Pour l’une des rares fois, la plume de la rubrique “Que sont-ils devenus ?” nous pique. Parce qu’elle tombe aujourd’hui sur un talent gâché, Abdoul Karim Traoré. Malheureusement pour le football malien, les joueurs très talentueux disparaissent comme une étoile filante, au moment où on a le plus besoin d’eux. Feu Sory Ibrahim Touré dit Binkè, Alassane Diallo dit Tom Foot et Abdoul Karim sont de ce lot. Sans démagogie, ils font partie des joueurs les plus talentueux de l’histoire du football malien les trente dernières années. Pour les définir on retient que c’est le talent à l’état pur. A la différence des autres, ces trois maestro ne forcent pas. C’est inné chez eux. Ils manipulent le ballon du pied comme ils peuvent le faire avec les mains. Leurs qualités ? Vitesse, adresse et technicité. Ceci nous conduit directement dans le jardin de notre héros de la semaine Abdoul Karim Traoré. Pour démontrer sa forme du jour, il driblait dans un mouchoir de poche. Pour prendre ses responsabilités, il faisait des accélérations sporadiques. Et pour briser les espoirs de l´adversaire, il exécutait le portier sur les balles arrêtées. Bref Karim était un génie. Qui peut le contredire ? En attendant, nous revenons sur sa carrière au Djoliba, au Stade malien de Bamako et en équipe nationale. Le cadre est la rubrique “Que sont-ils devenus ?”.
Par ses prises de position et ses agissements face à certaines situations, Abdoul Karim Traoré est qualifié de rebelle, de récalcitrant, d´intraitable. Paradoxalement, il nous a prouvé le contraire par son respect, sa disponibilité durant nos différents coups de fil et notre rencontre ce samedi 8 avril 2023 à Sogoniko en Commune VI. L’homme a des principes calqués sur le respect de soi. Dans ce cas, n’est-il pas difficile d’accepter d’être méprisé ?
Abdoul Karim Traoré dans sa jeunesse était-il conscient de son talent ? Non ! Certes le football est sa passion, mais l’appréciation venait plutôt de son entourage. Pour lui, le football est un jeu plaisant, il voulait donc des résultats. Cependant, il se rappelle de la claque que son père lui a administrée. Parce qu’il voulait être un footballeur dans sa vie. Or Karim est admis au DEF au même moment. Avec le temps, le vieux Traoré comprend que son enfant est né avec des qualités exceptionnelles pour jouer au ballon. Alors pourquoi il n´a pas réussi à la dimension de son talent ? “L’homme n’a pas de pouvoir pour faire basculer son destin. En tant que musulman, je vois les choses sous cet angle. Mais il est incontestable que si j´avais signé mon premier contrat professionnel en France, j´aurai été une star mondiale parce que là-bas la communication est très développée. Ses médias constituent des portes d’entrée, des opportunités pour être connu. Donc lisez entre mes propos, et vous comprendrez. Une fois de plus en tant que musulman, je m’en remets à la Sagesse du Bon Dieu”.
C’est à l’issue d’un match amical entre les cadets du Djoliba et le FC Babemba de Sogoniko que Faye se lance aux trousses d’Abdoul Karim. Il ne passe que quelques jours au centre de formation des Rouges. Faye n’apprécie pas trop les prestations du jeunot qu’il juge pédantes. Il réplique violemment aux remontrances de l’entraîneur, prend son vélo et rentre tranquillement à la maison.
Cet incident oriente Karim vers le Centre Salif Kéita (CSK), où il n’est pas non plus régulier aux entraînements, au motif que la distance est longue. Aly Koïta dit Faye revient à la charge, le cajole afin qu’il reprenne les entraînements. La Coupe CMDT est remportée par les cadets du Djoliba au détriment du CSK. Karim est élu meilleur joueur de la compétition. Domingo décide de le récupérer en passant par son ami, le père de Karim.
Mis au courant des démarches entreprises par les Centristes, Karim reste campé sur sa décision de jouer au Djoliba. Quelques semaines après Abdoul Karim est sélectionné en équipe nationale pour les éliminatoires de la Can des cadets, édition Guinée 1999. Les Aiglonnets se qualifient et occupent la 3e place avec les Mamadou Diallo, Bamba Sylla, Amadou Diallo dit Docteur, Kalilou Doumbia, Djibril Sidibé, Dalamané Diallo, Koly Kanté, etc.
Au retour de la Can, Abdoul Karim réussit un test à Anderlecht en Belgique. Selon lui, Kéké estime qu’il est très jeune. Donc le contrat n’est pas signé. Les cadets maliens jouent la même année la 8e édition de la Coupe du monde, organisée en Nouvelle Zélande du 10 au 27 novembre 1999.
Les deux compétitions propulsent Abdoul Karim dans l´équipe senior du Djoliba, où l´entraîneur Aly Ouattara l’aguerrit par des bouts de matches. Il passe ainsi quatre saisons dans la famille Rouge (1999-2003), et remporte une seule Coupe du Mali en 2003 à Mopti face au Tâta de Sikasso, et un titre de champion (1999). A un moment donné, il divorce d’avec son club de cœur. Qu’est ce qui s’est passé ? Comment il a pu signer dans deux clubs le même jour ? Quelle solution alternative pour lui éviter une suspension ?
Karim se souvient : “Un déplacement du Djoliba à Ségou pour une rencontre de championnat est à la base de ce divorce. L’équipe a traîné jusqu’à 20 h, à cause des tractations des dirigeants. Or elle devrait quitter immédiatement après les entraînements. Finalement j’ai exprimé mon ras le bol et l’un d’eux m’a engueulé. Et j´ai réagi à la mesure de son agression verbale. C´était le divorce à quelques jours de la fin de la saison. Les Stadistes profitent et je signe la licence. A présent je me demande comment Modibo Coulibaly du Djoliba a pu m’amener le même jour dans la soirée, pour des séances de photo et de signature de la licence? Immédiatement les Djolibistes contactent ma famille, tout en regrettant la prise de bec entre nous. Je décide de rester au Stade, mais impossible de jouer pour avoir aussi signé de l´autre côté. J’écris à Kéké pour lui demander de me laisser jouer au Stade, ne serait-ce qu’une saison. Il accepte, et propose un échange avec Alfousseny Kouma dont le Djoliba lorgnait aussi. Voilà comment mon transfert au Stade fut sauvé”.
Au Stade Malien de Bamako Abdoul Karim Traoré joue une seule saison (2003-2004), durant laquelle il passe deux mois au Raja de Casablanca. A défaut d´un accord entre les responsables des deux clubs il retourne au Mali, pour ensuite rebondir en Libye à Al Itiyad de Tripoli pour deux ans (2004-2006).
Cette première aventure fût le déclic d´une série de pérégrinations entre le Mali et le Portugal : Deportivo de Trofense (2006-2007), Frimund (2007-2008). En 2009 il signe au Réal de Bamako. A la fin de la saison son agent Séran Diabaté l’embarque pour Reims en France. Là aussi les pourparlers n’ont pas abouti. A l´impossible nul n’est tenu, l’enfant de Sogoniko se contente d’un contrat en Thaïlande (2012-2013). Abdoul Karim arrête sa carrière en 2016 à l´AS Savana de Mopti promue en première division. Déjà il avait passé une saison à l´AS Bakaridjan de Ségou (2014-2015).
Après sa retraite il reste dans le giron footballistique avec son ex agent Séran Diabaté. Aujourd’hui il n’a pas le statut d´agent de joueurs à part entière. Mais il se débrouille à sa manière. Son fils ainé, pensionnaire d’une Académie de football au Qatar, signera dans quelques mois son premier contrat professionnel. Il n´attend que ce moment pour concrétiser son statut d´agent de joueurs, et exploiter son carnet d´adresse. Il dit avoir déjà servi d´intermédiaire pour le contrat à l´étranger de deux joueurs.
La carrière de Karim émaillée de tumultes est aussi liée aux bons souvenirs : la Coupe CMDT des cadets, le match retour des éliminatoires de la Can cadette contre le Sénégal à Bamako. A la 75e minute l´entraîneur Fagnery Diarra l´intègre. En deux accélérations Abdoul Karim marque deux buts, synonyme de qualification pour les nôtres. Ce jour à la fin de la rencontre le jeunot fût exfiltré par les forces de l´ordre. Parce que les spectateurs avaient escaladé les grillages pour manifester leur joie. Son seul mauvais souvenir est cette élimination du Djoliba par l´Espérance de Tunis, à la porte de la phase de poule de la ligue Africaine des champions en 1999. Il est marié et père de deux enfants.
O. Roger Tél 00223 63 88 24 23
Mais hélas, mille fois hélas, il lui a manqué cette prise de conscience de sa valeur réelle ! Quel gâchis vraiment !!
Véritable gâchis ! Un joueur au talent incommensurable et aux gestes techniques inimitables mais très PME (Partisan du Moindre Effort) qui lui a été véritablement fatal.
Et il aurait dû bénéficier d’un encadrement professionnel. Comme l’ont aujourd’hui tous les joueurs qui ont son âge
c est un alcoolique.
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