De passage à Bamako, le président de la Fédération burkinabé de football, Colonel Sita Sangaré, a bien voulu accorder une interview exclusive à Match. Le premier responsable de la Fédé se réjouit fortement de la présence du Burkina Faso, à travers les Etalons, parmi les dix meilleures équipes du Continent, parle de long en large du décisif choc de barrages (aller-retour) du Mondial 2014 contre l’Algérie, se projette sur la première participation des Etalons locaux pour le CHAN 2014 en Afrique du Sud et ses projets pour le football burkinabé.
Le Burkina Faso est dans le Top 10 d’Afrique, c’est-à-dire qualifié pour les barrages de la prochaine Coupe du monde de football. Est-ce une surprise pour vous ?
Tout d’abord, je salue tous vos lecteurs. Ceci dit, la présence du Burkina Faso dans le Top 10 démontre qu’il n’ya pas de fatalité sur cette terre, que tout est possible pour celui qui se lève tôt, pour celui qui croit en lui-même. C’est cet enseignement que je tire personnellement de cette situation.
L’adversaire des barrages c’est l’Algérie. Comment avez-vous perçu ce tirage au sort ?
Honnêtement, je pense que le tirage au sort aurait pu être pire si on se réfère aux statistiques. De toutes les façons, on s’attendait à n’importe laquelle des équipes qui constituait le chapeau de groupe. Vraiment il y avait du lourd. Il y a la Côte d’Ivoire, première nation africaine du classement Fifa, l’Algérie que nous allons croiser est à sa 3e participation à la Coupe du monde. On a également le Nigeria qui a aussi un certain nombre de participation à la Coupe du monde. La Tunisie a un vécu également à la Coupe du monde. Le Ghana qui est allé le plus loin possible avec le Sénégal si j’ai bonne mémoire en Coupe du monde. C’est du lourd et le sort a voulu que ce soit l’Algérie. Nous disons Dieu merci pour cela. Nous allons nous battre, nous n’avons pas de choix. Avec 3 participations à la Coupe du monde, l’Algérie est favorite sur papier par rapport au Burkina Faso qui va essayer de découvrir pour la première fois le plus grand rendez-vous sportif du monde.
La qualification pour le Mondial Brésil 2014 se jouera-t-elle à Ouaga ou à Blida ?
Incontestablement, elle se jouera à Blida en Algérie au match retour. On sera peut-être tenté de dire qu’il faut jouer le match avec une marge sécurisante. Quelque soit la marge du match aller, elle est n’est pas importante pour moi car pour moi la qualification va se jouer en Algérie. Nous allons nous préparer pour l’avoir en terre algérienne.
Auriez-vous préféré que le match retour se joue à Ouaga ?
En toute honnêteté, j’ai préféré que le match retour se joue en Algérie parce qu’il nous ôte la pression de la qualification. Il n’est jamais aisé de jouer la qualification chez soi. Il y a d’abord la pression des journalistes à travers leurs écrits et du public sportif. Cette pression populaire personnellement, je craignais que les joueurs ne puissent la supporter. Je pense que la pression sera sur les Algériens au match retour. Même si l’Algérie gagne la manche aller, son public ne comprendrait pas qu’ayant fait un bon match aller ses joueurs ne puissent pas concrétiser. Si l’Algérie perd, le public lui exigerait de rattraper le retard et ensuite chercher la qualification. Comme je l’avais dit, ce sont les Algériens qui sont les favoris. A eux de faire le jeu.
Voir le Burkina Faso en phase finale de Coupe du monde au Brésil est-il un rêve, une obsession ou une prétention pour vous ?
Ce n’est pas une obsession encore moins une prétention. Mais je pense que c’est plutôt un rêve. Puisque pour tout passionné de football, jouer la phase finale d’une Coupe du monde, c’est vraiment le Graal, la concrétisation. Et avant tout, la Coupe du monde de football est une fête internationale. Le fait d’y partciper est le rêve tous les joueurs et l’encaderment technique. En tant que dirigeant sportif, mon rêve aussi est que mon équipe nationale puisse participer à cette belle fête mondiale.
Le Burkina Faso, vice-champion d’Afrique, c’est du passé mais c’est encore présent dans les esprits. C’est une grosse consécration et une petite surprise quand même !
C’est une surprise pour nous-mêmes membres de la Fédération burkinabé de football. L’objectif fixé à l’entraîneur était de qualifier pour la première fois le Burkina Faso en quarts de finale d’une Can. Et Dieu a voulu que nous allions au-delà de cet objectif minimal que nous avions assigné à l’entraîneur à savoir en allant jusqu’en finale d’une Coupe d’Afrique. C’est une bonne chose et un statut que les joueurs ont le devoir de défendre pour démontrer que ce n’était pas forcément un fait de hasard. Et je pense que c’est cette dynamique qui se poursuit et permettra aux enfants qui évoluent actuellement en équipe nationale de se battre pour encore démontrer à la face du monde que ce n’était pas forcément un statut usurpé. Même si nous reconnaissons qu’en plus des talents des joueurs, ce sont les prières de notre peuple et la bénédiction d’Allah Le Tout Puissant qui nous ont permis d’atteindre ce niveau.
Après la Can et avec le titre de vice-champion d’Afrique, votre entraîneur national, Paul Put a monté les enchères. Finalement vous êtes parvenu à le garder. Comment les choses se sont passées avec lui ?
Je vous remercie d’avoir posé cette question qui me permet d’éclairer la lanterne de vos lecteurs. Heureusement ou malheureusement le football est ainsi fait. Les joueurs aussi bien les entraîneurs acquièrent à un certain moment une valeur marchande. L’entraîneur est allé au-delà de l’objectif que nous avions assigné à savoir atteindre les quarts de finale de la Can. Avec notre qualification en finale, les tractations avaient déjà commencé en Afrique. Des pays plus nantis que le Burkina Faso avaient fait des avances à notre entraîneur national. Excusez-moi du terme, mais l’entraîneur n’exerce pas son métier forcément pour les beaux yeux du président de la Fédération que je suis. Il a une famille à nourrir. Si on propose mieux ailleurs à un salarié en ces temps qui courent, il est tenté par cette sollicitation même si moralement son contrat est en cours. Après la Can, Paul Put nous a approchés. Il nous a fait part de sa préoccupation, à savoir la revalorisation de son salaire. Il s’est adressé à nous en ces termes : «Président, j’aimerais bien continuer l’aventure avec les Etalons du Burkina Faso. Mais comprenez-moi, si je pouvais avoir une revalorisation conforme à mon statut d’entraîneur de l’équipe vice-championne d’Afrique, ce ne serait pas mal.»
C’est sur cette base que nous avons ouvert les négociations avec lui. Avec cette exigence, nous avons tenu à ne pas occulter certaines réalités malgré son désir légitime de revaloriser son salaire malgré nos maigres moyens. On sait que le Burkina Faso n’est pas le pays le plus riche d’Afrique encore moins du monde. Le Burkina Faso est un pays qui a ses limites. Nous avons dit à l’entraîneur que nous sommes prêts à faire des sacrifices. On lui demander également de mettre un peu d’eau dans son vin par rapport à ses prétentions. Et Dieu merci, les négociations ont pu aboutir et c’est l’occasion pour moi de remercier les autorités politiques de notre pays. Celles-ci ont voulu être à notre écoute tout au long de cette phase difficile des négociations.
Selon la presse burkinabé, le salaire a été augmenté de 50%. Vous confirmez ?
Tout ce que je peux dire est que nous sommes arrivés à un niveau satisfaisant pour les deux parties.
Parlez-nous de votre participation pour la première fois à une phase finale du Chan. Peut-on dire que c’est l’année du Burkina Faso ?
Tout d’abord, permettez-moi de remercier sincèrement l’encadrement technique parce qu’à notre arrivée à la Fédération, la question s’était posée. Nous avions dit que nous préférons faire confiance à l’expertise nationale. Nous remercions le staff technique composé d’encadreurs burkinabé. Ils ont prouvé qu’on peut compter sur l’expertise locale. Notre principal combat était que le championnat national puisse être compétitif et attrayant. Cela passe par ces genres d’occasions puisque le Chan à nos yeux est une vitrine non seulement pour la promotion des joueurs du championnat national, mais aussi une occasion de démontrer la bonne santé du football local. C’est pour cette raison que je tiens à remercier l’encadrement technique et toutes les personnes de bonne volonté. Au Chan, nous allons donner le meilleur de nous-mêmes et démontrer la bonne santé du football burkinabé. Nous sommes en train de préparer notre équipe pour qu’elle représente dignement notre pays.
Sur les plans résultat et organisationnel du football burkinabé, peut-on dire que vous êtes un président comblé sachant qu’à votre arrivée des langues disaient «on attend pour voir» ?
En tant que patriote, on doit travailler à donner le meilleur de soi-même. On ne travaille pas pour soi, mais pour le pays. Notre satisfaction réside à ce niveau. L’accueil populaire que les Etalons et leur encadrement ont reçu suite à leur parcours honorable (2e place à la CAN 2013) ponctué de la décoration par le chef de l’Etat lui-même a suffi personnellement à mon bonheur. Avant tout, le football est un vecteur de cohésion nationale et au-delà un vecteur de rapprochement de peuple. A chaque fois que je parte à l’étranger, je suis interpellé sur le parcours des Etalons. C’est déjà une bonne chose. Je vois de simples citoyens qui me disent en tant Burkinabé, pas en tant que président de la Fédération, que nous avons une bonne équipe. En tant que dirigeant sportif, on doit travailler pour que l’équipe soit reconnue et que le peuple se reconnaisse en son équipe. En toute honnêteté, je suis un président comblé, mais mon bonheur sera encore plus grand si par notre capacité d’organisation, nous réussissons à avoir un championnat national bien structuré, fort dans le long terme. Nous sommes en train de travailler dans ce sens puisque chez nous les équipes évoluant dans le championnat national souffrent de beaucoup de lacunes. Il y a manque de moyens, manque d’organisation au niveau des clubs sans oublier celui d’infrastructures. Nos autorités politiques avaient réussi par l’organisation de la Can 98 à doter notre pays d’infrastructures sportives. Mais il faut reconnaître que 1998 n’est pas hier seulement. Ça remonte déjà à une quinzaine d’années. Il faut que nous allions au-delà parce que certains de nos stades ont déjà commencé à être dépassés. Ce qui fait que nous sommes en train de réfléchir à une approche auprès de nos dirigeants sportifs en vue d’organiser encore une compétition continentale, même si ça sera au niveau des petites catégories pour pouvoir booster le domaine des infrastructures. Aujourd’hui, beaucoup de Burkinabé s’adonnent à la pratique du football, mais malheureusement nous n’avons pas beaucoup d’espaces. C’est un tas de problème qui est là une fois que le Stade du 4-Août ferme ses portes pour les travaux. La Ligue nationale peine à redéployer les équipes sur les autres terrains. Il y a eu toujours des complaintes de la part des équipes pour cela. Mais nous n’avons pas de choix. A Ouagadougou, nous n’avons que le Stade du 4-Août et le Stade Municipal qui répondent aux normes internationales. Donc si l’un de ces deux Stades ferme seulement, nous avons de problèmes. Raison pour laquelle nous avons du mal à fermer le Stade du 4-Août même sur l’instruction de l’entraîneur nation pour qu’il puisse respirer un peu.
A Bobo-Dioulasso, il n’y a que le Stade Hobi qui soit fonctionnel. L’Etat a mis beaucoup de moyens pour le Stade Omnisports de Bobo, mais malheureusement il y a de petits problèmes. Sa pelouse n’est pas tellement fonctionnelle et cela fait qu’il ne peut abriter de grandes rencontres. C’est dire qu’il reste du chantier à faire. Je reconnais que nous bénéfissions de la bonne disposition de nos autorités politiques. Mais nous espérons également que des efforts seront faits parce que cela dépasse le cadre de la Fédération. Nous avons déjà approché nos partenaires et les instances sportives internationales. La Fifa même est disposée à nous donner deux pelouses synthétiques. Je suis sûr que cela nous soulagera énormément surtout une à Ouagadougou et une autre à Bobo. A long terme, nous allons essayer de voir si on peut avoir de Stades à Koudougou et Waïdouya au grand bonheur des sportifs. J’ai appris que le président Blaise Compaoré est fou de football.
Est-ce qu’il vous arrive de parler de foot avec lui ?
Le président du Faso est un passionné du football, un grand connaisseur. Je vous rappelle qu’il a joué au niveau du championnat de première division. Et je vous certifie que le président Compaoré connait l’équipe nationale du bout de ses doigts. Ce n’est un secret pour personne, il a fallu toute sa détermination et tout son engagement pour que le Burkina Faso puisse organiser la Coupe d’Afrique des Nations 98. Il est toujours à nos côtés. Il se tient constamment informer des détails de la préparation de l’équipe nationale.
A-t-il souvent peur quand le Burkina Faso joue ?
Non. Il connait vraiment les détails l’équipe nationale. En vérité, les résultats ne surprennent pas le Président du Faso. Il est toujours optimiste.
Par Baba Cissouma
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