De mon point de vue, pas du tout, surtout quand on sait que le virus informatif est à la fois le fils putatif du progrès technologique et le meilleur indicateur de ce même progrès dont le prodigieux essor actuel remonte aux décennies soixante et soixante dix. Il faut être particulièrement malvoyant et aussi de mauvaise foi pour ne pas faire la corrélation entre le progrès de la science et de la technologie et le pullulement de petits malins qui tirent profit de cette aubaine pour leur dessein criminel. Mais il faut tout de suite s’empresser de dire que The Creeper, le premier virus informatique connu à ce jour, n’émargeait ni au crime organisé ni à une quelconque entreprise politico-idéologique. Selon les revues spécialisées qui font autorité en la matière, The Creeper, l’ancêtre du virus informatique actuel, a été lancé en 1971 sur le réseau ARPANET – l’ancêtre d’internet – dans le simple but de démontrer la possibilité de mobilité d’une application à travers un réseau. The Creeper ne faisait rien de bien méchant, selon notre source. Il passait juste d’un ordinateur à l’autre sur le réseau. Une fois arrivé sur une nouvelle machine, il se contentait d’afficher : “I’m the Creeper, catch me if you can!” (Je suis une plante grimpante, attrapez-moi si vous le pouvez). The Creeper lançait ensuite une impression puis l’arrêtait, histoire de démontrer qu’il pouvait en prendre les commandes. Il ouvrait alors un port et “sautait” vers une autre machine, en principe sans laisser de traces sur la première. A la limite, The Creeper, c’était un « Joke », de la pure plaisanterie ! Mais, même à l’œil nu, on s’aperçoit qu’il renfermait déjà tous les gènes d’une future arme de destruction massive dont allaient se servir les criminels de tous bords.
Quarante longues années que ça dure ! Tels des mutants, les virus ont changé du tout au tout et sont aujourd’hui au cœur d’enjeux scientifiques, politiques, économiques, sécuritaires, stratégiques… qui font bouger les plus grands et les plus humbles d’entre nous. Avec l’apparition de la cybercriminalité, cette guerre asymétrique contre laquelle nul n’est paré, les vers ont quitté les laboratoires scientifiques pour devenir une question de sécurité nationale. Nous en avons déjà parlé dans de précédentes chroniques. Leur nombre a explosé et bien malin qui pourrait vous donner les bonnes statistiques. Toutefois, il faut savoir que, entre 1990 et 2010, leur nombre s’est considérablement multiplié passant d’à peine 1.300 à plus de 200 millions. On peut raisonnablement estimer que, aujourd’hui, cette côte est largement dépassée compte tenu du rythme exponentiel de production des virus. Ce qui fait froid dans le dos, c’est que, au fil des années, les créateurs de virus rivalisent d’ingéniosité. A l’image de ce que fut la dangereuse course à l’armement, les fabricants de virus augmentent l’impact et l’efficacité de leurs produits. Plus les hôtes se perfectionnent, plus les virus eux-aussi s’adaptent au mouvement et deviennent de plus en plus sophistiqués. Qu’on ne s’étonne plus des attaques sournoises et pernicieuses dont nos réseaux pourraient être les victimes innocentes ; face aux virus, en tout cas pour le moment, on est totalement nus. Nos amis informaticiens et spécialistes en sécurité de réseaux vous conseilleront tel antivirus, tel firewall, telle muraille infranchissable…, mais rien n’y fera. Sans vouloir mettre dans le même sac les fabricants de matériels informatiques et ceux spécialisés dans la production de vers, il faut se convaincre d’une chose : les premiers et les seconds ont partie liée. Tous deux sont les produits de la même culture, de la même éducation, du même environnement et croient au capital roi. A part rogner son frein, que faire d’autre ? Subir les évènements ou les anticiper si tant est que nous en ayons les moyens ? Quelle que soit l’alternative, comme je le soutenais plus haut, nous sommes assez nus pour nous défendre contre la menace des virus informatiques. Sauf à appliquer une des fameuses recettes de grand-mère qui conseillent « prudence, prudence et encore prudence ! ». Mais quand les spécialistes m’annoncent que la prochaine cible des virus pourrait bien être les Smartphones, ces téléphones très répandus et faciles à atteindre, alors-là, je rends les armes.
Serge de MERIDIO