Les Etats Unis d’Amérique ne finiront jamais de nous surprendre. Ce pays est coutumier de joutes épiques dont les protagonistes, des citoyens, des entreprises, des lobbies, l’Etat…, peuvent passionnément s’opposer.
En référence au fameux Premier amendement de leur Constitution, ils sont nombreux les américains à se battre, bec et ongles, pour que leurs droits soient reconnus et préservés. Ce fighting spirit peut aller jusqu’à se mesurer, à armes inégales, à une vénérable et toute puissante institution comme le FBI. Ce combat, la firme Apple l’expérimente depuis peu contre le Federal Bureau of Investigation (FBI), principal service fédéral de police judiciaire aux Etats-Unis, mais également principal service de renseignement supérieur.
En effet, Apple oppose un niet catégorique à une saisine du FBI de lui révéler les secrets des iPhone de certains de ses clients.
Bref rappel des faits. Le 2 décembre 2015, 2 à 3 tireurs font irruption dans un centre destiné à accueillir des personnes au chômage ou des sans-abris à San Bernardino, près de Los Angeles, dans l’État de Californie. La fusillade fait 14 morts et 21 blessés. Les assaillants prennent la fuite en voiture mais n’iront pas loin puisque la Police réussit à les rattraper et à abattre deux d’entre eux. Dans un communiqué rendu public deux jours plus tard, l’Etat Islamique annonce que l’attaque de San Bernardino a été menée par deux de ses « partisans ». Et sur la base de nouveaux indices en sa possession, le FBI requalifie son enquête en “acte de terrorisme”. L’agence fédérale souhaite décrypter les téléphones portables retrouvés sur les terroristes abattus et ainsi, accéder aux précieuses données personnelles qu’ils renferment.
Pour Tim Cook, patron d’Apple, c’est une ligne rouge à ne pas franchir. Sans porter de gants, il dénonce une requête “sans précédent” qui “menace la sécurité” de ses clients et “a des implications dépassant largement le cadre légal de cette affaire”. Tim Cook va plus loin. Il estime qu’on lui demande de créer un « cancer logiciel ». Sa ligne de conduite est partagée par tous les grands noms de l’économie numérique de la Silicon Valley qui considèrent aujourd’hui que protéger les données de leurs clients fait partie de leur mission.
En effet, ces chefs d’entreprises craignent qu’un tel outil puisse être utilisé pour d’autres affaires (divorces, fraudes fiscales, etc.). Apple ne voit pas moins une boîte de Pandore qu’il s’interdit d’ouvrir. La toute puissante Amérique est écartelée entre les partisans des deux bords et le soufflet n’est pas près de retomber. Dernièrement, le 16 février 2016, une juge américaine a exigé qu’Apple offre “une assistance technique raisonnable” à la police fédérale (FBI) pour l’aider à accéder au contenu crypté de l’iPhone d’un des auteurs radicalisés de la fusillade de San Bernardino. Autre prise de position qui n’est pas passée inaperçue, celle de Bill Gates le mardi 23 février 2016, dans un entretien au Financial Times. Le multimilliardaire, fondateur de Microsoft, déclarait que, de son point de vue, “le gouvernement demande à accéder à des informations, il ne demande pas un accès de manière générale”. Cela, vous imaginez bien, a suffi pour enfler la controverse et a été naturellement interprété comme un crocen- jambe de Bill Gates à Tim Cook. Vous ne manquez sûrement pas de subodorer la guerre à fleuret moucheté entre PC et Mac (Bill Gates vs Tim Cook). Quelle que soit l’issue de cet imbroglio juridique, technologique et économique, l’Amérique et le reste du monde ne pourront pas se payer le luxe de faire l’économie d’un débat de fond sur des questions aussi sensibles et vitales que le déchiffrement des données personnelles.
Serge de MERIDIO