Dans de nombreux domaines, l’Afrique demeure une « terra incognita », une gigantesque friche que les plus grosses entreprises mondiales du secteur des TIC vont s’arracher. En somme, une sorte de remake de la Conférence de Berlin (novembre 1884-février 1885) qui consacra le partage de l’Afrique entre les grands d’alors. Les époques ont certes changé, mais la course effrénée aux parts de marché et aux contrats mirobolants reste de rigueur. La conquête d’un marché de plus d’un milliard d’habitants, la perspective de réaliser des infrastructures lourdes, de fournir des équipements et les besoins de formation sont autant d’appel d’air qui font se bousculer les plus grands au portillon du continent. L’Union Internationale des Télécommunications (UIT) a produit de nombreux rapports très instructifs sur la cadence de la pénétration de l’internet dans différentes régions du monde. L’organisation onusienne basée à Genève « estime qu’on comptera trois milliards d’internautes et sept milliards d’abonnés au mobile d’ici la fin de l’année (2014) ». Pour le moment, la Région Asie-Pacifique mène la course en tête mais pas pour longtemps. En effet, et c’est l’avis des spécialistes, son économie ralentit et l’internet – mobile et fixe- cherche un nouvel Eldorado : l’Afrique. Toujours selon l’IUT, « le Vieux continent affiche un taux de pénétration bien supérieur aux autres régions du globe, avec 28% contre 10% en moyenne au niveau mondial, ce qui est trois fois plus élevé que la moyenne mondiale ». Il faut mettre en parallèle ce taux de pénétration très enviable avec la révolution du mobile qui sera, dans les toutes prochaines années, le facteur le plus déterminant pour aider à résorber la fracture numérique entre villes et campagnes. Et quid des pays africains eux-mêmes ? Il est loisible de constater qu’ils ne sont pas logés à la même enseigne et tout comme ils ne nourrissent pas les mêmes ambitions pour les TIC qui sont la passerelle pour la société mondiale de l’information et du savoir. Au Nord du Continent (Maghreb), à l’Est, au Centre et au Sud, certains pays semblent se détacher et constituent le peloton de tête de l’envié statut de leaders sur le continent. Un top 10 des pays africains les plus connectés est même disponible à cette adresse : http://www.afrik.com/internet-les-10-pays-les-plus-connectes-d-afrique
- le Nigeria compte 48,4 millions d’utilisateurs
- l’Egypte compte 29,8 millions d’utilisateurs
- le Maroc compte 16,5 millions d’utilisateurs
- le Kenya a 12 millions d’utilisateurs
- l’Afrique du Sud a 8,5 millions d’utilisateurs
- le Soudan a 6,5 millions d’utilisateurs
- la Tanzanie a 5,6 millions d’utilisateurs
- l’Algérie a 5,2 millions d’utilisateurs
- l’Ouganda a 4,4 millions d’utilisateurs
- la Tunisie a 4,2 millions d’utilisateurs
Le nombre d’utilisateurs semble être un excellent indicateur pour mesurer le taux de pénétration de l’internet dans un pays. Mais qu’en est-il de la qualité des infrastructures, des services au client et des coûts pratiqués ? Là, il y a à dire et à redire. Au constat, certains opérateurs du secteur semblent avoir privilégié la pêche au client au détriment de la réalisation d’infrastructures indispensables à leur développement. Dans presque tous les pays africains, des associations de consommateurs ou des initiatives spontanées veillent au grain, rappelant aux opérateurs les engagements contractuels contenus dans les cahiers de charge qu’ils doivent scrupuleusement respecter. Au Mali, par exemple, un groupe d’internautes mécontents a lancé sur les réseaux sociaux une campagne de dénonciation visant l’opérateur Orange dont un produit de grande consommation lui semble particulièrement litigieux. A cet effet, le hashtag #Mali100Mega a été créé pour fédérer le coup de gueule des utilisateurs qui se sentent floués par leur Fournisseur d’Accès à Internet (FAI). Mais au-delà de ces mouvements d’humeur, la révolution de l’internet sur le continent peut-elle avoir de sens si elle ne contribue pas à améliorer les pratiques publiques, à lutter contre la corruption, à introduire davantage de transparence dans la gouvernance et à favoriser la connexion du continent au reste du monde ?
Serge de MERIDIO