Longtemps soutenu par le mécénat, le sport malien attire de plus en plus des sponsors avec le regain de dynamisme du secteur privé. Ce qui est de prime à bord, une très bonne chose pour les fédérations sportives nationales. Toutefois, il est regrettable de constater que ces contrats de sponsoring créent beaucoup plus de problèmes dans l’administration du sport malien, surtout au niveau de l’organisation des compétitions. Cela au point qu’on se demande aujourd’hui à qui ils profitent réellement ?
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rnVisiblement la rivalité entre les deux sociétés de télécommunications du Mali (Sotelma-Malitel et Orange-Mali) est en train de rejaillir négativement sur le sport malien. Considérées aujourd’hui comme les deux principaux soutiens des fédérations sportives nationales, en dehors bien sûr du ministère de la Jeunesse et des Sports, elles tentent toutes les deux de mettre le sport malien sous une coupe réglée et le plus souvent pour des miettes. Et pour se faire, elles peuvent compter sur la cupidité de certains dirigeants sportifs qui signent aveuglement des contrats sans trop savoir à quoi ils s’engagent.
rnCette situation a fait que le football malien a frôlé la catastrophe lors de la saison sportive 2009-2010 avec le boycott, pendant quelques journées, de 14 clubs. Faisant fi de l’engagement de la Fédération malienne de football (Femafoot) avec Orange-Mali pour le championnat Ligue 1, les responsables de ces clubs ont signé un contrat avec Sotelma-Malitel. Cette signature du contrat de partenariat entre la fédération malienne de football et la société Orange Mali, le 18 février 2010, avait donc plongé le football malien dans une crise heureusement vite circonscrite avec des médiations à différents niveaux. Selon les termes de cet accord, qui devait s’étaler sur cinq ans, la Sotelma s’engageait à débourser un montant total de 2,415 milliards de francs Cfa aux 14 clubs et 235 millions de francs Cfa à la Fédération malienne de football. Et en retour, elle exigeait la présence de ses affiches, banderoles, panneaux floqués de son logo dans les stades. Une concession inadmissible dans la mesure où le sponsor officiel du championnat national de Ligue 1était Orange-Mali. Cette situation de blocage avait donc amené le collectif des 14 clubs de D1 à mettre en veilleuse sa participation au championnat de D1. Une décision prise à tord le 17 mars 2010. Après un bras de fer, le collectif était revenu à des meilleurs sentiments suite à de nombreuses médiations. La saison sportive fut donc sauvée de justesse.
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rnMenace sur le Tour cycliste du Mali
rnEt le 28 janvier 2011, la Fédération malienne de football et la société Orange-Mali ont signé un avenant au contrat de sponsoring prenant ainsi en compte les 14 clubs de Ligue 1 Orange. Cet avenant se chiffre à 224 millions de F Cfa par an, dont une participation de Malifoot à hauteur de 28 millions de F Cfa. En plus de cela, Orange-Mali s’est engagée à accompagner les quatre clubs maliens en compétitions africaines (Stade Malien de Bamako, du Djoliba, du CSK et de l’AS Réal) pour un montant total de 100 millions de F Cfa. Dans ce contrat, le partenaire a offert, à chacun des 14 clubs, deux jeux de maillots. Sans le report du second Tour Cycliste du Mali, prévu du 6 au 12 février 2010, les deux opérateurs allaient encore se donner en spectacle autour d’un juteux banquet, pardon du sport malien. Et en effet, l’organisateur principal avait signé un contrat d’exclusivité avec Orange-Mali alors que la Fédération malienne de cyclisme est sous contrat d’exclusivité avec Sotelma-Malitel pour toutes ses activités. Après d’âpres négociation et l’implication du ministère de la Jeunesse et des Sports pour régler la situation, aucune des deux sociétés ne voulaient faire marche arrière. Et pourtant, elles s’étaient entendues un moment pour que le partenaire du tour soit désigné sur appel d’offres remporté par Orange-Mali. On se demandait avec quel sponsor le second Tour Cycliste du Mali allait être organisé. Heureusement, cette seconde édition a été reportée à une date ultérieure pour des "raisons de sécurité". Comment cela est-il arrivé ? L’appât du gain bien sûr ! Selon de nombreux témoignages, le principal organisateur aurait dit à qui veut l’entendre que, "au Mali, chaque cadre à son prix". Voulait-il dire ainsi que les responsables de la Fédération malienne de cyclisme sont dans sa "poche" ? En tout cas, on ne s’explique pas comment ceux-ci ont pu signer deux contrats d’exclusivité avec deux concurrents qui ne veulent plus se sentir ?
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rnL’athlétisme dans l’œil du cyclone
rnCe qui est sûr, c’est que le contrat d’exclusivité va à la longue étouffer le sport malien parce que bloquant des initiatives comme l’organisation du Marathon de la Banque Of Africa (Boa). Une compétition qui commence à gagner ses lettres de noblesse au niveau de l’athlétisme africain. Mais, la 3e édition courue le 23 janvier 2011 a failli être prise en otage par le contrat liant la Fédération malienne d’athlétisme à Sotelma-Malitel. Les responsables de cette société n’ont rien ménagé pour bloquer cette initiative pourtant antérieure à son engagement avec la Fma. Mieux, ce marathon est une initiative de la Banc Of Africa qui ne cesse de mettre les moyens pour lui donner une envergure internationale avec la présence, cette année, des Kenyans, des Tanzaniens, des Nigériens…Si elle a été saluée à sa signature le Contrat d’exclusivité entre Sotelma-Malitel et une bonne dizaine de fédérations nationales sportives, sous l’auspice du Comité National Olympique (Cnosm), est en train de devenir un sac à problèmes parce que créant des frustrations et des situations ingérables comme celles auxquelles le cyclisme et l’athlétisme ont été récemment confrontés. Il faut souligner que le sponsoring est un soutien financier ou matériel apporté à un événement, une fédération ou une équipe sportive par un partenaire annonceur en échange de différentes formes de visibilité. En dehors de la visibilité pour sa marque qui est fonction de l’exposition médiatique de l’événement, l’annonceur cherche également à bénéficier d’effet d’image sur sa marque en fonction des valeurs associées à l’événement ou à l’univers sportif faisant l’objet d’une action de parrainage. En effet, l’association d’une marque d’une entreprise, à une compétition, un évènement sportif, un club voire un sportif professionnel, permet d’une part d’assurer des retombées médiatiques et d’autre part de générer un revenu complémentaire ou d’obtenir des avantages en nature.
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rnSi le sponsoring existe dans le sport, c’est que ce dernier est vecteur de valeurs qui permettent aux entreprises de mettre
en place des stratégies vouées à accroître leur notoriété et travailler sur leur image de marque. L’omniprésence des marques dans le monde du sport professionnel résulte de la surmédicalisation de ce dernier. Le sport professionnel peut être utilisé comme une vitrine à l’échelle mondiale. On comprend alors aisément pourquoi chacun de nos opérateurs téléphoniques ne ménagent pas les stratégies pour faire de nos différentes disciplines sportives leur chasse gardée.
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rnUne exclusivité bradée
rnMais, il faut mettre la manière pour que, au lieu d’être un avantage, que ce sponsoring ne soit un facteur de blocage pour le sport malien comme nous le vivons maintenant. En effet, il ne faut se voiler la face, le contrat parrainé par le Cnosm pose problème aujourd’hui. D’abord le caractère exclusif est incompréhensible dans la mesure où le partenaire ne verse aux fédérations que des miettes annuelles, en moyenne 7,5 millions Cfa par an. Et comment comprendre qu’une fédération s’engage exclusivement avec un partenaire sur toutes ces activités pour une si maigre somme ? Le sponsoring porte généralement sur un événement majeur donné, des équipements (équipementiers), etc. Et l’exclusivité se négocie rigoureusement à des conditions particulières parce qu’elle ferme la porte à toutes les autres contributions ! Ce qui n’est pas judicieux pour une fédération sportive malienne parce que, présentement et objectivement, aucune entreprise implantée dans notre pays n’est en mesure de prendre une discipline sportive à 100 %. N’empêche qu’il faut souligner que la Fédération malienne de tennis a obtenu 300 millions de F Cfa de Sotelma-Malitel pour cinq ans. L’exclusivité est tolérable dans pareil cas. L’autre aspect, c’est que le contrat parrainé par le Cnosm est flou, si l’on s’en tient aux déclarations de certains responsables des fédérations ainsi liées par le contrat. Aucun de nos interlocuteurs n’a été en mesure de nous dire exactement le montant annuel alloué et surtout la durée précise de l’engagement. D’après les différentes déclarations, le montant dépend de l’envergure des fédérations. Last but not least, ce contrat est en train de pollué l’atmosphère entre les différentes entités de gestion du sport malien. Ainsi, selon de nombreuses sources, le climat est aujourd’hui très tendu entre le Comité olympique et le ministère de la Jeunesse et des Sports. Le département reproche au comité de ne l’avoir pas associé à la prise de décision. "Pis, le Cnosm n’a même pas eu l’élégance de nous envoyer une copie du contrat nous permettant de maîtriser ses tenants et ses aboutissements", regrette un conseiller technique du département. Ce à quoi le comité réplique en soulignant n’avoir reçu aucune demande officielle dans ce sens. Cet argument, s’il tient administrativement, il est fallacieux dans la réalité. Il est vrai que l’autonomie et l’indépendance d’un Comité National Olympique (Cno) sont sacralisées par la Charte Olympique. Mais, il faut aussi dire que les fédérations seraient de simples associations sans l’agrément voire la délégation de pouvoir de l’Etat. On ne peut pas alors comprendre que le ministère de la Jeunesse et des Sports ne soient pas associé à la signature d’un contrat de sponsoring entre les fédérations et un partenaire. Surtout que le gouvernement a été et demeure toujours le principal bailleur de fonds du sport au Mali.
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rnDes opportunistes et des manipulateurs à l’ombre du Comité
rnEn effet, malgré la pluie de millions déversés sur les clubs et les différentes fédérations, elles reçoivent toujours la subvention de l’Etat, aussi modeste qu’elle soit. Mieux, c’est le département de la Jeunesse et des Sports qui assure toujours les charges (transports, hébergements…) de la participation des clubs et des Equipes Nationales aux compétitions zonales, africaines et internationales. Cela est donc une raison fondamentale pour que le ministère soit au moins informé par écrit de la signature d’un contrat engageant les fédérations. Sans compter que le Cnosm aurait dû lui renvoyer les clauses du contrat par fair-play, par courtoisie et surtout par soucis de transparence. Loin de là, ses dirigeants en veulent à mort au ministre Hamane Niang à qui ils reprochent de vouloir les déstabiliser. En effet, ils en veulent au ministre de la Jeunesse et des Sports d’avoir donné sa caution à l’organisation de la 3e édition du Marathon de la Banc Of Africa. Une compétition qu’ils veulent désormais étouffer pour faire plaisir à leur partenaire de Sotelma-Malitel. Et selon des indiscrétions, une campagne médiatique aurait été orchestrée par l’entourage du président pour déstabiliser Hamane Niang à son tour. Mais, force est de reconnaître que cela ne sert le sport malien en aucune manière. "Je pense que le président Cnosm a été abusé par certains de ses collaborateurs pour signer ce contrat. Je pense notamment au secrétaire exécutif et l’un des vice-présidents qui ont de plus en plus de l’influence sur lui", avoue un responsable de fédération qui a requis l’anonymat. Et visiblement, le dessein de ces deux vautours, déguisés en hirondelles du printemps du Cnosm, est d’isoler davantage le président Habib Sissoko afin de gérer le comité en fonction de leurs intérêts. Ils seraient, avec le Trésorier général, les instigateurs de la campagne médiatique en cours contre le ministre de la Jeunesse et des Sports. On comprend alors que beaucoup de proches conseillers du président aient pris leur distance par rapport à la gestion du Cnosm. S’il ne fait pas très attention, ces "faux amis" vont rapidement ternir l’image du comité et détruire tout ce que le président a réalisé et qui lui vaut une reconnaissance nationale et internationale.
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rnEn tout cas, il est évident que le contrat parrainé par le Comité crée beaucoup d’obstacles au développement de nos disciplines sportives. Et il est dans l’intérêt du Comité de communiquer suffisamment sur les clauses du contrat ! Mieux, il faut revoir la copie parce que l’exclusivité des activités d’une fédération sportive mérite mieux que des miettes !
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rnKader Toé
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