Le spatial américain va vivre un moment historique. Si la météo le permet, ce mercredi à 16h33 heure de Cap Canaveral en Floride (20h33 en temps universel), deux astronautes américains partiront dans l’espace dans un vaisseau américain et depuis le sol américain. Ce n’était pas arrivé depuis neuf ans. Le constructeur SpaceX est à la manœuvre, pour ce voyage d’essai de la capsule Crew Dragon qui emmènera les deux passagers jusqu’à la Station Spatiale Internationale.
Avec SpaceX, bienvenue dans la science-fiction. Le lancement s’annonce historique, conçu comme une super production, filmé et retransmis en direct. Ce sera la première fois qu’une entreprise privée lance des astronautes en orbite.
Capsule réutilisable, commandes sur écran tactile, tout est moderne et rutilant à l’intérieur du Crew Dragon, vaisseau pouvant accueillir jusqu’à 7 passagers. Y prendront place Bob Behnken et Doug Hurley, deux astronautes aguerris aux voyages spatiaux.
Car leur mission s’annonce périlleuse, souligne Alexis Bédu du service Sciences de RFI. Leur objectif : rejoindre la station spatiale internationale à laquelle ils s’amarreront après seulement 17 heures de vol et où ils resteront au moins un mois.
Possible « perte d’équipage »
Après le lancement, une fois en orbite, les deux astronautes testeront le système de contrôle du Crew Dragon. Ils surveilleront également l’approche de la capsule vers l’ISS, qui doit, si tout fonctionne comme prévu, se faire de manière totalement autonome.
Même si le vaisseau a fait ses preuves en mars dernier lors d’un premier vol de démonstration à vide, le voyage reste dangereux. Selon la Nasa, la probabilité calculée de « perte d’équipage », est d’une chance sur 276.
Les prévisions météo sont pour l’instant défavorables avec un risque de mauvais temps ce mercredi soir. Le lancement pourrait être reporté à ce samedi, prochaine fenêtre de lancement.
Le rêve de l’excentrique Elon Musk
Ce lancement historique est aussi l’aboutissement d’un rêve, rappelle Éric de Salve, notre correspondant à San Francisco. Celui de l’une des figures les plus excentriques de la Silicon Valley : le milliardaire d’origine sud-africaine, Elon Musk.
« Ouvrez les yeux et regardez vers le ciel », tweete Elon Musk. Là haut, à 400 km de la terre, sa vision spatial complètement folle devient réalité.
Ce premier vol habité dans l’espace opéré par une compagnie privée, la sienne, personne n’y croyait il y a 18 ans. C’était en 2002 : l’impétueux génie de la Sillicon Valley lançait SpaceX, la plus spectaculaire de ses excentricités, après avoir fait fortune avec la revente de PayPal.
SpaceX n’est alors qu’une start-up de 10 salariés « qui ne savaient pas vraiment faire des fusées. Je n’arrivais à recruter personne », avouera plus tard Elon Musk.
Contrat avec la NASA
Aujourd’hui, SpaceX compte 8 000 salariés, dont beaucoup d’anciens de la Nasa. L’agence spatiale américaine est d’ailleurs devenue son premier client en 2006 avec la signature d’un contrat pour ravitailler la station spatiale internationale. « Pour la première fois, la Nasa ne fait pas fabriquer par l’industrie privée un vaisseau dont elle prend propriété et qu’elle se charge de contrôler, explique Jean-François Clervoix, astronaute de l’Agence spatiale européenne au micro de RFI. Elle achète juste un service de transport. Mais c’est SpaceX qui reste propriétaire et qui va contrôler le vaisseau depuis son centre de contrôle. »
Les trois premiers lancements sont des échecs, mais tout change en 2008 avec le quatrième. C’est le premier vol réussi qui sauve SpaceX du naufrage. « Ce jour-là, la fortune nous a souri, se souvient Elon Musk. Sinon nous aurions mis la clé sous la porte. »
En 2013, son lanceur low-cost réussi la mise en orbite d’un satellite 30 % moins cher que les acteurs historiques, désormais de plus en plus distancés. « SpaceX a déjà prévendu à un Japonais un vol autour de la Lune dans les années qui viennent », rappelle Jean-François Clervoix. Mais avec SpaceX, l’Américain d’origine sud-africaine n’a jamais caché sa vraie ambition : la colonisation un jour de la planète Mars.
La Nasa se réoriente vers la Lune
Ce mercredi, Donald Trump sera également présent au décollage du vaisseau de SpaceX. Car l’enjeu est important pour l’Amérique : le pays peut renouer avec son indépendance stratégique en matière spatiale. « Depuis l’arrêt des vols de navette en 2011, les États-Unis dépendaient de la Russie, et notamment de son vaisson Soyouz, nous explique Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). C’était des millions de dollars qui à chaque fois tombaient car les Américains “payaient leur ticket” vers la station spatiale. C’est la fin d’une paranthèse. »
Autre tournant stratégique : « La station spatiale n’est plus pour les États-Unis un objectif de long terme, analyse Xavier Pasco. La Nasa délègue complètement le transport vers l’ISS à un acteur privé et s’est réorientée vers la Lune. Une décision prise sous cette administration Trump. Cette nouvelle répartition des rôle est historique. »
Par: RFI –