Financement de la recherche en santé : Compétences et financements vont de concert

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Malgré les apparences, les fonds ne manquent pas. Mais les centres de recherche doivent disposer d’équipes compétitives pour les mobiliser.

C’est une lapalissade que dire que la recherche est un impératif de développement. Les pays qui investissent le plus dans ce domaine auront toujours une longueur d’avance sur les autres et s’assurent un avenir meilleur. Mais la recherche a un coût. Dans les pays africains où tout est prioritaire et où les besoins fondamentaux ne sont pas encore satisfaits, allouer des financements à la recherche n’est pas quelque chose qui va de soi. Pourtant, nos pays ont un grand intérêt à accorder une grande priorité à la recherche, surtout si celle-ci concerne la santé. Ce n’est d’ailleurs pas toujours la volonté politique qui manque. C’est ainsi qu’en 2008, Bamako a abrité un forum ministériel mondial sur la recherche pour la santé. Les conclusions de cette rencontre ont fait ressortir les avancées réalisées par notre pays en matière de recherche en santé. Depuis, de nouveaux progrès ont été enregistrés avec, notamment, un regain d’intérêt des pouvoirs publics pour la promotion de la recherche. Cela s’est traduit par l’adoption d’une politique nationale de recherche, assortie d’un plan d’actions de 5 ans et l’augmentation du budget de nos centres de recherche. En matière de recherche en santé, notre pays peut se targuer de faire mieux que nombre de ses voisins. Il dispose, en effet, de quelques structures de pointe : le Centre de développement des vaccins (CVD-Mali), le Malaria Research Training Center (MRTC), un centre de recherche sur le paludisme, Serefo, un autre centre de recherche sur le vih/sida et la tuberculose, l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP). Ces établissements de recherche font un travail appréciable et certains ont même obtenu une reconnaissance internationale. Une bonne partie de l’opinion est persuadée que peu de ressources sont allouées à la recherche dans les pays africains. Certains chercheurs relativisent en mettant en avant la bonne volonté des pouvoirs publics d’accompagner la recherche.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a, elle, souhaité que les pays africains consacrent au moins 2% du budget de la santé à la recherche et que les partenaires lui réservent 5% de leurs financements. La Déclaration d’Alger en juin 2008 et l’Appel à l’action du forum ministériel mondial sur la recherche pour la santé invitent dans cette même direction. Le financement de la recherche pour la santé n’est plus un casse-tête dans notre pays comme voilà quelques années. Le Pr Flabou Bougoudogo, directeur général de l’INRSP, témoigne ainsi qu’il y a de l’argent pour financer la recherche. Mais, précise-t-il, ce sont les équipes compétitives qui tirent leur épingle du jeu. Le directeur du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (CNAM), le Pr Samba Ousmane Sow, est du même avis. Dans la recherche, note-t-il, c’est l’argent qui manque le moins mais il faut que le protocole soit scientifiquement bétonné avec un impact de santé publique. En matière de financement de la recherche, l’Etat fait un gros effort. Il subventionne les institutions de recherche comme l’INRSP, le Centre de recherche, d’études et de documentation pour la survie de l’enfant (CREDOS), le Centre de recherche et de lutte contre la drépanocytose et le CNAM dont la vitrine est le CVD-Mali. Mais l’Etat ne peut-il faire mieux pour les institutions de recherche ? Flabou Bougoudogo nuance l’amplitude de cette interrogation. « Les gens ont une vision restrictive du financement de la recherche au niveau national. En plus des protocoles, le financement sur budget d’Etat prend en compte le salaire et la formation des chercheurs à travers le volet études et recherche », souligne le chercheur en donnant l’exemple de l’INRSP. Sur les 2 milliards de Fcfa et plus de budget de cette structure, l’Etat prend en charge 60%. Pour l’ensemble de ses structures de recherche, le ministère de la Santé alloue environ 1,5% de son budget à la recherche. Et dans sa volonté de promouvoir la recherche, l’Etat a décidé de la création d’un Fonds compétitif de la recherche pour la santé qui va être logé au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Les institutions de recherche pourront postuler aux ressources de ce fonds avec des protocoles solides pour le financement de leurs activités.

DES APPLICATIONS CONCRETES. En plus des subventions publiques, certains centres de recherche génèrent des ressources propres. Et ceux qui ont des équipes compétitives parviennent à mobiliser des financements de partenaires extérieurs. C’est le cas de CVD-Mali, de MRTC et de Serefo. Ces structures répondent à des exigences scientifiques élevées avec des chercheurs compétitifs sur le marché mondial. Ils n’ont donc pas de souci pour financer leurs activités de recherche. Ils sont accompagnés par de solides partenaires américains pour développer des stratégies efficaces de lutte contre les maladies. Le cas de CVD-Mali est assez édifiant. Cet établissement de recherche a fait beaucoup pour la protection des enfants. Grâce à ses travaux, des antigènes ont été introduits dans le Programme élargi de vaccination (PEV) de routine. Il s’agit de l’haemophilus influenzæ (HIB) pour la prévention des infections, du pneumocoque, du vaccin contre le rotavirus (un virus à l’origine de diarrhée chez les enfants). Et récemment, il y a eu le nouveau vaccin conjugué A contre la méningite dénommé MenAfriVac. Ce vaccin développé au Mali, au Ghana, en Inde et aux Etats-Unis, a été administré à des enfants. Cet antigène confère une immunité de 10 ans contre la méningite et cible les jeunes de 1 à 29 ans. Les différents protocoles de recherche sur ces vaccins ont été soutenus par des partenaires américains, notamment l’Université du Maryland.

Quant au Malaria Research Training Center, il est pour beaucoup dans la gratuité des combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (CTA) pour les enfants de moins de 5 ans et le traitement intermittent à la sulfadoxine peryméthamine (SP) pour les femmes enceintes. Ces protocoles de recherche ont bénéficié de l’accompagnement du l’Institut national de la santé (NIH) des Etats-Unis. L’INRSP postule aussi souvent à des financements extérieurs pour exécuter des protocoles. Comme on peut donc le constater, au-delà du financement national (subventions de l’Etat et ressources propres), les centres de recherche bénéficient de l’accompagnement précieux de partenaires extérieurs. Samba Ousmane Sow confirme à ce propos que les protocoles des équipes compétitives trouvent toujours preneurs. Il faut donc se soumettre à la rigueur des comités scientifiques et d’éthique pour élaborer de bons protocoles. Fort heureusement, nos équipes de recherche restent, dans l’ensemble, compétitives.

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Financement de la santé : LES « CHAMPIONS » VONT TRACTER LE PLAIDOYER POUR LA MOBILISATION DES RESSOURCES

Notre pays n’a pas encore atteint l’objectif essentiel de la Déclaration d’Abuja qui est d’allouer 15% du budget national à la santé. On en est cependant pas très loin avec 12,2% du budget national actuellement affectés à ce secteur. Le constat a été établi lors d’un atelier d’installation d’un réseau de champions en plaidoyer pour le financement de la santé qui a clos ses travaux jeudi à l’hôtel Radisson Blu. La cérémonie, présidée par le ministre de la Santé, Mme Diallo Madeleine Bâ, s’est déroulée en présence du directeur général de l’Organisation ouest-africaine de la santé (OOAS), Placido Montero Cardozo, du représentant de la Commission santé de l’Assemblée nationale, Kalifa Doumbia, et de nombreux invités. Le secteur de la santé a été confronté ces dernières décennies à des difficultés de mobilisation de ressources. Le financement des besoins de santé reste en deçà des attentes même si de grands progrès ont été réalisés en la matière. Les pays en développement, notamment ceux du continent africain, font face à de grands problèmes de santé publique dont le règlement requiert des ressources conséquentes.

Dans ces pays, la volonté politique est de plus en plus manifeste pour une forte mobilisation des ressources en faveur de la santé. Le réseau de champions en plaidoyer installé dans notre pays s’attachera à l’amélioration du financement de la santé sur le budget national et avec le soutien des partenaires techniques et financiers. Ce réseau a effectué le check-up de la situation globale du financement de la santé. Il a ainsi décidé, dans une lettre d’engagement, de contribuer à la création de nouvelles initiatives pour l’accroissement des ressources de la santé. Il entend œuvrer pour le changement de comportement en faveur des grandes priorités de santé et chercher des opportunités de croissance des ressources financières de la santé. Le ministre de la Santé a confirmé que l’Etat était fortement engagé dans le soutien des politiques de santé. A cet effet, elle a souligné que le budget du département de la Santé est passé de plus de 100,4 milliards Fcfa en 2008, à un peu plus de 155,3 milliards Fcfa en 2011, soit une augmentation de plus de 55% en quatre ans. Auparavant, le directeur général de l’OOAS, Placido Montero Cardozo, avait rappelé que dans le rôle dévolu à la facilitation et la capitalisation des expériences, les résultats de Bamako seront utilisés comme référence dans les interventions pour le plaidoyer du financement de la santé. Il a également salué le bond qualitatif réalisé dans la résolution des questions de santé. L’atelier de Bamako a adopté les statuts et règlement du réseau de champions en plaidoyer pour le financement de la santé dans les différents pays du continent africain.

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