Réseaux sociaux, outils d’information ou de propagande ?

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Une nouvelle personne croise votre route. Premier réflexe ? Chercher son nom sur Facebook ou Twitter pour en apprendre davantage. En promenade, en soirée, à un mariage, dans les grins, qui n’a pas sorti son téléphone pour prendre une photo et la partager immédiatement sur son réseau social ? Les amis de ce réseau voient la scène dans l’instant. L’identification des personnes, complétée par la géo-localisation, est, pour eux, aussi efficace que les meilleures caméras de surveillance des porteurs d’uniforme ! Mais, chaque internaute reste libre de le faire ou pas. Dans nos réseaux sociaux, il peut n’y avoir  que quelques dizaines de personnes, des intimes, des parents et des amis proches. Certains vivent dans la même ville, d’autres demeurent loin, parfois très loin. Quel bonheur de discuter avec eux sans se préoccuper du coût de la communication !

Parfois, ce ne sont que des conversations par clavier interposé, parfois c’est du «live» grâce aux webcams.  Quelle joie de recevoir une image ou un texte quasiment dans la seconde, alors que des milliers de km nous séparent ! On voit les enfants grandir. On ne perd jamais ce précieux lien dont la distance pourrait nous priver. Des possibilités infinies d’échange existent quel que soit le décalage horaire. Notre monde technologique est une de nos sources de bonheur. Sur les réseaux sociaux, des «@mitiés» naissent en marge de la vraie vie. On peut y avoir des centaines d’@mis, jamais rencontrés.

Des «groupes» se forment, créés au fil du temps, autour d’un centre d’intérêt, d’un militantisme commun, d’un engagement politique, d’une cause nationale ou universelle. On y partage des opinions, des articles, des informations. On y organise des débats politiques ou économiques contradictoires. Les réseaux sociaux sont des lieux virtuels de réflexion, souvent aussi fructueux que les conférences internationales dites de «haut niveau». Chaque membre y apporte ce qu’il peut, selon ses compétences et son expérience. Cela génère une multitude de commentaires, parfois virulents. L’administrateur du groupe tempère le débat, incitant les commentateurs à plus de modération dans le langage.

Depuis le début des crises politico-sécuritaires au Mali, les réseaux sociaux sont un lien «formidable» entre tous ceux qui se préoccupent du devenir du Maliba. Formidable est un mot à toujours prendre avec précaution. En effet, dans notre langage quotidien actuel, est formidable tout ce qui est magnifique, impressionnant ou agréable. Mais, si on en revient à son sens premier, formidable signifie dangereux et terrifiant de nature.  Oui, les réseaux sont formidables, au sens actuel et au sens plus ancien du terme. Les réseaux sociaux sont effectivement autant une voie magnifique d’information qu’une arme dangereuse de désinformation et de propagande. Les réseaux sociaux sont salués car les résistances populaires s’y mobilisent et s’y organisent. Les photos des événements  y circulent à la vitesse des connexions. Les internautes sont même devenus sources d’information tant pour les médias officiels que pour les décideurs nationaux et internationaux. Les réseaux sociaux sont aussi le terrain virtuel où les groupes politiques modérés et extrémistes s’affrontent dans une bataille sans pitié. C’est à qui communiquera le plus et le mieux. Fausses informations, photos, images et vidéos truquées sont les cyber-armes utilisées pour démoraliser «l’ennemi», affoler les populations et s’assurer la Une des grands médias.

Les internautes, quels qu’ils soient, doivent donc faire preuve d’une vigilance absolue avant de partager ce qui est posté en ligne, sinon ils participent à la désinformation, devenant ainsi les relais inconscients de la propagande d’individus ou de groupes malveillants et malfaisants.  Notre monde n’a pas besoin de ça ! L’autre facette redoutablement «formidable» des réseaux sociaux est leur capacité intrinsèque à faire rebondir une information. Une phrase mal comprise, mal lue, mal interprétée, tout comme une phrase reprise intégralement ou partiellement sur les réseaux, peut, en quelques minutes, résonner comme un roulement de tambour et enflammer les commentaires de milliers d’internautes d’un continent à l’autre. Un des derniers exemples en date est la cyber-colère des Maliens suite à l’article publié par le site de RFI au sujet du rapport de l’OMS sur la consommation d’alcool. Un site de presse malien a gonflé cette colère en jouant sur le fil du rasoir des mots utilisés. Les internautes maliens se sont sentis insultés, humiliés, victimes de propagande raciste, voire islamophobe, alors que les statistiques de l’OMS sont claires. Leur premier chiffre est très bas. Il s’agit de la quantité d’alcool consommée par l’ensemble des Maliens de plus de quinze ans. L’autre, très haut, révèle celle consommée annuellement par les rares Maliens buveurs d’alcool de plus de quinze ans. Et c’est bien sûr ce dernier chiffre qui a généré la colère dans les grins comme sur les réseaux sociaux, puisqu’à la lecture de certains articles, on pouvait comprendre qu’il s’agissait de la consommation de l’ensemble de la population malienne. Sacré tam-tam que l’internet !  La leçon à tirer de ce dernier exemple est sans ambiguïté. Chaque personne connectée se doit d’adopter les règles éthiques fondamentales du journalisme, et de ne pas céder aux sirènes du «buzz». Rechercher l’information, la vérifier et la vérifier encore, c’est ce qui construit la fiabilité et la renommée d’un journaliste professionnel.

Publier sur les réseaux sociaux des informations qui concernent la sphère publique, c’est être conscient de l’impact que chaque «post» aura en quelques clics. Prendre le temps de fouiller, de vérifier et de croiser l’information grâce à d’autres sources, c’est ce qui construit la fiabilité de chacun dans ses propres réseaux sociaux. Cultiver cette prudence permanente permet surtout de ne participer à la cyber-manipulation, et de ne pas se laisser abuser par des individus et groupes nuisibles, ou par certains médias, vassaux de puissances, tout aussi nuisibles, qui se préoccupent plus de leurs propres intérêts que du bien-être des populations.

Françoise WASSERVOGEL

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