Sport et racisme : Les Africains doivent être plus forts que la haine

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«L’avantage du joueur, je dirais, typique africain : il n’est pas cher, généralement prêt au combat, on peut le qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça, c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline. Il faut de tout». C’est ce que l’entraîneur du Club des Girondins de Bordeaux, Willy Sagnol, a dit le lundi 3 novembre 2014 lors d’une conférence de presse. Des propos bien loin de ceux tenus par Seyba Coulibaly, l’ancien footballeur international malien, qui affirmait, quelques jours plus tard à Paris, que «dans le sport, il n’y a pas de couleur, pas de riches, pas de pauvres. Dans le sport, il n’y a que des valeurs. Le sport peut même éteindre les mésententes entre les personnes».

«Ce monsieur-là», disait Seyba, «n’est pas digne d’entraîner une équipe de foot. Être éducateur sportif, c’est être social, c’est mettre tout le monde sur un pied d’égalité. Nous, les Africains, nous avons très mal pris les propos de Sagnol. Il a conforté le racisme au sein du sport. Et nous savons que s’il y a une graine de racisme dans le cœur de quelqu’un, celui qui l’arrose, le fait fleurir. Ce monsieur m’a déçu». Tout cela n’est pas nouveau, disait Seyba. Il se rappelle que quand George Weah, le grand joueur libérien du PSG, allait partir au Milan AC et il a été hué lors de son dernier match à Paris. À l’époque, les autres joueurs, en solidarité avec lui, avaient fait demi-tour et étaient rentrés au vestiaire. Seyba a aussi cité les cris de singe et les bananes. Il a dit avoir ressenti de la fierté quand un joueur a mangé celle qu’on lui avait jetée. Pour Seyba, c’était un geste fort, car «quelqu’un qui te hait, si tu l’ignores, il va mourir».

Avant-centre dans les tournois inter-quartiers dans les années 70, Seyba Coulibaly s’est ensuite imposé comme le buteur de l’équipe Djoliba. Sa carrière est connue de tous. Beaucoup de jeunes rêvent à une carrière professionnelle. Qu’ils soient africains ou occidentaux, peu réussissent. Ceux qui quittent le Continent pour y parvenir, se retrouvent en Europe. Souvent, ils ne parviennent pas à intégrer les grands clubs. Déçus, ils suivent ensuite des stages de reconversion professionnelle. Beaucoup deviennent agents de sécurité.

Fort de ce constat, au tout début de 2012, avant le 22 mars, Seyba a décidé de créer l’ASSOMAF (Association des Anciens Sportifs Maliens en France), avec des jeunes et des plus vieux. Cela leur a permis de se rencontrer. En peu de temps, ils étaient 111 membres, tous les sports étaient représentés. Le but était de monter une association inter-générationnelle. Ils organisaient des rencontres sportives amicales, aidaient des anciens sportifs nécessiteux au Mali, en leur envoyant des médicaments, par exemple. Mais malheureusement, en 2013, la campagne présidentielle est venue tout gâter. Certains, prétendant être sportifs, sont entrés dans l’association. Ils ont utilisé la notoriété de certains membres à des fins politiques. Seyba a insisté : «Il ne faut pas mêler la politique au sport, c’est malsain». Ceux qui avaient adhéré à l’association dans l’unique but sportif ont été tellement déçus d’avoir été manipulés, qu’ils ont quitté. Il y a eu des mauvaises paroles, des blessures. Cette association n’a pas été dissoute, mais depuis les élections, elle ne se réunit plus.

Seyba, en tant que président, veut relancer l’ASSOMAF. Il estime qu’elle doit reprendre ses activités. Il faut que tout le monde se retrouve. Les jeunes et les moins jeunes. Les anciens sportifs maliens en France ont un rôle à jouer, en France comme au Mali. Ils peuvent apporter leur expérience. Les anciens sportifs peuvent aider les plus jeunes à s’orienter vers une autre carrière. Devenir entraîneur en France, par exemple, ou donner un coup de main aux clubs sportifs maliens de la diaspora, ou à ceux au pays. Au moment de la création de l’association, le ministère malien de la Jeunesse et des Sports  avait été contacté pour que tous les clubs au Mali soient informés et qu’ils tiennent l’ASSOMAF au courant de leurs déplacements en France, afin que ses membres puissent les accueillir. C’est important dans la culture malienne. Mais cela n’a pas été mené à bien. Il faudrait que cela se fasse. Sinon, les anciens sportifs se sentent ignorés, et ça leur fait mal.

Seyba pense aussi que l’ASSOMAF pourrait s’associer aux clubs d’anciens sportifs des autres diasporas. Il a déjà pris contact avec celui de Guinée Conakry en France. Seyba Coulibaly estime que c’est ensemble que les anciens sportifs africains peuvent aider à combattre le racisme et la violence qui prévalent de plus en plus dans les rencontres sportives en France. Les Africains doivent être plus forts que la haine.

Françoise WASSERVOGEL

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