#Mali : Réseaux sociaux : Attention aux faux proxénètes !

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Ces arnaqueurs vous appâtent avec des photos affriolantes volées sur les pages de femmes imprudentes. Si vous mordez à l’hameçon, vous vous retrouverez dans un engrenage qui vous coutera cher. Face a l’ampleur du phénomène, l’Autorité de protection des données a caractère personnel (APDP) a saisi le procureur du Pôle judiciaire national spécialisé chargé de la lutte contre la cybercriminalité pour traquer ces agissements contraires aux bonnes mœurs

Les réseaux sociaux sont très utiles. Ces plateformes numériques permettent aux internautes de communiquer facilement, de tisser de nouvelles amitiés et même faire des affaires. Dans le cas malien, de plus en plus, l’on constate des agissements contraires aux bonnes mœurs. Des femmes ont pris plaisir à se donner en spectacle dans les Live (réels) sur TikTok, Meta (Facebook) et autres réseaux. Leurs données personnelles (images et vidéos) sont souvent récupérées sans leur consentement et utilisées à des fins illicites.

La dernière trouvaille des délinquants qui s’adonnent à cette utilisation illicite des données personnelles est la mise en scène de personnes à la recherche de partenaires sexuels. Le mode opératoire de ces arnaqueurs «sexuels» consiste à mettre des numéros sur des photos ou vidéos d’une femme et les publier sur une plateforme numérique à l’insu de la personne concernée. «Une fois que vous publiez votre vidéo, quelque soit le mobile, les arnaqueurs ou escrocs sexuels prennent la vidéo, ils en font un montage avec des sons d’ébats sexuels et y affichent un numéro de téléphone», explique le secrétaire général de l’Autorité de protection des données à caractère personnel (APDP), Arouna Keïta.

L’internaute qui mord à l’hameçon est invité à verser une commission pour être mis en contact avec la femme qu’il désire. Plusieurs hommes sont tombés dans le panneau, comme A. D. qui raconte sa mésaventure avec un brin d’humour : «Un jour, j’ai appelé un numéro que j’avais pris sur TikTok. Celui qui a décroché m’a demandé de payer 5.000 Fcfa, mais j’ai négocié et ramené la commission à 3.000 Fcfa. Et dès que j’ai envoyé l’argent, le gars s’est mis sur répondeur. J’ai passé la journée à l’appeler. Sans succès !»

Par contre, Y. S., un jeune très fréquent sur les réseaux sociaux, a vite compris le jeu des arnaqueurs. «Depuis quelques temps, je vois des photos de femmes qui défilent avec des contacts. Curieux, j’ai appelé un numéro et c’est un homme qui a décroché. Ce dernier m’a demandé de payer 5.000 Fcfa comme commission pour qu’il me mette en contact avec la femme sur la photo. Mais je n’ai pas accepté», confie notre interlocuteur. Comme lui, M. S. et son ami avaient aussi essayé mais la réponse est la même : «Il faut verser d’abord la commission au gérant.»

«Ces derniers temps, il y a trop de dérapages sur les réseaux sociaux. Les gens commencent à se pervertir sur ces plateformes comme dans la vie réelle. Nous sommes en train de travestir l’esprit des créateurs de ces plateformes numériques, en commentant des actes contraires aux bonnes mœurs», analyse le secrétaire général de l’APDP. Selon Arouna Keïta, que nous avons rencontré à son bureau sis au Quartier du fleuve, la loi portant protection des données à caractère personnel est claire : «Tout traitement déloyale et illicite est puni de 5 à 20 millions de Fcfa.» Et il y a un projet de texte dans le circuit d’adoption au niveau du Conseil national de Transition (CNT) qui prévoit aussi des incriminations criminelles pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison et 10 millions de Fcfa d’amende pour traitement illicite d’images, l’exposition d’images à des fins pornographiques et autres.

Le secrétaire général de l’APDP fait savoir que ce phénomène constitue en lui-même deux comportements répréhensibles. D’abord, le fait de prendre la photo ou la vidéo d’une femme pour des fins de propagande ou de publicité pour arnaquer des gens qui seraient tentés, constitue une infraction aux données personnelles. Et le fait de soutirer de l’argent à des éventuels candidats constitue une escroquerie punie par la loi sur la cybercriminalité. Il précise que les sanctions concernent aussi les internautes qui partagent ou commentent les images ou vidéos publiées illicitement.

SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE- S’agissant de la régulation du cyberespace, l’expert en protection des données personnelles indique que notre État a posé les jalons. Il fait référence à la loi 2013-015 du 21 mai 2013 modifiée, la loi sur la cryptologie et la loi sur les transactions électroniques. Il vise aussi à la création et l’opérationnalisation des structures comme l’Autorité malienne de régulation des télécommunications, des postes (AMRTP), la Haute autorité de la communication (Hac) et l’ADPD.

Le cyberespace n’appartient pas qu’au Mali. «Nous avons un cyberespace dominé par les Gafam qui sont les seuls maîtres à bord du cyberespace mondial», souligne Arouna Keïta qui estime que pour lutter contre le phénomène, il faut nécessairement réguler les Gafam (Facebook, Google, Twitter, Amazon). «Quand on prend le cas malien, aucune grande société numérique n’a son bureau au Mali. Même pour les assigner ou contraindre à retirer un contenu, il faut s’adresser à leur siège qui se trouve à la Silicon Valley en Californie (états-Unis). Donc, il va falloir que nous partions vers une souveraineté numérique où nous maîtrisions notre cyberespace, nos données», préconise le secrétaire général de l’APDP.

Au-delà de la régulation, l’expert suggère un partenariat avec ces géants du web afin de faciliter le retrait rapide des vidéos qui portent atteinte à l’honneur et à la considération de nos concitoyens et qui posent également des problèmes de mœurs pour la société malienne. «Nous avons demandé à nos sœurs de faire attention à ce qu’elles publient. Certaines femmes et filles ont pris un malin ou mauvais plaisir en se donnant en spectacle dans les Live. Alors que tout ce qu’elles publient restera la propriété des géants du numérique», explique Arouna Keïta. Et d’insister : «Une fois qu’un internaute publie quelque chose, la gestion de la chose lui échappe.

La publication sera partagée par des milliers de personnes et la plateforme numérique gardera les images. C’est le cas des escroqueries sexuelles qui se font actuellement.» Par ailleurs, le secrétaire général de l’ADPD conseille aux personnes victimes de signaler les publications illicites aux plateformes, et de saisir le procureur du Pôle judiciaire national spécialisé chargé de la lutte contre la cybercriminalité ou l’APDP. Pour l’heure, il n’y a pas eu de sanctions pour les cas précis. Mais face à ces dérives, conformément aux dispositions de la loi n°2013-015 du 21 mai 2013 modifiée, portant protection des données à caractère personnel en République du Mali, l’APDP a saisi le procureur du Pôle spécialisé pour une suite judiciaire à ces agissements contraires aux bonnes mœurs

À cet égard, l’Autorité rappelle aux utilisateurs des réseaux sociaux que la publication et le partage d’images, portant atteinte à la vie privée, à la dignité de la personne humaine ainsi qu’à ses données à caractère personnel, sont réprimés notamment par le Code pénal et la loi n°2019-056 du 05 décembre 2019 portant répression de la cybercriminalité.

Babba COULIBALY

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