Comment rédiger cet article, et sous quel angle ? C’est la problématique qui s’est posée pour assurer cette semaine la régularité de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Pas par manque d’inspiration, mais parce que les idées se bousculent pour la rédaction dudit article. La raison ? Le héros de la semaine est un certain Soumaïla Diakité, ancien gardien de but international du Stade malien de Bamako. Il est comparable à Idrissa Traoré dit Poker, feu Sadia Cissé du Djoliba, Aboubacar Vieux Djan Traoré et feu Gaoussou Samaké du Stade malien. C’est des prototypes de joueurs qui bénéficient du respect du milieu sportif : dirigeants, joueurs et supporters. Peu bavards, très disciplinés, ils incarnent la sagesse. Le distinguo entre Soumaïla Diakité et ses aînés est qu’il a acquis la sagesse très jeune. Quelles sont les explications de cette sagesse ? Comment il s’est imposé comme l’un des meilleurs gardiens du Mali ? Pourquoi il a pris sa retraite ? Comment il la vit ? L’enfant de Djicoroni-Para confirme tout le bien que l’opinion pense de lui.
Son vrai prénom est Soumaïla Diakité et non Soumbaïla. C’est un jugement supplétif qui est à l´origine de cette erreur. Le secrétariat du club à l’origine de ce changement d’âge ne s’en est pas rendu compte, au moment d’établir la licence. Il a attiré son attention sur cette déformation de son identité. Malgré tout, les choses sont restées ainsi.
En tant qu’ancien enseignant une note excessive attribuée à Soumaïla Diakité peut s’expliquer par l’appréciation suivante : il a marqué sa génération, sa carrière et le football malien.
Voilà un portier qui a su allier talent, efficacité et sobriété. Il s’est forgé un statut de respectable en raison de son comportement d’ensemble sur le terrain et en dehors. Cela est argumentable par son éducation familiale, et sa fréquentation de la medersa.
Soumaïla Diakité est attaché à sa famille et à ses parents qui lui ont inculqué le respect de soi et des autres. Même ces cadets bénéficient de son humilité. Ses atouts ont fait de lui l’un des meilleurs gardiens du Mali et d´Afrique. Déjà, à son jeune âge, il a démontré ses qualités de souplesse. Ce qui lui permettait de rattraper ses positions perdues. Sinon il est réputé être un gardien intelligent, sachant lire le jeu et se placer dans le bon sens.
Aussi Soumaïla Diakité était imbattable dans les duels, et à un contre un. Sa grande capacité de relance faisait de lui la première ligne d’attaque des siens. Il a su également compter sur la chance pour exprimer son talent au haut niveau. Soumi a réalisé de nombreuses prouesses dans l´épreuve fatidique des tirs au but, offrant des victoires mémorables, notamment un 5 décembre 2009. Il a su exploiter son calme dans son entourage. Avec la force de sa personne, Soumaïla Diakité s’est imposé comme l’autorité morale de sa génération.
Le coup de pouce d’ATT
L´histoire de Soumaïla s’identifie à cette Coupe Caf remportée par le Stade malien de Bamako en 2009. Ce jour-là, il a arrêté un penalty victorieux. En son temps personne ne pouvait parier sur un tel exploit des Blancs, tant le début de la saison fut difficile, avec le départ d’un entraîneur étranger.
Djibril Dramé appelé en sapeur-pompier pouvait-il redresser la barre ? Parce qu’il venait d´échouer lamentablement avec les Aiglons. Dans cette situation d´incertitude, qui faisait souffler l’orage à Sotuba, à quel moment Soumaïla s’est dit que le Stade malien remportera ce trophée historique ? Quel est le facteur déterminant du sacre de l´équipe la plus populaire et la plus supportée au Mali ? Soumaïla répond : “C’était après les demi-finales que j’ai commencé à miroiter l’espoir d’un sacre. Parce que le groupe montait en puissance. Le président Amadou Toumani Touré (paix à son âme) est et demeure le facteur déterminant de cette grande victoire du Stade. Oui, l’homme s’est engagé à nos côtés, en payant des équipements pour le club. En plus au match aller ATT a mis l’avion à la disposition de la délégation. Raison pour laquelle immédiatement après la rencontre, l’équipe a quitté pour être à Bamako à minuit. ATT a créé la surprise par sa présence à la dernière séance d´entraînement du Stade. Il nous demanda la Coupe, et tout le monde lui a promis. Il me conseilla de me calmer et de gérer mon tempérament pour l’amour du pays”.
Concernant les retombées de cette Coupe Caf, Soumaïla n’embarque pas dans notre bateau, pour donner certains détails. Il soutient que les récompenses étaient définies sur des critères. Il est évident que des virements bancaires ont été effectués sur le compte de tous les acteurs.
Une anecdote, la Can de 2015 où Soumaïla s’est blessé. Les rumeurs relatives à l’intervention a distance de Sekouba Kouyaté dit N’dossoba ont secoué Bamako. Effectivement l’ancien gardien de but international confirme que l’homme de science par le canal d’un membre de la délégation lui a parlé au téléphone.
“Sékouba me demanda de poser ma main sur la partie douloureuse, ma cuisse. Très sincèrement quand il a fini ses incantations, la douleur s’est atténuée, et s’est estompée de jour en jour jusqu’à la guérison”.
Entraîneur en puissance
Soumaïla a passé quinze mois en Iran comme professionnel. Selon lui à l’époque le règlement de la Fifa concernant ses dates ne s’appliquait pas. C´est-à-dire que le salaire et les primes étaient suspendus pendant les vacances ou les matches de l´équipe nationale. Une telle situation ne pourrait continuer. Soumi décide de rompre le contrat et retourne au Mali. L’heure de la retraite semblait sonner pour lui.
Les dirigeants de l’AS Réal s’impliquent pour arracher un compromis. Le revers de la médaille bloque ces négociations. Les Stadistes estiment que Soumaïla est l’enfant légitime de la grande famille de feu le président Fousseyni Diarra. Donc il ne peut pas s’égarer pour se retrouver dans la concession voisine. L’enfant de Djicoroni ému par cette démarche des Blancs se ressaisit et restitue tous les cadeaux des Scorpions.
Cette situation le démoralise. Comment ne pas heurter les Stadistes et compter en même temps sur la compréhension des Réalistes ? Soumaïla Diakité joue la saison 2017-2018, et projette un saut en France à la fin des compétitions. Les Stadistes mettent les moyens à sa disposition. L’ancien gardien de but international s’envole pour l´hexagone, et donne une nouvelle orientation à sa vie. Il passe le diplôme d´entraîneur de gardien, niveau volet B. Actuellement il suit la formation du volet A. Parallèlement à ces études, il entraîne les gardiens de l´équipe du District de Paris.
Les trois meilleurs bons souvenirs de Soumaïla sont : son premier match en équipe nationale contre le Tchad à Bamako, la finale de la Coupe Caf, remportée par le Stade malien en 2005, et la Can 2012. Au tableau des mauvais souvenirs, il retient sa blessure contre l’équipe de Moribabougou, qui l’a fait évacuer à l’hôpital, deuxième blessure contre l’AS Réal en 1/2 finale de la Coupe du Mali, et le tournoi de l’Uémoa au Burkina Faso en 2010. Dans ce match, il est expulsé suite à une intervention agressive sur un joueur ivoirien.
Comment cette carrière, qui a engendré tous ces souvenirs a débuté ?
Indéboulonnable une décennie chez les Aigles du Mali
Comme Sadia Cissé ou Idrissa Traoré dit Poker du Djoliba, Soumaïla Diakité n´a connu qu’un seul club, le Stade malien. Il a arpenté les escaliers et non l’ascenseur. C’est à dire : minime, cadet, junior et senior entre 1995 et 1999. A l’instar de tous les enfants de la capitale, Soumaïla a commencé à jouer au ballon dans le quartier, avec le FC Ajax de Djicoroni-Para. L’absence du gardien et sa volonté de le remplacer tracent son destin pour ce poste. Puisque ce jour, l’équipe a gagné grâce à ses prouesses, il prend du plaisir à garder les buts. Très sûr de ses qualités, Soumaïla entre au centre de formation des Blancs de Bamako. Ses débuts au Stade ont connu des tumultes. Admis à la catégorie junior, l’entraîneur le récuse parce que son gabarit pour être gardien, ne rassure pas dans le football moderne. Soumaïla se rappelle.
“Ce jour-là, je me suis posé la question de savoir si c’est le même Soumi, que les supporters apprécient dans les compétitions inter quartiers ? J’étais très déçu et je boude les entraînements pendant des mois. J’ai repris durant le carême parce qu’à cette période beaucoup de joueurs débraient. Le coach Mamoutou Kané dit Mourley me donne ma chance lors de la saison 1996-1997. J’alternais les matches de cadets et junior jusqu’en 1999 où l’entraîneur Djofolo Traoré me convoque en équipe senior. Parce que l’emploi du temps scolaire de Mourley l’empêchait d´être régulier aux entraînements. Je me retrouve au milieu des ainés Boubacar Kéïta, le petit Farota et Mourley. Il fallait être ambitieux pour se faire une place”.
Soumaïla a saisi sa chance, s’est donné les moyens et le temps pour se perfectionner. C’est ainsi qu’il supplée Boubacar Kéïta pour la finale de la Coupe du Mali en 2000 contre le COB. En 2003, il devient maître des lieux jusqu’à sa retraite. Une constance qui lui ouvre les portes des différentes équipes nationales : le niveau cadet en 2003, la Can junior au Burkina Faso, la Coupe du monde à Dubaï, les JO d’Athènes en 2004.
Ces campagnes dans les catégories d’âge ont servi de visa pour confirmer sa sélection en équipe nationale senior, pour les éliminatoires de la Can de 2004. Soumaïla n’est pas retenu pour la phase finale. Mais il devint par la suite la doublure de Mahamadou Sidibé dit Maha en 2007.
A partir de cette date sa titularisation est actée et sa participation à six phases finales de Can (2008, 2010, 2012, 2013, 2015, 2017) est suffisante pour attester que Soumi a été indéboulonnable derrière les Aigles durant une décennie.
Passé devant le maire en 2014, son mariage fût parrainé par le feu président Amadou Toumani Touré dit ATT, qui s’est manifesté par une grosse somme d’argent. Il soutient aussi que les présidents du Stade malien : Mahamadou Samaké dit Sam Diéma et Boukary Sidibé dit Kolon ont également financé pour immortaliser son mariage. Soumaïla est père d’une fille et d´un garçon qui est pensionnaire au centre de formation des Blancs de Bamako. Dans la vie il aime la bonne entente entre les hommes, la franchise et la sincérité. Il déteste l´hypocrisie.
O. Roger Tél (00223) 63 88 24 23