internes conduisent à l’invasion de notre espace par des médias étrangers qui occupent plus nos consciences que les médias audiovisuels africains.
Comment alors réaliser une politique d’intégration dans l’esprit des Africains de l’Espace UEMOA quand les médias qu’ils “pratiquent” traitent l’information sans leur présence réelle ?
Les acteurs privés et le marché
Le domaine médiatique dans sa dimension “privée” reste beaucoup plus marqué par la presse écrite que celle audiovisuelle. C’est probablement parce que c’est la forme de communication organisée qui est parue la plus accessible aux journalistes africains, nouveau “corps” installé dans l’activité économique et politique dans nos pays.
En effet, à partir des années 1990 et sous effet des “vents de démocratie”, les titres de la presse écrite ont fleuri dans tous les kiosques africains avec plus ou moins de bonheur et plus ou moins d’engouement du public, ici ou là.
En regard des motivations qui sous tendent les lignes éditoriales, peut-on percevoir des dispositions favorables à l’élan d’intégration dans l’Espace l’UEMOA ?
Une étude approfondie des différents titres et articles phares sur une période de référence pourra bien situer les opinions sur cette question.
En attendant d’y parvenir voici quelques traits qui identifient la presse privée des pays de l’UEMOA : cette presse vit dans des conditions économiques si aléatoires qu’elle est précarisée dans son existence ; beaucoup reste à faire pour la formation des journalistes qui dans la plupart des cas sont des jeunes en quête d’emploi ou d’occupation, mais sont peu rompus au respect des règles du métier. A cela, il faut ajouter ces blocages politiques ou juridiques subsistent dans les nombreux pays de l’Espace UEMOA les difficultés objectives ainsi que de disponibilité des éléments d’information, l’absence ou l’insuffisance de politique de soutien ou d’encadrement des médias fait que les efforts publics entrepris ici ou là se perdent en se diluant dans un ensemble mal défini et mal maîtrise.
Le marché
Le marché médiatique est formé par la présence d’un offreur (l’éditeur de presse) et un consommateur (le lecteur).
Il est complexe en raison de la nature du bien ou du produit contenu dans le journal. Il existe ici une valeur marchande qui est la nouvelle, et à côté de laquelle se présente généralement la publicité qui est un produit de type particulier.
Si la nouvelle “résulte” de l’expression d’une opinion, la publicité elle, est une démarche de séduction entreprise par le journal et destinée à faire consommer un bien économique.
La publicité met en présence un rapport de diffusion, un préparateur ou concepteur de la publicité (l’agence de communication) et un annonceur.
Ainsi détaillée, on voit que la publicité commerciale constitue à elle seule une autre activité qui, de plus en plus, prend une place très importante dans l’activité médiatique car elle lui procure des ressources énormes ; elle occupe un espace dans les colonnes ou dans les grilles de la presse écrite et audiovisuelle, et elle donne de l’influence à l’annonceur sur le journal et peut agir sur la ligne éditoriale du journal.
Au-delà de ces spécificités et en considération des objectifs de l’intégration, le produit publicitaire est un bien économique dont il convient d’organiser la fabrication et la circulation dans l’Espace UEMOA. Ceci est important car les flux générés dans ce secteur s’évaluent en milliards de Fcfa par année, avec une forte évasion physique monétaire profitable surtout à quelques radios et journaux étrangers à l’espace UEMOA.
Enfin, en parlant du marché, un regard particulier doit se poser sur le lectorat et l’ensemble de la population qui consomme l’Audiovisuel.
Si pour la lecture un facteur “bloquant” reste lié au problème de l’alphabétisation (très faible dans les pays de l’UEMOA), le secteur de l’Audiovisuel pose quant à lui le problème de l’adéquation des contenus diffusés avec nos réalités culturelles, sociales et politiques.
C’est vrai ainsi qu’une bonne politique d’intégration par l’audiovisuel demande la résolution préalable du problème de l’accès aux moyens logistiques de diffusion suivie de celle de l’adaptation des contenus aux populations.
Malick Camara