Après sa retraite footballistique, Yacouba Diarra a abandonné le milieu sportif. Malgré tout il suit de très près l’évolution des équipes nationales. Sa décision de déserter le marigot du ballon rond n’est pas non plus liée à une déception ou à un problème quelconque. Seulement il estime que sa carrière footballistique était l’une des étapes de sa vie. Maintenant il faut se consacrer à sa famille et à son emploi. Bref, Yacouba Diarra est un ancien international des Rouges de Bamako. Son parcours rappelle trois grands matches : la finale de la Coupe Cabral à Bamako en 1989, l’exploit des Aigles au Maroc en éliminatoires de la Can d’Algérie -90, le match contre le Cameroun en avril 1991. Dans toutes ces rencontres, Yacouba Diarra a brillé dans son couloir droit. Pourquoi a-t-il pris sa retraite ? Ses bons et mauvais souvenirs ? Surtout cette prescription du marabout à la veille du match Mali-Cameroun joué à Bamako en avril 1991. Laquelle rencontre s’est terminée par des incidents, suite aux deux buts encaissés par les Aigles. Jacob Ewandé et François Omam Biyick étant passés par là. Yacouba Diarra est notre héros de la semaine pour l’animation de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”
Actualité oblige, notre rencontre avec Yacouba Diarra coïncide avec le tirage au sort de la prochaine Can, et l’appel à candidature pour un nouvel entraîneur des Aigles. Sur les deux sujets, il a des avis importants. Avec le niveau de notre football, la question d’une qualification ne se pose pas. C’est plutôt le trophée que le Mali doit viser. Cela passe par le recrutement d’un encadrement technique compétent, connaisseur du football africain, et surtout qui a de la personnalité pour défaire des pressions, et avoir une autorité sur les joueurs, détaille notre interlocuteur.
Yacouba Diarra était un ailier droit extraordinaire. Comme une étincelle, très endurant, il partait du néant pour créer une confusion dans le camp adverse. Pour cela, il profitait de deux options : les unes-deux et les ouvertures magistrales (qui le plaçaient en orbite) du dépositaire du jeu djolibiste. Le latéral gauche chargé de le marquer, n’avait qu’une seule alternative : l’agripper avant son démarrage.
Dans la plupart des cas Yacouba Diarra semait son vis à vis, parce qu’il avait trois qualités : le démarrage en trombe, la vitesse et le centre millimétré sur la ligne de corner. Tellement rapide, il finissait parfois sa course hors du terrain au terme de son incursion.
Logé à la Cité des joueurs à Garantiguibougou, visiblement l’enfant de Sikasso, quartier Kaboïla II, ne se plaint pas. Sa maison, le décor de son salon et son humeur le prouvent à suffisance. Après les formules d’accueil et notre installation confortable avec tous les honneurs, nous introduisons par une question curieuse. Le football malien lui a-t-il rapporté quelque chose de potable ?
“Dieu merci, le football malien m’a servi. C’est grâce au football que j’ai quitté Sikasso pour Bamako, où les dirigeants du Djoliba ont pris en charge mes frais d’études, en plus d’une moto. Ce diplôme m’a permis d’avoir un emploi aux Aéroports du Mali. Mieux le terrain sur lequel j’ai construit est le fruit de la récompense du président Moussa Traoré, après le sacre des Aigles au tournoi Cabral remporté à domicile en 1989. J’ai eu de très bonnes relations, j’ai beaucoup voyagé. Bref je suis reconnaissant au football malien”.
Issu du Tata National de Sikasso, Yacouba Diarra est le fruit des compétitions inter scolaires et inter quartiers et plus particulièrement Kaboïla II. C’est au cours d’une rencontre contre l’école de la Mission catholique que les dirigeants du Tata local le contactent pour signer une licence.
Très jeune à l’époque, le football était son jeu préféré. Il le pratiquait avec la plus grande abnégation. Un saut à Bamako pour continuer sa carrière n’était pas pour lui une ambition immédiate. Cela pour deux raisons fondamentales : l’âge et l’environnement dans lequel il évoluait.
Plan B
Pourtant son oncle Lassine Diarra (paix à son âme), un grand dirigeant du Djoliba, a estimé qu’avec son talent, il pouvait faire mieux en d’autres lieux. Voilà que Yacouba Diarra débarque à Bamako. Paradoxalement son oncle ne s’est pas interféré dans son choix porté sur le Stade malien de Bamako. Dédain, manque de confiance ou malchance, il est apparu évident que le jeune Sikassois abonné au banc de touche, ne s’est contenté que des bouts de matches.
En son temps l’encadrement technique stadiste ne pouvait pas prendre le risque de déglinguer l’ouvrage de fortification de son attaque composée de Yacouba Traoré dit Yaba, Seydou Diarra dit Platini, Boubacar Sanogo et Tostao. Yacouba Diarra n’hésite pas alors à transférer au Djoliba. Un plan B qui lui ouvre les portes de la merveille parce qu’il est sélectionné la même saison en équipe nationale et joue les éliminatoires des Can (Algérie 1990) et Sénégal (1992), remporte la Coupe Cabral en 1989 et participe au tournoi de la Francophonie en France.
Après les évènements de mars 1991, et que Kidian Diallo soit parti de l’encadrement technique des Aigles, l’effectif de l’équipe nationale est remanié fortement. Une nouvelle génération renforcée entame les nouvelles échéances et parvient à se qualifier pour la Can de Tunis. Yacouba Diarra, qui n’est pas retenu par le nouveau coach Molobaly Sissoko, se focalise sur son club, le Djoliba. Un club dans lequel ses belles performances s’expliquent par deux aspects : démontrer un talent qui malheureusement n’a pas été reconnu ou exploité de l’autre côté, mieux il est tombé sur un groupe homogène du Djoliba, qui avait d’ailleurs le vent en poupe.
Dans la famille Rouge sa carrière est bien fournie avec cinq titres de champion (1988-1990-1992-1996-1997-), deux coupes du Mali (1993-1996-), un doublés (1996). Ce palmarès est marqué par des bons souvenirs : sa première sélection en équipe nationale, le trophée du tournoi Cabral, et surtout ce match retour contre le Maroc pour les éliminatoires de la Can de 1990.
Selon Yacouba Diarra, ce jour-là c’est les joueurs qui ont fait le classement, pour se doper le moral et mettre en exergue l’importance de la rencontre (après un nul vierge à Bamako, les Aigles se sont imposés au match retour par le minimum d’un but à zéro, marqué par Seydou Diarra dit Platini).
Pour ce qui concerne les mauvais souvenirs, ils sont au nombre de trois : la défaite contre le Cameroun à Bamako (les joueurs par mesure de sécurité ont été conduits au camp Soundjata de Kati), les défaites contre l’Asec d’Abidjan en finale de la Coupe Ufoa, et contre l’AS Mandé en demi-finale de la Coupe du Mali. Au milieu de la saison 1997-1998 une blessure au genou incurable contraint l’enfant de Sikasso à prendre sa retraite.
En avril 1991, face au Cameroun, le constat a été que l’entraîneur Kidian Diallo a aligné la même équipe de la finale de la Coupe Cabral contre la Guinée-Conakry. Ce qui a naturellement suscité des commentaires allant jusqu’à conclure à une prédilection d’un marabout.
Elève en 9e A au moment des faits, il était impensable pour nous que dans l’avenir nous aurons sous la main et dans d’autres circonstances un élément clé de ces deux matches. En vérifiant cette rumeur, Yacouba Diarra confirme qu’effectivement c’est un marabout qui a conseillé à l’encadrement d’aligner l’équipe qui a remporté dans un passé récent un trophée. Comprenez par là qu’il s’agissait de la coupe Cabral. Voilà que notre curiosité est satisfaite par le tribunal de l’histoire.
O. Roger
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